Petit rappel pour les plus jeunes gens, et les anciens jeunes qui ont perdu la mémoire.À la déception des grands éditorialistes de l’époque, mai 2005 fut un épisode marquant de la fracture qui éloigne sans cesse le pouvoir du peuple qu’il est censé représenter, mais qu’il préfère avoir le sentiment de diriger, de mater quand il se révolte. Il y a vingt ans, ce peuple qui « vote mal », a majoritairement dit « NON » (à 54,68 % des suffrages exprimés) face à la massive campagne pour le « OUI » au référendum sur le traité établissant une Constitution pour l’Europe. Un traité porté en France par Valery Giscard D’Estaing, l’UMP (dont le président de la République Jacques Chirac, le président du parti Nicolas Sarkozy, le ministre des Affaires étrangères Michel Barnier), le PS (dont Lionel Jospin et François Hollande), l’UDF (dont François Bayrou), une partie des Verts (divisés sur la question), le PRG (Jean-Michel Baylet qu’on a oublié); une campagne très soutenue par un front des médias publics et privés (TF1, France 2, France 3, Canal+, France Inter, Europe 1, RTL, Le Monde, Libération, Le Figaro, L’Express, Le Point, Marianne, Les Échos…) dans la chorale des « éditocrates »… Pas L’Humanité, pas Le Monde diplomatique, pas une émission quotidienne de France Inter qui fut le lieu de débat de ce foisonnement d’idées : Là-bas si j’y suis, produite et animée par le camarade Daniel Mermet et supprimée de l’antenne en juin 2014 (devenue ensuite un site web de référence, la-bas.org, auquel on vous conseille de vous abonner). À l’époque, apparait clairement le concept de « pensée unique », face à laquelle un essai comme Les Nouveaux Chiens de garde de Serge Halimi (Raison d’Agir, paru en 1997 et actualisé en 2005) proposait une analyse critique et percutante, en référence à Les chiens de garde de Paul Nizan (Agone). Un film sera plus tard adapté du livre par Gilles Balbastre et Yannick Kergoat (voir Les nouveaux chiens de garde sur CinéMutins). |
Un des nombreux membres de la famille médiatique, Alain Duhamel, Les nouveaux chiens de garde. Côté associatif et syndical, Attac, la Confédération paysanne (avec José Bové), certains syndicats (comme SUD) ont été parmi les plus actifs pour le « NON ». Côté politique, outre l’opposition du FN de Marine Le Pen, la fronde « anti traité » à gauche était fortement soutenue par le PCF, la LCR (Olivier Besancenot était le candidat), LO (Arlette Laguiller), mais aussi par des socialistes en rupture avec la ligne du PS comme Jean-Luc Mélenchon, Benoit Hamon, mais aussi Arnaud Montebourg, Laurent Fabius, Henri Emmanuelli, Marie-Noëlle Lienemann, Gérard Filoche. C’est de cette scission qu’est né le mouvement porté par Jean-Luc Mélenchon et qui a redéfini un nouveau front à gauche et bouleversé le paysage politique. Les anciens jeunes, vous vous souvenez ? On se souvient du niveau des débats, des lectures critiques collectives du traité, un des grands épisodes de la vie politique française quand le niveau dépassait largement celui des pâquerettes et arrivait parfois à s’extraire des polémiques et des « shit storm » (tempêtes de merde en Français !) pour débattre des idées et des programmes. Dans la lignée du mouvement altermondialiste, nous arrivions à l’époque à nous extraire parfois du fond pour entrer dans le fond ! Nous nous étonnions nous-mêmes d’un tel niveau d’attention dans les meetings et d’un tel niveau de débats. C’était mieux avant ? Non… mais disons que le temps était moins happé par la dinguerie du buzz permanent des média-sociaux. Pensons-y à ça ! La suite, on la connait… Le vote des Français a été mépris. À l’époque, la bande autour du repris de justice Nicolas Sarkozy et les autres dirigeants de l’Union Européenne, ont imposé par la force le traité de Lisbonne signé en 2007 et ratifié par le Parlement français, sans nous consulter cette fois. Rien d’étonnant, quand on voit le niveau de mensonges, de malversations et de criminalité qui entourait le président, qui avait été propulsé médiatiquement par sa promesse de « nous débarrasser des racailles ». Il suffit de voir Personne n’y comprend rien de Yannick Kergoat (encore lui !) pour y comprendre quelque chose, voir comment des médias comme BFM TV joue un rôle antidémocratique puissant (avant l’apparition de CNEWS)… et voir comment les Français se sont fait bernés, comme souvent. |
