Nous avons reçu ce droit de réponse de la part de Magali Crozier
Cher Robert,
Ton article du 10 août au sujet de l’ouverture d’un parc aquatique pour chiens à Villeneuve-lès-Béziers m’a interpellée, non pas sur le fond — tu as parfaitement le droit de penser que ce type d’initiative est discutable — mais sur la forme et la hiérarchisation implicite que tu fais entre souffrance humaine et souffrance animale.
Je refuse cette opposition artificielle : on peut se mobiliser pour les droits humains tout en aimant et en protégeant les animaux. Ces causes ne s’excluent pas mutuellement ; bien au contraire, elles se nourrissent d’un même élan d’empathie et de justice. De nombreuses personnes qui emmènent leur chien dans ce type de lieu sont aussi celles que l’on retrouve dans les manifestations pour Gaza, contre le racisme ou pour les droits sociaux.
L’empathie ne se divise pas. Ce n’est pas parce qu’on consacre du temps ou de l’argent au bien-être animal que l’on ferme les yeux sur les drames humains. Et inversement, ce n’est pas parce que certains ne ressentent pas d’attachement particulier pour les animaux qu’ils doivent condamner ceux qui en ont.
Par ailleurs, la science le confirme : posséder un animal est bénéfique pour la santé physique et mentale. Les chiens, par exemple, incitent à marcher davantage, réduisent le stress, améliorent la santé cardiovasculaire et renforcent le lien social. Ils aident aussi les enfants à développer l’empathie, le sens des responsabilités et le respect du vivant. Les activités avec les animaux, qu’on appelle aussi « médiation animale », sont utilisées dans de nombreux contextes thérapeutiques.
Tu cites La Fontaine : s’il a choisi de parler d’animaux dans ses fables, ce n’est pas par indifférence à l’humain, mais bien pour dénoncer les travers de notre espèce. L’animal n’est pas « méchant » ; il agit par instinct ou opportunisme, et quand ses comportements dérivent, c’est presque toujours par la faute de l’homme.
Sur la question de l’eau, il faut remettre les choses en perspective. Ici, on parle d’anciens bassins d’une pisciculture et de piscines hors-sol, pas de nouvelles infrastructures gourmandes. Cette eau a servi pendant des années à divertir les humains (pêche, loisirs) sans que cela n’émeuve particulièrement. Faut-il aujourd’hui fermer toutes les piscines, bassins ou fontaines ? Ou plutôt s’attaquer aux vraies sources de gaspillage : fuites dans les canalisations, réseaux mal entretenus, absence d’investissements publics pour la maintenance ? C’est d’ailleurs une bataille que LFI porte depuis longtemps : investir dans la rénovation des réseaux permettrait d’économiser bien plus d’eau que de stigmatiser ce genre d’initiatives.
Enfin, je me demande s’il n’y a pas, dans l’actualité locale, nationale et internationale, des sujets bien plus urgents et porteurs d’enjeux à traiter que la baignade de quelques chiens en été. Dénoncer la souffrance animale dans les corridas, l’interdiction faite aux enfants de jouer dans les fontaines ou encore les couvre-feux pour mineurs est légitime ; mais pointer du doigt des personnes qui aiment et soignent leurs animaux, c’est à mon sens passer à côté de l’essentiel.
En résumé : aimer les animaux n’empêche pas de défendre les humains. La compassion n’est pas une ressource limitée ; elle grandit à mesure qu’on la partage.. Plutôt que de mesurer la valeur de notre humanité à l’aune de ce qui nous indigne, mesurons-la à notre capacité d’élargir notre cercle d’empathie.
Bien à toi,
Magali