C’est un gouvernement de coalition entre le centre, la droite et l’extrême droite qui a propulsé Hitler au pouvoir en 1933 en Allemagne. Le « centre bourgeois » très affaibli électoralement, pensait que sa survie politique était liée à une coalition dont il tiendrait les rênes. Comprendre cet échec passé, c’est se donner les moyens de peser sur le présent.
La république de Weimar (1/6)
La république dite, de Weimar interroge toutes les démocraties qui sont confrontées à leur finitude. La fin de la république de Weimar nous rappelle que la démocratie est périssable.
Weimar, c’est d’abord la ville des poètes, des penseurs et des musiciens. Luther, Bach, Wieland, Goethe, Schiller, Listz, Wagner, Nietzsche entre autres y ont résidé.
Début 1919, cette petite ville de Thuringe, de la taille de Fontainebleau, distante de 300 kilomètres de Berlin est choisie pour accueillir l’Assemblée constituante élue au suffrage vraiment universel (hommes et femmes).
A cette époque, Weimar c’est le meilleur de l’Allemagne. La constitution est votée le 31 juillet et la république le 11 août 1919. Cette République ne se séparera jamais de ce toponyme.
La république de Weimar a été haie par l’extrême droite Allemande, elle avait le tort d’être née dans les décombres d’une défaite et de remplacer une royauté.
Pourtant, Weimar était une ville bourgeoise et conservatrice qui dès 1920, donna des majorités aux nazis.
Comme pour exorciser la macule démocratique et constitutionnelle originelle, Hitler y organisa les premiers congrès de son parti, avant d’opter pour Nuremberg.
En 1938, la SS inaugurait le camp de concentration de Buchenwald, situé à quelques kilomètres des librairies, musées et cafés de la ville de Weimar.
Depuis une vingtaine d’années, les historiens travaillent sur cette république ouverte à la suite de la révolution Spartakiste de 1918 / 1919. Ils revisitent le processus de rédaction d’une constitution libérale, démocratique, parlementaire, mais aussi sociale. Pour certains d’entre eux, l’Allemagne réalisait là les promesses de 1848.
Car avant d’être une histoire tragique, un syndrome, un trauma, « Weimar » a été une histoire vivante, ouverte sur un avenir prometteur.
Le modèle démocratique « weimarien » a été fait d’alliances démocratiques et progressistes entre 1919 et 1920, d’alternances entre droite et gauche réussies entre 1920 et 1928, de grandes coalitions entre 1928 et 1930.
Pour un pays qui faisait, en temps réel, l’apprentissage du suffrage vraiment universel, de la liberté et de la démocratie sociale, c’était beaucoup.
Car si « Weimar » enfanta le monstre nazi elle donna aussi naissance aux cabarets satiriques, la vie homosexuelle, la création littéraire, musicale, théâtrale et cinématographique.
En 1932, les nazis sont une des deux grandes branches de l’extrême droite allemande. Dans toute l’Europe les démocraties sont fortement contestées par d’autres partis fascistes. En URSS la révolution sombre dans le stalinisme.
Les nazis sont racistes et antisémites. Ils veulent régénérer la nation allemande. Pour accéder au pouvoir ils miment un discours de justice sociale bien commode pour gagner des suffrages.
Ils entretiennent deux milices politiques (SA et SS), tout en jurant respect et fidélité à la constitution du pays.
Ils sont considérés par la droite et le centre comme des partenaires de coalition tout à fait acceptables.
Pour les sociaux-démocrates du SPD il faut leur laisser leur chance, puisqu’on ne les a jamais essayés. On ne voit pas comment ils pourraient s’en sortir, de plus s’ils s’en sortent mal ça lèvera l’hypothèque.
Ces facteurs conjugués vont faire en sorte que la gauche la plus forte du monde, celle :
– Des pères fondateurs (Marx, Engels, Bebel, Berstein…),
– Des « conseillistes spartakistes » et de l’autogestion de Rosa Luxembourg,
– Des conquêtes sociales (Journée de 8 heures, accords d’entreprise, représentativité syndicale, suffrage réellement universel avec le vote des femmes).
Soit balayée en quelques semaines par la violence nazi et par des décrets-lois qui déconstruisirent tout l’édifice de l’État de droit.
La gauche fût la première victime des nazis mais elle ne resta pas la seule. Les nazis s’attaquèrent bien sûr à la république de Weimar, droite centre et libéraux furent aussi interdits et persécutés.
La république de Weimar n’est pas morte d’une belle mort.
Elle est morte parce qu’une petite oligarchie désinvolte, égoïste et bornée a fait le choix, le calcul et le pari de l’assassinat d’une démocratie.
En premier lieu les libéraux autoritaires qui convaincus de leur légitimité supra-électorale, persuadés de leur politique de « réformes », convaincus de leur génie, de leur naissance et de leurs réseaux, ont froidement décidé que la seule voie rationnelle pour se maintenir au pouvoir et éviter toute victoire de la gauche, était l’alliance avec les nazis.
Cette histoire fait terriblement écho avec le refus par le bloc central bourgeois français de gouverner avec le NFP. Elle montre qu’un processus de coalition peut tuer la démocratie.
PS : Cet article est rédigé à partir de notes de lectures de l’excellent livre de Johann Chapoutot intitulé « Les irresponsables, qui a porté Hitler au pouvoir ? », il est publié aux éditions Gallimard, été édité en février 2025, vendu au prix de 21 euros. Je vous en conseille vivement l’achat et la lecture. Ce livre est totalement d’actualité par les parallèles qu’il dresse et les explications qu’il donne.