Vous connaissez le mot magique de la philosophie libérale ? concurrence, et même concurrence libre et non faussée pour bien montrer la rigueur intellectuelle du concept. Et le top du top, c'est d'instituer la loi du marché. Pratiquement un dieu économique vivant ! Évidemment, je ne vous parle pas des autres mots magiques, moins nobles et moins revendiqués que sont profits et dividendes.

Au nom de cette fameuse concurrence, tous les services publics doivent disparaître, le plus rapidement possible. Il faut donc privatiser ces biens collectifs qui ont pour seul objectif l'intérêt général (quelle naïveté !), une valeur inconnue pour certains. Il faut aussi mettre fin au statut hallucinant des fonctionnaires en complète contradiction avec la précarité et la flexibilité nécessaires au bon fonctionnement de l'économie dite libérale.

Depuis des dizaines d'années, on détricote, on démantèle, on appauvrit, on attaque toutes ces entreprises issues de l'après-guerre. Que reste-t-il de la Poste, de l'hôpital public, de l'école, de la SNCF ? La SNCF, parlons-en justement !

Au début des années 90, la directive européenne 91/440 permet l'ouverture à la concurrence. Elle impose la séparation de la gestion de l'infrastrucure et de l'exploitation des services de transport. Création donc de RFF (Réseau Ferré de France) laissant à la SNCF l'exploitation et l'entretien des lignes. Le ver est dans le fruit et la machine infernale est lancée. Concomitamment à la création de RFF, l'expérimentation de la régionalisation des services de transports régionaux de voyageurs donne aux régions qui y participent la responsabilité de définir le service public régional et leur transfère les financements de l'État qui s'engage alors à désendetter la SNCF et à garantir les acquis des cheminots. Il garantit aussi l'exploitation exclusive de la SNCF sur le réseau ferré.

Tu parles !

Dès janvier 2019, la phase opérationnelle de la mise en concurrence des lignes Nantes-Lyon et Nantes-Bordeaux a été lancée par le ministère des Transports. Un désengagement déjà largement amorcé par le passage de nombreuses lignes locales dans le réseau TER, passant, dès lors, sous la responsabilité des régions. C’est le cas du Paris-Amiens-Boulogne, du Paris-Orléans-Tours ou encore du Clermont-Nîmes et du Paris-Rouen-Cherbourg.

Les régions de droite vont vite sauter sur l'aubaine pour achever la bête. Dans cette course au tout-concurrence, nombre de régions se sont déclarées favorables à une libéralisation anticipée, au premier rang desquelles Paca, qui avait déjà lancé un appel à manifestation d’intérêt sur la gestion de ses lignes régionales. Ce n’était plus qu’une question de temps et ce temps est arrivé !

Mardi dernier, la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur a pris la pole position dans la privatisation des TER. Renaud Muselier a ainsi proposé à ses élus de choisir Transdev, détenu par la Caisse des dépôts (66 %) et le groupe allemand Rethmann (34 %), pour exploiter la liaison Marseille-Nice. Si les élus régionaux suivent cette recommandation le 29 octobre, l’affaire serait historique : la ligne qui traverse les montagnes rougeâtres de l’Estérel serait la première à échapper à la SNCF dans le cadre de la mise en concurrence.

Symbole du détricotage continu des services publics et marqueur idéologique, la privatisation des lignes de chemin de fer suscite le courroux des syndicats autant qu’elle attire les majorités régionales de droite, promettant aux usagers un meilleur service sans casse sociale.

PACA n'est pas la seule, le Grand-Est, les Hauts-de-France, l'Ile-de-France et les Pays-de-la-Loire ont choisi de lancer des appels d'offres pour l'exploitation d'une partie de leur réseau ferroviaire, où des opérateurs alternatifs -allemand, italien, espagnol et aussi français- pourront défier la SNCF. Tout ça au nom de la concurrence et de la religion du privé ! Tout ça sous le prétexte que le privé, c'est plus économique et plus performant pour les usagers !

À propos, le gouvernement de Boris Johnson a annoncé en janvier 2020 la renationalisation d'une partie du chemin de fer en Grande-Bretagne. On se demande bien pourquoi : preuve que le privé n'est pas toujours la solution miracle.

 

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