Une autre histoire – 16 juin 1816, « naissance » du docteur Frankenstein

par | 15 juin 2022 | Culture

Le 16 juin 1816, les poètes Lord Byron et Percy Shelley devisent avec leurs compagnes respectives, Claire Clairmont et Mary Godwin, dans une grande villa des bords du lac Léman, en Suisse.

En raison d’un été exceptionnellement pourri, cela fait plusieurs jours qu’ils ne peuvent sortir… Pour passer le temps, les jeunes gens entament un concours d’histoires macabres sur une suggestion de Lord Byron.

C’est ainsi que Mary Godwin  raconte l’histoire du docteur Victor Frankenstein, qui tenta de créer la vie à l’égal de Dieu.

Ce jeu d’été débouche sur la publication deux ans plus tard du roman Frankenstein ou le Prométhée moderne, l’un des grands mythes de l’Occident contemporain.

Son système narratif est fondé sur une série de récits dont le cadre général est celui d’une tentative d’exploration polaire à l’intérieur de laquelle se situe l’histoire de la vie de Victor Frankenstein, recueilli par l’explorateur sur la banquise ; enfin, cette dernière recèle la narration faite à Frankenstein par le « monstre » qu’il a fabriqué et auquel il a donné l’étincelle de vie, et en particulier celle des tourments endurés par cette créature qui nourrit envers son créateur une haine tenace, mais à ses yeux justifiée.

Dès sa parution, Frankenstein est catalogué en roman gothique et, à quelques exceptions près, promu au rang de chef-d’œuvre. Avant 1818, en effet, au moment de la composition de Frankenstein, le genre passe pour de mauvais goût, voire pour franchement risible. Le succès immédiat, et jamais démenti, de Frankenstein repose donc sur le fait que le roman de Mary Shelley substitue l’horreur à la terreur, se déleste de tout merveilleux, privilégie l’intériorisation et s’ancre dans la rationalité, au point que son gothique en devient presque réaliste et, du coup, prend valeur de révélation.

Ce roman et le mythe qui va avec vont devenir une mine intarissable pour les scénaristes du septième Art.

Car c’est le propre des mythes d’être sans cesse réinterprétés. Celui de Frankenstein s’y prête tout particulièrement en ce qu’il joue sur le thème du double.

Le savant Frankenstein tente de créer un homme mais cette créature lui fait bien vite horreur et le monstre sans nom est condamné à la solitude, à la vengeance et à l’anéantissement final dans les glaces. Le passage, à partir de 1931, à un langage cinématographique, accentue et précipite  les distorsions apportées à l’histoire. N’en est-on pas venu progressivement à confondre le savant et le monstre ? Qui est Frankenstein ? le créateur ou sa créature ? Ce qu’on appelle « l’humain » n’est finalement pas si facile à circonscrire !

Déjà, dans l’histoire de Shelley, le mythe peut se lire à deux niveaux : celui du savant dans son désir d’égaler un dieu créateur, et d’une certaine façon celui du monstre, dans son désir d’égaler l’homme. La relation qui s’instaure entre les deux figures porte, de part et d’autre, la marque de la révolte, de la culpabilité et de l’échec.

Mais les possibilités visuelles d’un film, l’ajout d’éléments divers, la précision des images opèrent des décentrements, enrichissent ou modifient l’interprétation du mythe.

Pour la trentaine de films qui prennent Frankenstein pour sujet, l’écart est grand, le plus souvent, avec l’histoire d’origine jusqu’à atteindre parfois la dissolution du mythe dans le burlesque ou dans l’horreur.

Cependant deux séries de films restent marquantes.

Les deux films de James Whale en 1931 et 1936 dans lesquels Boris Karloff avec son masque et sa démarche mécanique imposera une image légendaire du monstre.

Ensuite Terence Fisher  en 1958 qui infléchit l’histoire dans le sens d’un triomphe de la science sur l’obscurantisme  et le fanatisme. Le même réalisateur tentera, plus tard,  avec deux autres films d’infléchir le mythe vers l’érotisme et vers le satanisme. Le mythe reparaît en 1974 en opéra rock dans Phantom of the paradise de Brian de Palma sans oublier le Frankenstein junior de Mel Brooks où les clins d’œil aux films de Whale se multiplient . Le dernier sortie ? I, Frankenstein en 2014 !

Revenons à ce mois de juin 1816 et aux deux couples d’amis. L’épilogue va se révéler tragique et la suite de leur histoire est obscurcie par des drames en série. Harriet, la femme légitime de Percy Shelley, se suicide, n’en pouvant plus des frasques de son génie de mari. Le poète se remarie avec Mary Godwin, la créatrice de Frankenstein, au mois de novembre suivant !

4 ans plus tard, Percy Shelley meurt en mer, à 30 ans, en Italie, et est incinéré sur la plage, d’une manière très romantique, en présence de son ami Lord Byron. Mary Shelley, elle, décédera beaucoup plus tard, le 1er février 1851, à 54 ans, à Londres, d’une tumeur au cerveau. Elle aura eu deux enfants de son tumultueux mariage avec Percy… en sus bien sûr du monstre du docteur Frankestein.

Quant à Lord Byron, il mourra, jeune lui aussi, de maladie, en avril 1824, à tout juste 36 ans,

mais c’est une autre histoire !

 

Version audio avec illustration musicale à écouter sur Radio Pays d’Hérault ICI

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