Le 10 septembre 1915, voilà exactement 110 ans, paraît le 1er numéro du « Canard Enchaîné ».
C’est en riposte à la censure de la presse, à la propagande guerrière et au bourrage de crâne imposés par la guerre et ses difficultés.que les pacifistes Maurice et Jeanne Maréchal fondent le journal satirique. Dès sa création, Le Canard s’affiche comme anti-militariste. Ses fondateurs ont à cœur de dénoncer l’hystérie belliciste qui s’est emparé des esprits.
En réalité il ne démarre vraiment que le 5 juillet 1916 après l’échec d’un lancement prématuré en s’annonçant comme « vivant, propre et libre ». Conformément aux objectifs initiaux , il s’attaque à la guerre, à la censure, aux politiciens, aux affairistes, aux curés, au pouvoir, à la guillotine mais aussi au bellicisme outrageant des héros de l’arrière (académiciens, ou éditorialistes de la grande presse) qui se battent avec le sang des autres ! L’arme choisie est le rire !
Bien qu’il ne soit pas un journal des tranchées, il y rencontre un certain succès quand il n’y est pas interdit !
Ses premiers collaborateurs sont Anatole France, Tristan Bernard, Jean Cocteau ou encore Pierre Mac Orlan et Roland Dorgelès. IL s’attache aussi les services des grands dessinateurs de l’époque comme Lucien Laforge.
Originellement anti-militariste, il se situe délibérément à gauche sans renoncer pour autant ni à son indépendance ni à son esprit critique .
Critique vigilant du monde politique et économique, le journal soutient néammoins le Front Populaire en 1936 et dénonce la montée des régimes totalitaires.

Le journal se heurte au retour de la censure et reste l’un des rares journaux à se saborder pendant l’occupation en 1940 en refusant toute collaboration. Il reparaît le 6 septembre 1944. C’est Jeanne Maréchal qui reprend seule la direction de l’hebdomadaire, suite à la disparation de Maurice Maréchal en 1942.
Lors de la guerre d’Algérie, le journal s’oriente vers un journalisme d’investigation. La rubrique « Carnets de route de l’ami Bidasse » dépeint sans rien cacher depuis août 1956 le quotidien des soldats engagés dans la guerre. Le canard est favorable à une Alégérie indépendante et soutiendra même De Gaulle chaque fois que celui-ci fait un pas vers l’indépendance.
Dans les années 1960, le journal s’étoffe et augmente sa pagination fidèle à son style anti-conformiste.
En 1969, Roger Frezzoz prend la direction du journal qui évolue vers la dénonciation des scandales divers qui vont éclabousser le pouvoir : l’affaire Boulin ( ce ministre gaulliste « suicidé »), les micros du Canard posés par la DGSE, l’affaire des diamants de Giscard offerts par son ami Bokassa 1er, les feuilles d’impôts de Chaban Delmas et de Jacques Calvet (PDG de Peugeot), le vrai-faux rapport de Xavière Tiberi. Et tant d’autres scandales de la France d’en haut !

C’est Claude Angeli qui est à l’origine de cette nouvelle stratégie d’agitation politique reposant sur la publication de fac-similé.
Financé uniquement par ses lecteurs, sans publicité, sa diffusion qui a connu une progression constante, fluctue selon l’importance des affaires révélées. Il atteint aujourd’hui près de 475000 exemplaires avec des pointes a plus de 1 million d’exemplaires pour l’affaire des micros par exemple.
Ses statuts le préservent de toute prise en main extérieure puisque seuls sont actionnaires ceux qui y travaillent ainsi que les fondateurs.
IL entretient avec ses lecteurs des relations particulières et dispose d’un réseau d’informateurs en particulier dans le monde administratif et politique. Pour être publiée, l’information doit être non seulement authentique mais avoir une signification politique indéniable. Toute information qui parvient au journal est vérifiée, recoupée, la réputation du journal reposant sur sa crédibilité . Il s’agit pour lui, compte tenu de sa position particulière dans le monde de la presse d’éviter d’éventuels pièges mais aussi de protéger au maximum ses sources.
Le canard Enchaîné occupe une place à part dans la presse française : attendu par ses fidèles lecteurs et redouté par ses cibles. En particulier le monde politique et des affaires attendent la publication du palmipède, chaque mercredi, avec crainte et angoisse !
Et Aujourd’hui encore, Le Canard Enchaîné, demeure une des rares publications de la presse française à se servir de sa liberté, en tout indépendance et sans encart publicitaire pour dénoncer chaque mercredi, nombre de scandales, fidèle à sa « formule » fou du roi et garde-fou de la République » ,
Plus d’un siècle d’histoire donc d’un journal pour qui « La liberté de la presse ne s’use que quand on ne s’en sert pas «
Certains dans la presse française devrait s’en inspirer…
… mais c’est une autre histoire !
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