Peut-on instaurer un couvre-feu sans feu ? Cette question va être posée au maire de Béziers par les tribunaux compétents et par la LDH. Elle est lourde de conséquences.

Politiquement, Darmanin a ouvert le bal sécuritaire le 18 avril dernier en ordonnant un couvre-feu pour les mineurs dans la commune de Pointe à Pitre en Guadeloupe.

Décisionnaire, mais pas commanditaire, Darmanin n’est pas à l’initiative de cette demande.

À l’origine, le maire EELV de Pointe à Pitre se plaint d’une délinquance en augmentation et en annonce une progression de 12 à 38 % en quelques mois. C’est lui qui saisit le préfet de la Guadeloupe.

Darmanin récupère politiquement cette question et ordonne depuis la métropole et la capitale l’instauration d’un couvre-feu.

On serait tenté de dire qu’en agissant de la sorte Darmanin fait du Darmanin. Qu’il renforce sa posture d’homme fort, incontournable.

En annonçant l’instauration d’un couvre-feu pour les mineurs de moins de 13 ans à partir du 22 avril, Ménard fait aussi du Ménard. Il sort de sa stature de maire de sous-préfecture de province et tente de concurrencer le ministre de l’Intérieur dans la même catégorie d’homme fort providentiel.

Au-delà des ambitions personnelles d’un Ménard et d’un Darmanin, l’instauration d’un couvre-feu obéit à des considérations très précises qu’il convient de détailler.

C’est bien parce que ces considérations n’étaient pas remplies qu’un arrêté similaire en 2014 avait été annulé par le Conseil d’État en 2018.

En 2014, le maire de Béziers avait pris un arrêté similaire. Il interdisait la circulation des mineurs de moins de 13 ans de nuit à certains endroits de la commune, du vendredi au dimanche soir. Cet arrêté avait été annulé par le Conseil d’État à la suite d’un recours de la Ligue des droits de l’Homme.

En 2024, l’arrêté municipal comprend tous les jours de la semaine. Cette extension dans le temps devra être justifiée comme étant adaptée et proportionnée à la situation.

La question qui va être jugée sera « y a-t-il une hausse des violences à Béziers concernant les mineurs de moins de 13 ans ». Si hausse il y a, elle devra être étayée, justifiée, prouvée.

Il va de plus falloir que Ménard prouve que la situation a changé. Prouver en quelque sorte que les tribunaux ne jugent pas la même chose.

Si Ménard avance les mêmes justifications qu’en 2014 le scénario pourrait être le même. L’arrêté peut être retoqué par le tribunal administratif.

Pour ce qui est des circonstances actuelles, le maire évoque dans ses déclarations les émeutes de l’année dernière.

L’actualité juridique peut-elle être celle de l’année dernière ? C’est à cette question qu’auront à répondre les tribunaux.

On le devine facilement derrière la question : peut-il y avoir un couvre-feu sans feu ? Se joue la propension d’un Ménard, de la droite et de l’extrême droite à jouer avec les peurs à les instrumentaliser pour construire une majorité culturelle et sociologique.

Cette nouvelle bataille qui s’annonce, où l’on retrouve pêlemêle Attal, Darmanin, Estrosi, Ménard, Bardella . . . fait suite à celle sur la loi immigration.

Elle oppose :

  • Un camp qui veut changer la loi pour la durcir et instaurer durablement l’idée même d’un couvre-feu sans feu quasi permanent.
  • À un autre camp qui devra démontrer que le capitalisme condamne la misère et l’errance qu’il génère lui-même.

Il faudra que la gauche ( la gauche dans toutes ses composantes, y compris EELV ) soit au rendez-vous d’un combat qui lui est imposé par la droite et l’extrême droite.

 

 

 

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