Le 19 février 1942, voilà exactement 82 ans, la ville de Riom dans le Puy de Dôme se réveille couverte de neige, de policiers et de journalistes du monde entier venus assister au procès monté de toutes pièces par le régime du maréchal Pétain contre les coupables désignés de la défaite de juin 1940...

...le socialiste Léon Blum, l'homme du Front populaire, Édouard Daladier, ex-ministre de la Guerre et ex-président du Conseil, le général Gamelin, chef des armées françaises, le ministre de l'Air Guy La Chambre et le  général Jacomet, ancien contrôleur général de l'administration des Armées .

Il était temps ! Les 5 accusés, attendent depuis 18 mois, de prison en forteresse, la fin d'une instruction interminable mais le procès va tourner au fiasco

La France, vaincue par l'armée allemande en juin 1940, cherche des réponses à cette débâcle. Elle entend juger les responsables de l'impréparation de l'armée.  Qui est responsable ? Le gouvernement de Vichy et à travers lui le maréchal PÉTAIN  désigne les prétendus coupables.

Les procureurs nazis et pétainistes ne s'accordent pas sur le sens du procès. Les premiers veulent mettre en accusation le bellicisme des anciens dirigeants de la France, pour leur faire porter la responsabilité de la guerre.

Les seconds reprochent à leurs prédécesseurs, non pas d'avoir fait la guerre mais de l'avoir mal préparée. Pétain, maréchal de France,  ne peut évidemment pas se muer en pacifiste !

Ces contradictions, qui retardent l'enquête, aboutissent à un motif d'inculpation ambigu reprochant aux accusés d'avoir trahi « les devoirs de leur charge dans les actes ayant concouru au passage de l'état de paix à l'état de guerre. »

 En rupture avec toutes les traditions républicaines concernant la séparation des pouvoirs et la non-culpabilité des inculpés, les accusés ont déjà été condamnés à la détention à vie par Pétain le 16 octobre 1941. Une décision fort controversée, y compris par le président Caous, qui dirige le procès. A l'ouverture de l'audience, il assure aux accusés que « les décisions prises à l'égard de certains d'entre vous sont considérées par la Cour comme nulles »

Dès la première audience, l'un des avocats de Léon Blum divulgue un document confidentiel résumant les consignes données aux juges par les autorités pour « tenir la personne du Maréchal à l'abri de toute critique »

Jacomet et La Chambre se cantonnent dans le mutisme. Le procès devient essentiellement celui de la politique du Front Populaire incarnée par Daladier et Blum.

Ce dernier, socialiste et juif, a cristallisé la haine des collaborateurs. Pendant un mois et demi, sans se désolidariser de ses compagnons d'infortune, il se défend brillamment, usant de tout son talent d'avocat et de parlementaire. Il se transforme même en accusateur, mettant à profit la principale faiblesse de ses adversaires : la plupart des responsables politiques de l’État français avait eux aussi participé à la direction du pays avant la défaite.

Refusant de prendre juin 1936 comme origine des responsabilités de la défaite, le vieux chef socialiste met en cause les gouvernements qui l'ont précédés notamment celui de Gaston Doumergue dans lequel Pétain était ministre de la guerre.

Léon Blum se défend des accusations selon lesquelles il aurait privilégié les mesures sociales au dépend de la défense nationale.  D'après ses accusateurs, les lois sociales votées sous son gouvernement auraient donné «  le goût du moindre effort à la classe ouvrière ». Il répond alors qu'il a lui-même obtenu des syndicats en 1938 de porter à 45 heures la durée du travail ( alors de 40 heures depuis 1936) dans les usines d'armement.

Édouard Daladier, de son côté, assume fièrement la responsabilité du conflit avec l'Allemagne. Il reproche à Pétain qui lui a succédé au ministère de la guerre  en 1934 de n'avoir pas poursuivi le programme de constitution de 3 divisions mécaniques qu'il avait mis en œuvre.

Devant les juges, les diplomates et 230 journalistes médusés qui assistent aux débats, l'ancien président du Conseil démontre  chiffres à l'appui que le rapport des forces militaires entre la France et le Reich était équilibré en 1940 .

L'armée devait être tenue à l'écart du procès : c'est elle qui apparaît finalement comme responsable de la défaite à cause des erreurs stratégiques et des fautes de commandement de ses chefs.

C'en est trop ! Malgré la censure, le procès connaît un écho retentissant en France comme à l'étranger, grâce notamment à la radio de Londres. Le 10 mars, l'ambassadeur américain à Vichy considère que « ce procès est un fiasco »

De son côté, Hitler, irrité,  s'en prend dans un discours public, le 15 mars, aux autorités de Vichy : « Nous attendions de ce procès une prise de position sur la responsabilité du fait même de la guerre »

Le procès tourne rapidement à la confusion. Il est suspendu le 15 avril 1942. La cour est chargée par Pétain de « compléter son instruction »

C'est en effet la faiblesse de l’accusation mais aussi la rigueur de la défense qui font basculer ce procès. Il s'achève sur un aveu d'échec de ses initiateurs.

Les accusés, malgré tout,  sont renvoyés en prison puis livrés aux Allemands. Le lendemain, Pierre Laval est rappelé au gouvernement...

...Mais c'est une autre histoire !

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