Ce rendez-vous du 29 juillet avec Éric Suzanne, le sous-préfet de Lodève était inscrit dans tous les agendas des opposants au projet d’extraction de Lithium dans le Lodévois/Larzac. Une rencontre demandée à l’initiative de la Confédération Paysanne depuis plus de deux mois.
C’est donc une petite centaine de personnes de ce nouveau collectif « Délithium » avec drapeaux et pancartes originales qui s’était regroupé devant la sous-préfecture.
Leur but ? Soutenir la délégation de quatre personnes qui était venue demander au sous-préfet plus de transparence sur le permis de recherche de lithium octroyé à la start-up norvégienne « Transitions éléments » dans une zone qui couvre 22 communes entre Lodève et Bédarieux.
Une première réunion avait eu lieu le 26 juin dernier à Octon (lire notre reportage ICI) qui demandait déjà transparence et explications pour les citoyens de la part des pouvoirs publics. Le maître-mot dans ce dossier restant l’absence d’informations sur ce qui se « trame » en coulisses.

Les questions étaient donc nombreuses, les réponses plus évasives de la part du sous-préfet qui a surtout pris note des inquiétudes. Une rencontre de plus d’une heure dont Morgane Bara, la porte-parole de la Conf 34, dressait un bilan assez contrasté des échanges (voir compte rendu audio à la fin de cet article)
Ce combat est une des nombreuses luttes auxquelles participe la Confédération Paysanne. C’est donc à un tour d’horizon de toutes ces mobilisations que Dominique Soullier, nous propose dans l’entretien qu’il nous a accordé.

Entretien avec Dominique Soullier, président de la Confédération Paysanne de l’Hérault
EVAB : Dominique Soulier, bonjour, un rassemblement devant la sous-préfecture aujourd’hui, pourquoi ?
Dominique Soullier : Parce qu’on est reçu enfin pour M. le sous-préfet, qui a mis plus de deux mois pour répondre à notre demande. Donc, on est là aujourd’hui, une délégation est allée le rencontrer pour essayer de voir si on pouvait grapiller quelques informations à la source. Et ce rassemblement est un soutien évidemment, aux copains qui sont à l’intérieur.
EVAB : En attendant la sortie de la délégation reçue par le sous- préfet de Lodève, vous pouvez-nous faire le point sur cette problématique du lithium ?
Dominique Soullier : Cette problématique nous est arrivée comme ça. Ces demandes de forages et de lithium sortent d’on ne sait où, d’on se sait comment ! On a découvert ça un petit peu caché derrière tout un tas de cailloux et de ruffes du Salagou.
Ça nous a fortement inquiété et je crois que ça a inquiété beaucoup de monde dans ce territoire, vu l’étendue de la zone de forages et malgré vu le fait que tout est paraît rassurant, « ne vous inquiétez pas, tout va bien se passer, ça sera même mieux qu’avant » « Vous n’en reviendrez pas, ça va être super chouette » A croire qu’ on va tous nous filer des voitures électriques à gogo et que tout va aller très bien dans le secteur du Lodévois.
Donc on n’est pas contre un développent du secteur du Lodévois, c’est clair et net, on a besoin de beaucoup de choses mais le tourisme est quand même un des premiers monteurs, de cette économie avec tous les paysans qui sont autour et ces lieux qui sont aujourd’hui « Grand site » « Géoparrc » en mesure de classement.
Un travail qui a quand même été fait, qui n’est pas arrivé tout seul, qui a été fait aussi par les associations et les citoyens habitants sur cette zone, donc ils ont quand même aussi le droit de se défendre.
La problématique du lithium, ce n’est pas qu’on est absolument contre le lithium au Salagou, on est contre aussi la gabegie de matière première qui se fait aujourd’hui au niveau mondial. On est aussi un petit peu contre ce phénomène de modernisation qui n’est que de l’esclavage aujourd’hui, au système informatique qui demande évidemment beaucoup d’énergie et ça, du lithium que ça soit ici ou ailleurs, je pense que nous n’avons pas autant besoin de ce qu’on nous oblige aujourd’hui à avaler donc nous disons, non.
EVAB : On parle du lithium mais ce lithium s’inscrit dans un mouvement de contestation plus vaste ici ?