Ce traité européen imposé nous a mis à genoux face à des décisions prises dans les « milieux autorisés » (comme disait le regretté Coluche). Quasiment tous les aspects de notre vie en dépendent désormais, et ce n’est même plus un débat public tellement la résignation et grande. On peut marquer cette grande trahison comme un jalon qui a fait basculer l’histoire politique de France dans une nouvelle ère, où le mépris du peuple « qui vote mal » a été acté comme un principe, qui n’a fait que se confirmer ensuite. On l’a vu encore lors des dernières élections législatives en 2024 où, après une dissolution de l’Assemblée nationale, le président Macron a choisi de s’assoir sur le résultat du vote, légalement bien sûr, mais choisissant Michel Barnier (le balladurien qui mangeait déjà à tous les râteliers, dont celui de Nicolas Sarkozy), ex-commissaire européen, issu d’un parti qui a fait un score minable, mais qui est un des responsables de l’arnaque des traités européens (et qu’on remarque aussi autour de Sarkozy dans Personne n’y comprend rien), Macron a tenté d’imposer un pur produit de ce « traité de force » (ça n’a pas marché…). Parallèlement à ce mépris démocratique, il y a un renforcement de la propagande médiatique et des campagnes de calomnie des opposants. Un mot-valise permet d’envoyer dos à dos l’opposition de gauche et l’extrême droite et de tout balayer du revers de la main : « Populistes ! ». Chaque jour, les journaux sont remplis d’intellectuels séculiers qui viennent répéter la messe, comme ils l’ont fait en 2005, sans convaincre suffisamment probablement (l’avenir nous le dira). Dans leur monde, tout ce qui s’oppose à leur vision uniforme se vaudrait, de Trump à Goebbels, en passant par Mélenchon.D’autres essayent de tirer leur épingle du jeu de ce climat malsain. Les divisions sont légions et chacun a ses raisons. Mais on constate une psychologisation de la vie politique à outrance, et on mesure les effets d’années de mises scènes de la télé poubelle (Loft Story, Koh Lantha, etc.) et du rôle discutable des réseaux asociaux aux algorithmes déformants. La révolte des Gilets jaunes, les grèves et manifestations contre la soi-disant nécessaire « réforme » des retraites (rejetée très majoritairement par les Français, mais imposée par la force), représentent quelques moments de résistances populaires, insuffisants, mais symptomatiques de l’état dans lequel nous nous trouvons. Le président Macron aura tenté un énième tour de passe passe avec ses cahiers de doléances, fort instructifs, mais aussitôt enterrés.Les doléances d’Hélène Desplanques (à voir sur CinéMutins) raconte ce qu’il y a dedans. |
Le peuple n’a plus jamais été consulté sous forme de référendum pendant ces 20 années passées mais l’idée d’une référendum d’initiative citoyenne (RIC) a fait son chemin depuis le référendum de 2005 et le mouvement des Gilets Jaunes. En attendant des jours meilleurs en démocratie, les explosions continueront, mais, si on ne sombre pas dans le chaos de la guerre sociale orchestré par les droites, c’est parce qu’on aura réussi à résister à cette propagande permanente, et à l’arnaque qui consiste à diviser les gens, les monter les uns contre les autres, et surfer sur les horribles faits divers censés démontrer « la dérive d’un peuple dégénéré livré à lui-même si des élites éclairées ne reprennent pas la main. » Revenir au niveau de débat de la campagne du référendum de 2005 n’est pas une mince affaire. C’est une affaire collective. Comme d’habitude, nous ne pouvons vous offrir que des films pour contrer une vision étriquée du monde et moudre du grain. Cependant, nous remarquons qu’il n’y a pas grand-chose à propos du référendum de 2005 sur CinéMutins pour le mentionner, à l’exception de Les Nouveaux chiens de garde qui relate bien la critique média de cette époque et qui reste encore pertinent aujourd’hui sur beaucoup d’aspects. |
Mais aussi, peut-être Désentubages Cathodiques (accessible gratuitement sur CinéMutins) avec notamment des moments hilarants au TV-BE GONE que nous avions tournés à l’époque de Zalea Tv. Notre réponse à la farce du référendum était d’éteindre les téléviseurs au siège du PS, de l’UMP et du ministère de l’Intérieur. C’était une autre époque… |
Les Mutins de Pangée