La vidéosurveillance ne sert pas qu’à arrêter les dealers ! C’est l’expérience que viennent de vivre des manifestants à Millau dans l’Aveyron.

Le mardi 12 mai 2020, lendemain du premier déconfinement, un rassemblement est organisé pour construire le monde d’après. Les manifestants se regroupent par groupe de 10 pour respecter les règles sanitaires.

En même temps comme dirait Macron, un commandant de la police nationale et sept policiers sont là pour reconnaître une à une les personnes rassemblées. Pas d’interpellation et pas de contrôle d’identité, pourtant l’officier de police rédige sur-le-champ un procès-verbal qui ressemble à un fichage politique au vu : « de l’appel à manifester de l’ultragauche . . . ». On peut par exemple lire sur ce procès-verbal la désignation d’un militant « connu de notre service pour être dans de nombreuses manifestations », d’un autre « connu pour être sur la liste Alternative écologique et anticapitaliste lors des dernières municipales », d’un autre « qui a assisté à des réunions sur les incivilités dans le centre-ville », d’un autre « qui est responsable d’un théâtre à Millau ».

Dans ce rapport digne des pandores du 19 siècle, le commandant reconnaît que « l’ambiance est bon enfant », que « les personnes se dispersent sans incident ». Le lendemain le même commandant demande au chef de la police municipale de lui transmettre les images enregistrées par les caméras de vidéosurveillance. Ce dernier s’exécute. Un deuxième procès-verbal est rédigé par le même commandant. Des photos de 36 manifestants extraites de la vidéosurveillance sont jointes à ce deuxième procès-verbal. Pour chacun des manifestants photographiés il est mentionné le nom, le prénom, la date et le lieu de naissance, l’adresse. En annexe le commandant se permet de joindre un document électoral de la liste Alternative écologique et anticapitaliste avec nom et photo de tous les candidats, alors que certains ne se trouvaient pas au rassemblement.

L’enquête bouclée est transmise au procureur de la République de Rodez le 16 mai 2020. Début juin, une cinquantaine de manifestants découvrent dans leur boîte aux lettres une contravention de type 4 qui équivaut à 135 euros d’amende. Quelques-uns s’acquittent de la douloureuse, la grande majorité refuse de payer. Ils se nomment eux-mêmes « les amendés de Millau ». La contestation arrête les poursuites et les manifestants doivent être convoqués au tribunal de police. Or le parquet de Rodez n’a pas respecté cette procédure. La contravention a été majorée et certains ont eu des saisies sur leur compte bancaire. Cette affaire pose clairement la question du fichage politique et de l’usage de la vidéosurveillance par la police.Ce 4 mai 2021 une vingtaine des manifestants de Millau étaient convoqués devant le tribunal de police de Rodez. Ils voulaient plaider la relaxe. Ils étaient soutenus par la LDH et par de nombreux partis politiques et syndicats.

 

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