DS : Bien sûr car il n’y a pas que ça. J’ai un petit planning, on a de quoi s’occuper, je crois, pour une paire d’années. Pour continuer sur le lithium, il faut savoir que « comme ça », 5 personnes du BRGM, sans que personne soit au courant, sont passés, soit disant dans un plan national, européen, faire des prélèvements un peu partout. Ils sont peut-être passés chez vous.
Il y a eu une réunion mardi dernier avec les ingénieurs du BRGM, disant qu’ils allaient sonder les alluvions, par ici par là, pour voir un peu ce qu’il y avait, refaire l’inventaire. Les maires seront au courant de toutes les analyses de ces sédiments sauf les métaux en tension,
Mais ils ne cherchent rien, ils ne cherchent rien, juste un petit inventaire comme ça, manière de savoir ce qui se passe.
Alors bon, ceux qui veulent y croire… c’est comme le reste, on peut toujours y croire, mais nous on n’y croit pas, on s’inquiète un peu mais apparemment, c’est arrivé et c’est reparti, il y ont passé deux jours, donc personne n’a rien vu, personne ne sait.
Et après, on a aussi quelques dossiers qui reviennent régulièrement,
Solarzac, avec ces 150 hectares de panneaux voltaïques sur la commune du Cros. Un dossier circule et la Mission Régionale de l’Environnement demande encore pas mal de complémentarité sur le dossier au niveau environnemental car tout n’est pas bouclé. Mais ce vieux dossier qu’on croyait enterré revient et ça repart de nouveau. On se trouve sur site classé Unesco pour le pâturage des brebis : impeccable 150 hectares de photovoltaïque au sol ! Évidemment encore une fois de l’énergie il en faut mais la Confédération Paysanne est totalement opposée à ces systèmes de panneaux au sol tant que toutes les toitures de France ne seront pas couvertes. Il y a d’autres places, d’autres endroits
Il faut laisser encore l’agriculture pouvoir exister !
EVAB : d’autres luttes en cours ?
DS : D’autres combats aussi sont au chaud. Le Conseil Départemental de l’Hérault qui n’a rien trouvé de mieux que de balancer deux bassines dans le nord biterrois remplies avec l’eau du Rhône, pour emmener de l’eau à une viticulture mourante qui a plus besoin d’argent et d’économie que d’eau.
Mais ce qui leur a aussi permis de faire quelques belles coupures dans leur budget, ça les arrange. Le social, la culture, en fait tout ce qui ne sert à rien, allez on dégage, et on envoie ces moyens pour que les vignerons puissent continuer à faire davantage de vin qui ne rentrera pas dans les cuve s. Ce n’est pas grave mais au moins comme ça, ils auront fait quelque chose.
EVAB : Le scandale de Perrier à Vergèze va-t-il arriver à Montagnac ?
DS : La commune de Montagnac, a vendu un super forage à la société allemande Alma. Ici c’est pareil, une mine d’eau (d’or ?) , vendu presque pour 1 euro symbolique à l’usine Alma. Alma, c’est Christaline par exemple qui veut faire à côté du forage une belle usine d’embouteillage et de bouteilles avec du plastique en pagaille, des camions, des machins, des trucs.
Donc on est en train dans les zones qui sont en en tension en eau de vendre de l’eau aux multinationales, Il faut voir quand même ce que ça donne en définitive quand comment on voit Perrier et les Suisses ont bien pourrir leur usine. Donc ça, ce n’est pas rien non plus. Des gens se mobilisent sur ces sujets
EVAB : On a beaucoup parlé de dermatose en Savoie
DS : Nous avons, nous, paysans, de grosses problématiques qui arrivent aujourd’hui c’est effectivement la dermatose sur les vaches. Pas mal de collègues des Alpes ont vu leurs troupeaux abattus, sans discussion possible, alors que d’autres solutions existent, mais aujourd’hui l’État de toute façon ne veut pas s’emmerder. Ce ne sont que 4 paysans, on tue les vaches, on dégage les paysans, et ne nous faites plus chier on mettra des fermes usines, la loi Duplomb l’autorise et ça va continuer.
Donc là aussi, pour le moment, c’est assez confiné en Savoie mais on ne sait pas du tout ce qui peut se passer. Il faut peut-être aussi des mobilisations pour essayer de soutenir tout ça.
Sachant que des vaccinations existent, qui fonctionnent. La problématique est encore économique car si on vaccine ça veut dire que la France n’est plus indemne donc ça pose des problèmes à l’export !
Nous, dans les petites fermes, on n’exporte pas. Le lait va au fromage qui va sur les marchés, les animaux vont aussi à la vente de directe. Encore une fois une problématique qui met en avant, ce que vous soutenir l’État, et ce que ça veut devenir, c’est à dire que des grands fermes, on abat, on prend du fric, on remonte, et on repart. Pour eux ce n’est pas un problème, pour les paysans, oui !
Aujourd’hui, j’ai eu des infos de là-bas, ce n’est pas beau, ce n’est pas beau, il y a des paysans qui sont à la limite du suicide. Quand tout le troupeau part parce qu’il y a une vache de malade, et qu’on abat tout et que ça part à l’équarrissage, ça fait mal !
EVAB : La Confédération paysanne est à l’origine de la lutte contre la loi Duplomb. Là –aussi, le combat continue ?
DS : Bon, on a cette fabuleuse loi Duplomb avec une pétition qui n’arrête pas de monter. On a dépassé les 2 millions. Pourtant on n’y croyait pas. On avait dit, 500000 c’est bien… c’est monté, on a dit 1 million. Le million, on l’a fait et on a dit, on double ! On a doublé mais il faut continuer à signer, à se mobiliser. Il y a aussi un travail de citoyens à faire sur cette loi Duplomb. Celles et ceux qui la refusez, refusent les insecticides mais aussi certaines façon de travailler que beaucoup d’agriculteurs aujourd’hui ne veulent pas remettre en question.
Mais là, aujourd’hui quand vous allez sur les marchés, quand vous allez dans les boutiques de producteurs, demandez –leur « vous avez signé ou pas ? »
Même si les gens vous disent oui, pour vous vendre du produit, insistez !
A force, on va y arriver car le deuxième acte de la loi Duplomb aujourd’hui, c’est le boycott. On veut savoir ce qu’on mange, qui le produit, comment c’est produit !
Il faut continuer à mettre la pression là-dessus.
Pour la rentrée, vous avez tous vu le beau budget qui nous attend? Les ceintures, il faudra les acheter courtes, inutiles d’acheter du XXL, on va tous finir avec un élastique !
EVAB : Dominique Soulié , merci pour ce tour d’horizon. On attend maintenant la sortie de la délégation reçue par le Sous-Préfet.
DS : Merci de relayer nos combats mais je finirai quand même par une grosse lutte internationale en criant : « Liberté Gaza » !
Compte rendu de la réunion avec le sous-préfet par Morgane Bara de la confédération paysanne 34
