Le 24 septembre 2004, voilà exactement 21 ans, s’éteint à Honfleur Françoise Sagan, de son vrai nom Françoise Quoirez écrivain, auteur d’une vingtaine de romans, de plusieurs nouvelles et pièces de théâtre.
Son premier roman, Bonjour tristesse, jugé licencieux par certains, sort en librairie le 15 mars 1954 et fait scandale, Elle a 19 ans, obtient le prix des Critiques et connaît un succès de librairie immédiat.
C’est l’histoire d ‘une jeune fille Cécile, qui pousse la maîtresse de son père au suicide. Le public voit en Cécile le produit type d’une génération. Mais pour les trois quarts des gens, le scandale de ce roman, c’était qu’une jeune femme puisse coucher avec un homme sans se retrouver enceinte, sans devoir se marier. Toute une classe établie fut effarouchée au point de faire de ce premier roman un phénomène.
On confond l’auteur avec son personnage et la presse s’empare de la jeune femme qui devient une vedette internationale. Elle incarne le style de vie « nouvelle vague » où on retrouve la jeune fille bourgeoise et libérée, le goût de la fête, l’alcool, Saint-Tropez, les amants de passage, la passion des voitures de sport, et cette désinvolture d’une jeunesse désabusée des années 50 comme au cinéma avec Brigitte Bardot et James Dean.
Les deux romans suivants (Un certain sourire et dans un mois, dans un an) entretiennent la confusion. Il faut attendre Aimez-vous Brhams en 1959, portrait sans complaisance d’une femme de 40 ans pour que Françoise Sagan échappe à son personnage public et soit considéré comme écrivain.
D’un roman à l’autre l’auteur va malgré tout rester fidèle à son petit monde : on est riche, on s’ennuie avec élégance, on aime comme on peut on boit sec, on court les boîtes de nuit
Car Sagan aime s’amuser, dépenser, « l’argent [doit] être un outil de liberté, pas un gage de sécurité » dit-elle et se montre très généreuse.
Elle devient le symbole de la jeune femme libre qui vit dans l’instant et sans limites ; élégante et moderne. Mais la littérature est sa véritable passion et elle ne cessera de lire, d’écrire, et de publier.
Un terrible accident au volant de son Aston Martin, en 1957, bouleverse sa vie qu’elle a risqué de perdre. Ses douleurs sont telles qu’on lui administre du Palfium, un succédané de la morphine. Elle s’y accoutume et entre en cure de désintoxication. Pendant ce séjour, elle écrit un court journal intitulé Toxique, elle y laisse filtrer les peurs qui l’assaillent. Il ne sera publié que sept ans plus tard, illustré par les dessins de son ami Bernard Buffet. Sagan et son goût pour la liberté, la gaieté, l’audace, sera marquée pour le reste de son existence par cette addiction.
On a beaucoup parlé de du style de Françoise Sagan. Les phrases sont courtes et lapidaires, son écriture est percutante et le ton est une réelle originalité mais si la critique lui reproche de ne pas être prolixe

Son engagement politique est réel. Elle signe en 1961 le « Manifeste des 121 » (Déclaration sur les droits à l’insoumission dans la guerre d’Algérie ». et En 1971, celui des 343 pour le droit à l’avortement.
Elle se lie à François Mitterand qui l’emmènera dans ses voyages présidentiels.
Les années quatre-vingt-dix sont celles de sa descente aux enfers. Coup sur coup, elle perd la plupart des êtres qui lui sont chers : sa compagne Peggy Roche, son ex-mari Robert Westhoff, son frère Jacques, ses parents et Jacques Chazot, un de ses plus proches amis. En quelques années son socle affectif disparaît.
Elle connaît aussi de gros problèmes de santé. . Elle sombre alors dans la dépression, ne rencontre plus ses éditeurs que pour leur demander de l’argent et consomme massivement de la drogue
Elle défraie la chronique mondaine et la chronique judiciaire avec les affaires de drogues en 1995 et de fraude fiscale dans l’affaire ELF en 2002. Tous ses comptes virent au rouge, les dettes privées et fiscales s’accumulent et l’écrivain écope d’une forte amende dans l’affaire Elf (pour ne pas avoir déclaré de grosses commissions perçues en échange de son intercession auprès de François Mitterrand). Résultat : malgré la saisie de la totalité des biens de l’écrivain, sa dette totale reste évaluée à près de 1,5 million d’euros. Elle est ruinée par sa condamnation dans cette affaire et doit quitter son appartement de la rue de l’Université.
Démunie, privée de chéquier, elle est recueillie par une amie et dernière compagne, Ingrid Mechoulam, qui dans sa maison parisienne la soigne et la soutient. Enfermée dans un désenchantement élégant, elle reste en pyjama, lit les grandes romancières anglaises et écrit au lit, sa célèbre Kool à la main. Elle demeure pourtant pudique et coquette, se remaquille un peu avant de recevoir ». Ingrid Mechoulam rachète ses maisons et ses meubles au rythme des saisies.

Françoise Sagan décline physiquement, ne pesant plus que 48 kilos. Elle décède, ruinée, le 24 septembre 2004 d’une embolie pulmonaire à l’hôpital de Honfleur.
En 1998, la romancière avait rédigé son épitaphe : « Sagan, Françoise. Fit son apparition en 1954, avec un mince roman, Bonjour tristesse, qui fut un scandale mondial. Sa disparition, après une vie et une œuvre également agréables et bâclées, ne fut un scandale que pour elle-même. »
De son enfance à ses années de triomphe, derrière l’existence facile d’une jeune fille gâtée, la vie de Françoise Sagan est une histoire romanesque où rôdent la solitude, l’angoisse et la peur de la mort. Un mythe fait de formules brillantes, d’amours affranchies et de scandales tapageurs, derrière lesquels se cache une femme, que l’on qualifie d’anticonformiste pour ne pas la dire libre. Libre d’écrire, d’aimer, de se détruire aussi, comme tant d’autres artistes …
… mais c’est une autre histoire !