Une autre histoire: 17 juin 1953, insurrection ouvrière à Berlin-Est

par | 14 juin 2021 | Société

Le 17 juin 1953, voilà exactement 68 ans, trois mois seulement après la mort de Staline, une insurrection ouvrière éclate à Berlin-Est.
La veille, les ouvriers du bâtiment arrêtent de travailler sur le chantier de construction de la Stalinallee, l’avenue de Berlin-Est qui mène vers la Pologne et Moscou et doit devenir la vitrine de la République Démocratique Allemande. Ils protestent contre les nouvelles normes imposées par le régime qui prévoit une élévation de la production de 10 % avant la fin de ce même mois et ce sans majoration des salaires.

D’autres ouvriers ainsi que des passants s’unissent aux manifestants, si bien que dix mille personnes se rassemblent en milieu de journée devant le siège du gouvernement. Cette manifestation s’achève par un appel à la grève générale, et l’on décide de se rassembler à nouveau le lendemain matin. Rapidement, la grève s’étend. Ces manifestations se transforment en soulèvement populaire dans toute la RDA. Aux exigences d’annulation de l’ordonnance sur l’élévation des normes viennent s’ajouter d’autres revendications : les manifestants réclament aussi la démission du gouvernement et l’organisation d’élections libres.

Walter Ulbricht, le secrétaire général du parti communiste est-allemand, faute de mieux, appelle les Soviétiques à la rescousse.

L’occupant soviétique déclare l’état d’urgence dans tout le territoire, les chars de l’Armée rouge dispersent les manifestants sous les sifflets et les jets de pavés et noient l’insurrection dans le sang. Mais il faut près de deux jours pour que les chars soviétiques et le ministère de la Sécurité d’État – la Stasi- reprennent le contrôle de la situation.

Les historiens ont cherché à remonter aux causes plus profondes de ces événements et s’accordent à considérer le deuxième Congrès du parti communiste est-allemand de juillet 1952 comme le premier pas vers les soulèvements du 17 juin. Au cours de ce Congrès, on décrète que la « construction du socialisme en RDA suivra le modèle soviétique. Cette « construction du socialisme » consistait surtout en une réorganisation socialiste de l’agriculture ( avec une collectivisation des campagnes), en une nationalisation de l’industrie et en l’introduction de l’économie planifiée. La hausse des normes de production imposée aux travailleurs industriels par l’ordonnance du 28 mai 1953 faisait aussi partie de ce programme.

Une politique de répression accompagne également cette « construction du socialisme », les groupes religieux de jeunes ou les associations d’étudiants par exemple sont exposés à la persécution politique dès juillet 1952.
Parallèlement, le niveau de vie des habitants de RDA se dégrade, les besoins du peuple en biens de consommation ne sont pas comblés, la situation économique de la RDA pose problème et la population souhaite que souffle enfin le vent du changement….

A près la mort de Staline, le 5 mars 1953, un séisme politique secoue le Kremlin. Beria, le nouvel homme fort de Moscou, annonce une amnistie politique pour un million de prisonniers soviétiques.

Dans les pays soumis au joug soviétique, on se prend à espérer… la politique de « construction du socialisme » est réexaminée et des erreurs officiellement reconnues. Une nouvelle politique doit mettre en place un « nouveau cours » qui fait des concessions en particulier aux paysans, aux Églises, au capital privé, mais laisse intacte l’augmentation des normes de production. Les travailleurs doivent continuer à payer le prix fort et sont les seuls à ne pas bénéficier de la politique de détente, ce qui augmente encore leur colère.

Le matin même du 17 juin 1953, le retrait de la mesure à l’origine de la révolte est annoncé, mais il est trop tard, les ouvriers sont déjà en route pour la grève générale.
Ce 17 juin 1953, cette insurrection de l’espoir marque en quelque sorte le point culminant de l’incompréhension du peuple est-allemand vis-à-vis de ses dirigeants.

La répression est sanglante ; dès le 18 juin ont lieu les premières exécutions sommaires réclamées par les Soviétiques. L’ampleur de la répression peut aujourd’hui être plus exactement chiffrée : une centaine de personnes moururent pendant les soulèvements, une vingtaine furent condamnées à mort, treize mille à quinze mille personnes arrêtées dans les semaines suivantes, dont plus de deux mille furent condamnées à des peines allant jusqu’à 25 ans de prison par les tribunaux soviétiques ou est-allemands, peines purgées parfois dans les goulags de l’Union soviétique, sans parler de la fuite de certains habitants hors de la RDA.

Les Allemands de l’Est échappent comme ils le peuvent à la répression. Sur 19 millions d’habitants, plus de 3 millions s’enfuient à l’Ouest avant la construction du mur de Berlin le 13 août 1961.
La répression laisse les Occidentaux indifférents. Ils ne sont pas intervenus ni venus en aide aux manifestants.

Au plus fort de la guerre froide et quelques mois à peine après les éloges dithyrambiques qui ont accompagné les funérailles de Staline, ils se résignent à la coupure de l’Europe en deux.
Cette insurrection de juin 1953 en Allemagne de l’Est est le premier soulèvement de masse dirigé contre le système mis en place en Europe centrale et orientale dans les pays placés sous le contrôle de l’Union Soviétique. Jusqu’à la réunification de l’Allemagne intervenue le 3 octobre 1990, le 17 juin sera commémoré en République Fédérale d’Allemagne sous le nom de « Jour de l’Unité Allemande ».

D’autres pays de l’Europe de l’Est se soulèveront contre le joug soviétique en particulier la Hongrie en 1956 ou encore la Tchécoslovaquie en 1968
mais c’est une autre histoire !

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