Le 17 avril 1961, voilà exactement 62 ans, une poignée d'opposants à Fidel Castro débarquent dans la Baie des Cochons, à l'ouest de l'île de Cuba. Armés par la CIA, ils se donnent pour objectif de renverser le régime castriste, quelques mois après que celui-ci se soit rangé dans le camp soviétique.

Mais les partisans de Castro, qui ont été informés du débarquement, accueillent celui-ci avec des armes lourdes. La tentative échoue piteusement et les assaillants se font tuer sur la plage, sous la clarté de la pleine lune.

Après le départ de Batista et l'arrivée de Fidel Castro au pouvoir, en 1959, les relations entre Cuba et les États-Unis se détériorent rapidement. La politique d'expropriation des terres du gouvernement castriste et son rapprochement avec l'URSS inquiètent le gouvernement américain qui adopte des représailles commerciales et rompt ses relations diplomatiques avec Cuba en janvier 1961.

La CIA décide alors de lancer une opération militaire pour changer la donne chez ce turbulent voisin, distant de quelques kilomètres de ses côtes.

Sur le papier, l’opération était simple : il s’agissait d’envoyer des volontaires sur l’île (en grande partie des exilés cubains) et d’établir une « tête de pont » destinée à installer un gouvernement provisoire à Cuba. Une fois ce gouvernement mis en place, l’administration américaine aurait pu lui apporter son soutien et établir un nouveau régime, celui-ci favorable aux intérêts des États-Unis. 

À l’aide d’une flotte composée de navires militaires américains et de navires de commerce loués pour l’occasion, le régiment prit les voiles pour Cuba depuis l’Amérique centrale. Ils transportaient suffisamment de munitions et de matériel pour assurer une opération sur trente jours. La troupe d’exilés cubains jouissait d’un avantage majeur alors qu’elle approchait du Nicaragua voisin: seize bombardiers B-26 capables de sillonner le ciel et de marteler les forces de Castro leur viendraient en renfort.

Le 15 avril 1961, deux jours avant le débarquement, les bombardiers américains peints sous les couleurs cubaines et pilotés par les exilés cubains partent du Nicaragua pour Cuba. Ils  attaquent des bases aériennes dont celle de La Havane. Alors que les Américains pensent avoir détruit toute l'aviation cubaine, il reste cependant quelques avions en état de marche sur l'île. Cette erreur coûtera cher aux anti-castristes et aux Américains.

Deux jours plus tard, le matin du 17 avril, la brigade 2506 composé des 1500 exilés cubains débarque sur la Baie des Cochons mais se heurte à la résistance des milices cubaines et de la population, résistance sous-estimée par la CIA.

Et les choses dérapent rapidement. Alors qu’un navire de transport de troupes entre dans la baie, il s’échoue sur un banc de sable après avoir essuyé les tirs des troupes cubaines qui répondent avec vivacité. Le débarquement des troupes est ralenti par la présence inattendue d’un récif corallien, initialement identifié comme des algues sur les photos aériennes. Un bataillon entier doit nager pour sauver sa peau en laissant derrière lui des armes lourdes et des munitions..

 Malgré l'entraînement reçu par des militaires américains,  la dizaine d'avions militaires cubains met en déroute les mercenaires et la plupart sont faits prisonniers.

Cette opération, sans soutien populaire à Cuba et mal préparée tactiquement, est un échec complet. Bilan: 114 morts et 1.189 prisonniers parmi les "anti-castristes".

Cet échec s'explique en grande partie par une succession de ratages lors de sa préparation. 

Tout d'abord, en 1960, le célèbre journal New-York Times fait fuiter des informations essentielles sur l’existence d’un camp d’entraînement de forces anti-castristes situé au Guatemala. Le gouvernement de Fidel Castro, informé par ailleurs par des espions soviétiques et cubains, est donc alerté de la préparation d’un débarquement prévu pour avril 1961. 

Autre bévue considérable dans la préparation de l’opération: le président John Fitzgerald Kennedy, héritant de cette initiative militaire conçue par son successeur Eisenhower, change le lieu du débarquement sans pour autant modifier la solution de repli. Cette absence de coordination crée une situation ubuesque: en cas de débâcle, les troupes sont ainsi censées rejoindre à pied un refuge dans un massif montagneux, situé à 130 kilomètres du lieu de débarquement.

Enfin, l’échec retentissant de cette opération s’explique en grande partie par le manque de fiabilité des informations transmises par les informateurs cubains à l’administration américaine les années précédant le débarquement. Alors que le régime castriste est très largement soutenu par la population, les rapports sur lesquels se basent la CIA font état d’une vive contestation populaire. Ces rapports émanent d’une petite minorité et qui confond la réalité avec ses propres souhaits, avec ses propres désirs, avec ses propres besoins.

Cette minorité cubaine composée de propriétaires enrichis sous la dictature de Batista, avait en effet grandement intérêt à ce que le régime castriste soit renversé par les forces américaines pour retrouver sa situation antérieure.

La victoire militaire cubaine a soudé son peuple autour de Fidel Castro; le régime communiste s'est allié ouvertement avec l'URSS; les États-Unis ont été humiliés au niveau international; à Washington, la CIA a perdu de son influence. Kennedy  s'en veut d'avoir été mal conseillé par les militaires et la CIA.

Dans les archives américaines, on évoque cet épisode en le qualifiant de "perfect fei_li_eu". Un "échec parfait". Contre toute attente, Kennedy fait publiquement amende honorable et assume à la radio la pleine responsabilité de l'échec. Ce fiasco lui inspira ces mots : "Selon un vieux dicton, la victoire a des pères par centaines et la défaite est orpheline." La phrase vient en réalité d'un film de 1951, Le Lion du désert.

Les Américains lui en manifestent de la reconnaissance...

Quelques mois plus tard, Kennedy négocie la libération des prisonniers contre 53 millions de dollars en nourriture et médicaments.

Cette opération a  terni la réputation du nouveau président américain, entré en fonction en janvier 1961 et il  sortira affaibli de cette crise. Quant à Fidel Castro, il gagne en crédit grâce à cet  immense succès et se présente devant le tiers monde comme le meilleur opposant à l'impérialisme américain.

Pour l'anecdote sachez qu'il n'y a pas de cochons sur la baie des Cochons. En cubain, les "cochinos" sont le nom des "Sufflamen verres", de jolis poissons mauves et oranges qui nagent dans ces eaux.

En octobre 1962, les leçons apprises lors de cet épisode permettront à la crise des missiles (des missiles nucléaires russes pointés vers les États-Unis et installés à Cuba) de ne pas se terminer en cataclysme.

.... mais c'est une autre histoire

 

Version audio avec illustration musicale sur Radio Pays d'Hérault à écouter ICI

 

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