« Les noyaux prêts à l’action, conçus par Mussolini, ont bientôt constitué une réalité pratique : des groupes de citoyens et d’Arditi adhérents aux faisceaux, audacieux et téméraires, dont les Faisceaux eux-mêmes devaient se servir en les lançant, armés, dans les manifestations de rue au moment opportun . . . En conclusion, il est établi qu’il existe une organisation de type militaire et, au sein de cette organisation, une véritable hiérarchie de chefs et de subalternes . . . il est établi que les modalités des rassemblements, la nature des ordres, les moyens guerriers de signalement ont un caractère militaire, que les nombreuses armes dont sont munis les subalternes sont militaires, que certains officiers et subalternes des corps fascistes armés ont été envoyés expressément ici par l’état-major militaire de Fiume. Ainsi, quels que soient les idéaux des chefs et des membres de cette organisation, un corps armé à été constitué au sein des Faisceaux de Combat de Milan non seulement contre les lois de l’état, non seulement dans le but d’usurper les pouvoirs de la police, mais aussi dans le dessein délibéré de commettre des crimes contre les personnes ».

Plainte du préfet Gasti déposée au parquet de Milan, 21 novembre 1919

Le minuscule bureau du directeur du Popolo d’Italia retentit du vacarme de la foule rassemblée dans la rue à l’occasion de ses funérailles. On porte en procession la dépouille de Mussolini dans les rues crasseuses du Bottonuto en entonnant à tue-tête des chants funèbres dont le ton strident trahit la jubilation.

Le Mussolini vivant arpente sa misérable pièce, tel un fauve en cage. Il la parcourt de long en large sans distinguer la moindre brèche dans le mur de l’hostilité universelle.

Dès qu’il se découvre un public ne serait-ce qu’un livreur, il retrouve son sang-froid et affiche de l’insouciance. Il livre une fanfaronnade du genre : « C’est vrai que nous avons obtenu peu de voix ; en compensation nous avons tiré de nombreux coups de revolver ».

En vérité, il s’est agi pour les fascistes d’un terrible échec, et pour Mussolini, qui se voyait déjà député de Milan, d’une brûlante humiliation.

Les élections du 16 novembre 1919 ont été des élections « rouges ». 1 834 792 voix se sont déversées sur les socialistes, qui ont remporté 156 sièges.

Un triomphe, un présage de révolution.

En proportion, la déroute des fascistes a été totale : sur environ 270 000 votants de la circonscription de Milan, ils n’ont recueilli que 4657 voix. Mussolini n’a obtenu que 2 427 préférences.

Pas un seul candidat fasciste n’a été élu. Pas un seul. Pas même lui. Un fiasco.

Arnaldo le frère de Mussolini surgit de l’étage inférieur. Arnaldo crie sans se soucier d’être entendu de la rédaction entière.

Les deux paquets destinés à l’évêque et au maire de Milan contiennent deux grenades S.I.P.E. Mussolini a décidé de les leur envoyer pour se venger de la défaite subie. Les adresses, écrites par le rédacteur, devraient embrouiller les enquêteurs.

« Une grenade vaut mieux que cent meetings »

C’est le slogan que le jeune agitateur possédé clamait sur les places incandescentes de la Romagne à l’époque où il prônait la révolution socialiste, son vieux cheval de bataille.

Et voilà que l’homme mûr, directeur d’un journal national, le prononce d’une voix blanche, sans trahir la moindre émotion, au profit de la rédaction et des Arditi de garde, tandis que dans la rue, ses anciens camarades crachent sur le pantin qui représente son cadavre.

 

(Extraits de lecture du livre d’Antonio Scurati ‘’M l’enfant du siècle’’ éditions Les Arènes)

 

Chaque mardi en exclusivité sur EVAB, vous avez rendez-vous avec la série ‘’M’’ qui va vous faire revivre les évènements qui ont fondé le fascisme en Italie, le siècle dernier.

 

 

 

 

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