Quand et comment, le centre bourgeois fait appel à l’extrême droite ? (5/6) De dissolution en coalition

par | 15 juin 2025 | Histoire

C’est un gouvernement de coalition entre le centre, la droite et l’extrême droite qui a propulsé Hitler au pouvoir en 1933 en Allemagne. Le « centre bourgeois », très affaibli électoralement pensait que sa survie politique était liée à une coalition dont il tiendrait les rênes. Comprendre cet échec passé, c’est se donner les moyens de peser sur le présent.

(5/6) De dissolution en coalition

La chute du chancelier Brüning et la nomination de Papen le 1er juin 1932 fut l’occasion de former un gouvernement digne d’un musée des horreurs.

Cet assemblage inédit depuis 1918 concentrait tout ce qui existait comme élites patrimoniales.

Dans la France actuelle, on parlerait de gouvernement hors-sol, de gouvernement de millionnaires, de ministres déconnectés et dépourvus de toute légitimité.

Dans une sorte de survivance de la royauté et du Saint Empire germanique, le gouvernement compte six nobles sur huit, quatre représentants de la noblesse titrée, trois barons et un comte. Les roturiers sont des grands bourgeois liés à l’industrie et aux agrariens.

Le nouveau chancelier publie une proclamation qui fait office de déclaration de politique générale en l’absence de discours devant le parlement qui est dissous le jour même par ordonnance présidentielle.

La décision de dissoudre le Reichstag, élément majeur de l’accord passé avec les nazis, est prise au pire moment, car le NSDAP est en dynamique électorale, comme en témoignent les scrutins qui se tiennent dans les Länder depuis un an.

La dissolution du Reichstag prononcée le 4 juin 1932 n’a aucun sens. Pour rappel la précédente dissolution a abouti à une progression nazie et a installé ce parti dans le pays.

Seuls les nazis réclamaient un retour aux urnes à cor et à cri, seuls les idiots utiles de la droite et du centre l’ont accordé.

C’est dans ce contexte de dégradation démocratique accélérée que va se réaliser « Le coup de Prusse »

La Prusse est le plus grand Länder du Reich. Aux yeux de la droite extrême et de l’extrême droite, c’est un « État rouge » parce qu’il est dirigé depuis 14 ans par les sociaux-démocrates du SPD.

Le 11 juin 1932, Papen évoque la nomination d’un commissaire du Reich en Prusse. En coulisses, il fait pression sur les centristes pour aboutir à une coalition avec les nazis.

Le prétexte à l’intervention du Reich dans le Land est tout trouvé : l’autorisation redonnée aux SA et aux SS de se réunir, manifester et s’exprimer. Le mois de juillet 1932 marque un point d’orgue de la violence politique en Allemagne, avec près de 100 morts et plus de 1 000 blessés graves.

Le 17 juillet 1932 dans la banlieue de Hambourg se déroule le « dimanche sanglant d’Altona ». Plusieurs milliers de SA défilent dans ce quartier ouvrier très majoritairement socialiste et communiste. À la suite d’altercations verbales et physiques, on décompte 16 morts parmi les habitants du quartier d’Altona.

Le 20 juillet 1932, les ministres prussiens sont convoqués à la chancellerie pour s’entendre signifier leur suspension par ordonnance.

Une seconde ordonnance est édictée dans la matinée, elle vise la population du Grand-Berlin et la province du Brandebourg qui l’environne. Les droits et libertés des citoyens y sont suspendus « jusqu’à nouvel ordre ».

Avec le « coup de Prusse », la gauche est brisée et le gouvernement Papen montre sa servilité à l’égard du parti nazi. L’ennemi n’est plus à droite, il est à gauche.

Pourtant les nazis ne font pas mystère de vouloir subvertir l’ordre constitutionnel par la violence.

Les réactions au « coup de Prusse » sont nulles. Les organisations SPD, KPD, syndicats, ne bougent pas, à l’inverse de ce qu’elles avaient fait en mars 1920, lors de la tentative de putsch militaire dont une grève générale immédiate avait eu raison.

C’est dans un contexte de violence inédite que les élections législatives ont lieu le 31 juillet 1932.

Il reste encore difficile de comprendre ce que Papen, Hindenburg et leurs entourages espéraient d’une dissolution prononcée en pleine marée montante des nazis.

Les législatives marquent une terrible défaite pour le gouvernement Papen.

Dans des conditions désastreuses, Papen qui croyait contrôler les nazis leur donne toutes les marques de considération et de bonne volonté : ré autorisation des SA et des SS, dissolution de Reichstag, révocation du gouvernement de Prusse.

Les nazis eux, n’ont aucune intention de respecter les termes d’un quelconque accord. Leur perspective est uniquement utilitariste : tout ce que les idiots utiles de la droite et du centre leur donnent ils le prennent, quitte à promettre ceci ou cela.

Parallèlement, ils disent qu’ils ne s’estiment liés par rien d’autre que leur ambition. C’est pourtant avec eux que Papen et Hindenburg vont former le gouvernement de coalition qui va nommer Hitler chancelier.

P.S : Cet article est rédigé à partir de notes de lecture de l’excellent livre de Johann Chapoutot intitulé « Les irresponsables. Qui a porté Hitler au pouvoir ? », il est publié aux éditions Gallimard, édité en février 2025, il est vendu au prix de 21 euros. Je vous en conseille vivement l’achat et la lecture. Ce livre est totalement d’actualité par les parallèles qu’il dresse et les explications qu’il donne

KPD (Parti communiste allemand)

NSDAP ( Parti national-socialiste des travailleurs allemands)

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vendredi 31 octobre 2025, 15:45

Didier Ribo

Description de l'auteur de l'article - co-fondateur du journal majoritaire de Béziers