Une autre histoire: 23 septembre 1954, Brassens le libertaire triomphe à l’Olympia.

par | 21 septembre 2021 | Culture

Le 23 septembre 1954, voilà exactement 67 ans, Georges Brassens triomphe à l’Olympia. Il a 33 ans.
Nous connaissons tous Georges Brassens surtout dans l’Hérault. Alors aujourd’hui, je ne vais pas vous raconter ni sa vie ni parcourir sa biographie : son enfance à Sète, sa montée à Paris en février 1940, ses auditions sans succès, sa consécration enfin avec ce succès à l’Olympia et puis cette immense carrière qui a fait de Georges Brassens ce personnage à part de la chanson française.

Je voudrais vous faire découvrir un Brassens plus méconnu, un Brassens libertaire qui se rattache à une tradition anarchiste individualiste débarrassée de toute agressivité vis à vis du système social.

Il ne s’agit pas d’enrôler le poète à des fins partisanes : ce serait contraire à son réjouissant individualisme.

C’est au début de l’été 1946 que Brassens eut ses premiers contacts avec les anarchistes. Le Libertaire, (aujourd’hui Le monde Libertaire) est un journal hebdomadaire de la Fédération anarchiste, qui tirait alors cent mille exemplaires, était largement diffusé, vendu à la criée, avait place à l’étal des kiosques à journaux et dans les librairies. Il le lit, s’intéresse, et rencontre Henri Bouyé alors secrétaire général de la Fédération anarchiste et co-responsable à la rédaction de son journal.

Il accepte l’idée d’une collaboration occasionnelle ou suivie à la rédaction du journal. Il adhère à la Fédération anarchiste et écrit un vingtaine d’articles dans « Le Libertaire » sous de nombreux pseudonymes (Géo Cédille, Gilles Collin …). Il devient d’ailleurs membre, puis secrétaire du groupe anarchiste de Paris XVe, enfin administrateur de la Fédération Anarchiste dans les années 52-53, ce qui à l’époque, n’était pas un engagement anodin. Il rencontre cet autre poète anarchiste qu’était Armand Robin, forte personnalité s’il en fut.

Brassens vivait alors une période de flânerie. Faute de pouvoir se payer un billet de métro, il n’était pas rare qu’il fasse à pied le chemin le séparant du journal, avenue de la République, lui venant de l’impasse Florimond dans le 15ème où il habitait avec Jeanne et l’Auvergnat, qui l’avaient accueilli.

Georges Brassens chante alors ses premières chansons lors de galas anarchistes. Il cherche à créer un journal anarchiste dans le 15e arrondissement, mais sans succès. À la même époque, on retrouve également Brassens dans Le Combat syndicaliste, journal de la CNT. Mais c’est bien sûr dans ses chansons qu’il défendra le mieux les idées libertaires. Au début, il n’ose pas les interpréter puis se fait refouler des cabarets où il cherche à jouer.

Jacques Grello, chansonnier libertaire plein d’esprit, de finesse et de gentillesse, fort apprécié du public et bien implanté dans son milieu professionnel, lit et écoute les poèmes de Brassens. Enthousiaste, il lui prête sa guitare pour qu’il s’entraîne à en jouer et s’habitue à s’accompagner lui-même en public. Introduit par Jacques Grello, il se produit sur scène mais un long moment sans succès, au grand désespoir de l’entourage qui le soutenait.

Au bord du découragement, le 24 janvier 1952, il obtient enfin sa chance grâce à la chanteuse Patachou qui l’a pris en affection et, malgré son trac, accepte de le produire dans son cabaret de Montmartre.
La consécration vient deux ans plus tard, le 23 septembre 1954, à l’Olympia.

Et puis…..des dizaines et des dizaines de chansons ……mais Brassens reste ce qu’il est, un anti conformiste !

« Je vivais à l’écart de la place publique
,Serein, contemplatif, ténébreux, bucolique… »

Les trompettes de la renommée expriment le souci premier de la défense de l’autonomie individuelle face aux conformismes sociaux. Ce qui ne signifie pas le refus des sociabilités, célébrées dans Les copains d’abord.

Rétif à un « tout collectif » étouffant, Brassens a choqué les adorateurs post-soixante-huitards des posters du Che avec Mourir pour des idées (1972). On n’est pourtant pas obligé de comprendre cette interpellation comme un crachat sur l’héroïsme. Pourquoi ne pas l’entendre comme une petite voix critique doublant les légitimes élans romantiques en rappelant la valeur de la vie humaine :
« Mais de grâce, morbleu! laissez vivre les autres !
La vie est à peu près leur seul luxe ici bas »

et en pointant les écarts entre les moyens et les fins de l’action émancipatrice :

« Encore s’il suffisait de quelques hécatombes
Pour qu’enfin tout changeât, qu’enfin tout s’arrangeât
Depuis tant de « grands soirs » que tant de têtes tombent
Au paradis sur terre on y serait déjà » ;

et surtout en ironisant sur les dogmes périssables :

« Allons vers l’autre monde en flânant en chemin
Car, à forcer l’allure, il arrive qu’on meure
Pour des idées n’ayant plus cours le lendemain ».

Transformer Brassens en icône, sans failles, serait tellement éloigné de la sensibilité libertaire qu’il nous a léguée. Si les langues de bois des politiciens professionnels pouvaient en être affectées et la gauche éviter les clichés.
Sa réussite, ses succès, ne l’avaient rendu ni distant, ni immodeste, ni insensible. Sa fréquentation du monde de la scène et de l’écran ne l’avait pas transformé. La sophistication, le cabotinage et la fausse politesse n’eurent sur lui aucune emprise.

Dans ce milieu, il sut demeurer lui-même, et sans jamais jouer l’« anar » avec ostentation. Rappeler cela, c’est le plus bel hommage que l’on puisse lui rendre et c’est bien là encore une preuve qu’au fond, n’en déplaise à ceux de ses « biographes » ayant pudiquement usé du bémol pour escamoter son passage chez les libertaires, il refusa jusqu’à la fin de sa vie de céder à l’appel des « trompettes de la renommée » dont il avait célébré l’inutilité.

Alors qu’on fête le centième anniversaire de sa naissance, Georges Brassens est devenu une référence, une charnière, un fond commun d’une culture populaire.

Il a su préserver une richesse d’inspiration et une véritable authenticité. Sans doute l’auteur compositeur le plus marquant de la chanson française depuis Charles Trenet, il a influencé plus que tout autre toute une génération de chanteurs (Jean Ferrat, Anne Sylvestre, Jacques Brel) et bien d’autres encore.

On peut aussi parler de Renaud, autre admirateur et « fils spirituel » de Brassens, qui reprit en 1995 dans l’album « Renaud chante Brassens » 23 de ses chansons.
Renaud, un autre libertaire, mais c’est une autre histoire !

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