Un grand média national qui s’intéresse à la ville de Béziers sans se préoccuper des dernières inepties de son premier magistrat est une information suffisamment importante pour être remarquée. Mardi 29 avril était diffusée sur France Inter l’émission Carnets de Campagne, qui s’intéressait au très beau projet d’atelier cuisine de la Cimade : Cuisine d’Ailleurs. L’interview de Nadja Keller, salariée du projet, permettait de raconter à la France entière ce que de nombreux biterrois connaissent déjà : la possibilité pour des personnes étrangères de partager leur savoir-faire et créer de la convivialité dans une ville qui en a vraiment besoin : « pour nous, c’est vital » a expliqué Nadja. Cette interview fut importante à plus d’un titre.
Premièrement, et c’est l’essentiel, elle a permis de présenter comment on pouvait, par l’expérience, la pratique, bref par l’exemple vécu, proposer une alternative concrète aux discours racistes et xénophobes qui se répandent partout : venez manger avec nous et vous ferez l’expérience que les cuisinières/cuisiniers sont des gens ordinaires mais uniques, comme nous tous. La rencontre transforme. Comme l’a très bien expliqué Nadja, pour construire un autre discours, « il faut rendre visible une autre réalité. » Ensuite, Nadja nous a donné le mode d’emploi pour que la recette de la compréhension réciproque réussisse. C’est finalement assez simple : si vous faites des choses concrètes avec d’autres, vous vous apercevez que le langage n’est pas fondamental, mais que c’est l’expérience partagée qui permet de s’accepter les uns les autres… « Comme on est dans le faire, on est dans des choses très concrètes on n’a pas forcément besoin des mots pour se comprendre, c’est cela qui est magique… » nous dit Nadja. Je retiens aussi la possibilité offerte pour les personnes qui participent à ce projet de se délester du poids de leur existence. Beaucoup d’entre elles, exilées, précarisées, humiliées, sont contraintes de légitimer leurs souffrances pour avoir le droit d’être en France. L’atelier cuisine leur rend une dignité perdue et leur permet de redevenir les personnes qu’elles sont, à l’image de Ruzha, qui depuis quelle vient « travailler » à l’atelier cuisine s’est transformée. Enfin, Nadja nous a expliqué que l’atelier intervient dans les collèges et lycées, a créé une exposition qui peut être installée sur demande, bref l’atelier se développe et porte de nouveaux projets.

S’il paraît incongru de présenter un projet aussi simple, faire de la cuisine ensemble, comme une alternative au monde qui vient, c’est parce que les résistances commencent par cela : on se met autour d’une table et on discute. Ensuite on s’aperçoit que des personnes bien nourries et joyeuses qui ont envie de se revoir représentent une force incroyable. Enfin, on finit par construire la ville de demain.
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