Pendant 57 ans, les rejets de l’usine d’aluminium de Gardanne (Bouches-du-Rhône) appelés « boues rouges » ont fini en Méditerranée dans le site classé et protégé des Calanques entre Marseille et La Ciotat.

Pour traiter la bauxite extraite sur place, l’usine de Gardanne utilise un mélange d’eau et de soude. Les volumes de minerai traités se comptent en centaines de milliers de tonnes par an. Les résidus de bauxite (les fameuses « boues rouges ») étaient jusqu’aux années 1960, et depuis 1893, stockés dans un vallon proche de l’usine : Mange-Garri.

Les capacités de stockage à terre n’étant pas infinies, Péchiney, l’exploitant de l’époque, obtient une autorisation gouvernementale de rejet en mer pour 30 ans.

Au moins 30 millions de tonnes ont ainsi été déversées au large de Cassis, par une conduite de 50 kilomètres de l’usine à la mer.

Depuis 2016, quarante ans après les premiers rejets, la partie solide des « boues rouges » n’est plus autorisée à être déversée en mer.

Le stockage à ciel ouvert, dans le vallon de Mange-Garri, reprend donc du service, impactant un voisinage qui entre-temps s’est urbanisé.

Bénéficiaire d’une dérogation pour déverser en mer jusqu’en 2021, Alteo, la nouvelle société exploitante aurait atteint les seuils réglementaires dès 2019.

En 2019 l’usine de Gardanne est placée en redressement judiciaire. Vendue, elle continue à raffiner l’aluminium, mais n’extrait plus le minerai qui générait les « boues rouges ».

Côté citoyen, les pêcheurs se sont mobilisés. Ils ont accompagné une équipe de « Thalassa » qui a réalisé une émission spéciale sur le sujet. Grâce à un robot plongeur, ils ont prouvé l’étendue de la pollution marine, qui contredisait tous les discours lénifiants des ingénieurs d’Alteo.

Côté élu, le maire (LR) de la commune de Bouc-Bel-Air a porté plainte contre Alteo pour pollution. Les jours de grand vent d’est, la commune limitrophe du vallon Mange-Garri vivait dans une sorte de sirocco rougeâtre.

Côté local, l’association Bouc-Bel-Air Environnement a mené une lutte sur les effets sanitaires des poussières de bauxite et leur infiltration dans les cours d’eau et les nappes phréatiques.

Côté national, l’association ZEA a interpellé les différents ministres et gouvernements, dont Macron qui était un fervent défenseur du maintien en l’état.

Comme partout, cette lutte citoyenne a été relayée par une lutte juridique.

Aujourd’hui, la convergence de toutes ces actions a rendu impossible le maintien de l’extraction de bauxite sur place. Comme les « boues rouges » ne sont plus produites, elles ne sont plus stockées ou déversées en Méditerranée.

La joie des opposants à la suite de cette victoire est atténuée par la non-dépollution des sites terrestres et maritimes.

Les propriétaires de l’usine et le gouvernement se réfugiant derrière le même argument que pour le nucléaire : « ils ne savent pas faire ».

Peut-être que quand on ne sait pas faire il ne faut pas commencer à faire.

  

 

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