Une autre histoire – 9 janvier 1934, mort de l’escroc Alexandre Stavisky

par | 6 janvier 2023 | Culture

Le 9 janvier 1934, les Français apprennent la mort par balle de l’escroc Alexandre Stavisky, dit le « Beau Sacha ». La police l’a retrouvé la veille, agonisant au pied d’un lit, dans un chalet de Chamonix. Il meurt quelques heures plus tard à l’hôpital.

Né le 20 novembre 1886 en Ukraine dans une famille juive, naturalisé français en 1910, Alexandre Stavisky s’associe à… son grand-père pour commettre une première escroquerie au théâtre des Folies Marigny, à Paris. Mais il doit rendre des comptes à la justice et son père, un dentiste d’une parfaite honnêteté, se suicide de désespoir.

En 1926, il est incarcéré pour dix-huit mois à la prison de la Santé, à Paris, pour une affaire de détournement de bijoux. Il se promet de ne plus se faire prendre… et il tiendra parole.

En 1931, l’escroc réussit son plus beau coup en persuadant Joseph Garat, le député-maire de Bayonne, d’ouvrir une « caisse de Crédit Municipal » et d’en confier la gestion à un comparse, un certain Tissier.

Stavisky dépose au Mont-de-piété des bijoux (volés, faux ou surévalués par un expert complice). En contrepartie, comme tous les déposants, il reçoit des bons qu’il échange contre de l’argent auprès d’institutions financières confiantes en la signature de la caisse de crédit municipal.

Mais il fait en sorte que le montant figurant sur la souche des bons soit inférieur à la somme qui lui a été livrée. Il présente les souches au Mont-de-piété, récupère les bijoux… et conserve la différence entre l’argent reçu et l’argent restitué. Il ne lui reste plus qu’à recommencer… Stavisky va ainsi détourner 239 millions de francs de bons avec d’autant plus de facilité qu’il peut se prévaloir d’une lettre de recommandation d’un ministre !

Devenu richissime, « Monsieur Alexandre » se pavane dans les salons du Tout-Paris au bras de sa femme Arlette, un ex-mannequin de Chanel dont il a eu un fils, et tous trois vivent dans un palace avec la gouvernante de l’enfant. Vacances à Deauville et à Chamonix alternant avec les réceptions dans les salons parisiens: le couple mène grand train et possède de nombreuses relations dans la presse, la politique et les milieux d’affaires.

Il est encore poursuivi en justice pour diverses affaires mais son réseau de relations lui permet d’obtenir que sa comparution soit dix-neuf fois reportée.

On révélera après sa mort que ces reports lui furent accordés par le procureur de la République de Paris, un nommé Georges Pressard qui n’était autre que le beau-frère du président du Conseil (le chef du gouvernement) Camille Chautemps.

Au moment où éclatera « l’affaire », quatre-vingts dossiers environ, constitués contre Stavisky, dorment dans les bureaux de la Sûreté et des ministères intéressés.

Les meilleures choses ont une fin, hélas… Le 2 juillet 1933, quatre bons négociables ne peuvent être honorés par le Crédit Municipal de Bayonne, à court de liquidités. L’affaire des « bons de Bayonne » éclate au grand jour avec l’arrestation en décembre 1933 du directeur du Crédit municipal et du député-maire de la ville. Un autre député et deux directeurs de journaux subventionnés par Stavisky seront également arrêtés. En fuite, l’escroc sera retrouvé à Chamonix quelques semaines plus tard.

La mort de Stavisky, d’après le rapport de police, est consécutive à un suicide mais l’opinion publique soupçonne aussitôt des hommes politiques de l’avoir fait assassiner pour l’empêcher de dénoncer ses complices… L’hebdomadaire satirique Le Canard Enchaîné écrit : « Stavisky s’est suicidé d’une balle tirée à trois mètres. Ce que c’est que d’avoir le bras long » !

Le plus probable est que la police, ayant repéré la planque de l’escroc, l’a poussé au suicide en multipliant les allées et venues autour du chalet. Ensuite, elle ne s’est pas hâtée de le conduire à l’hôpital.

Ce scandale est relativement peu de chose comparé à celui de Panama ou à ceux plus récents (écoutes téléphoniques, Crédit Lyonnais, Elf, Françafrique, affaires Sarkozy et tant d’autres..). Il ne met en cause ni un président de la République, ni même un quelconque ministre mais seulement une demi-douzaine de politiciens de second rang qui se sont compromis avec Stavisky dans le trafic d’influence.

Il faut dire que dans les années 1930, après les « Années Folles » qui ont suivi l’hécatombe de 1914-1918, la France est affectée par une crise à la fois économique et politique, conséquence de la crise mondiale déclenchée par le krach boursier de Wall Street en 1929. Les discours bellicistes de Hitler, au pouvoir en Allemagne depuis l’année précédente, aggravent les inquiétudes de chacun.

La mort de Stavisky met à jour les rancœurs vis-à-vis des nouveaux riches au luxe flamboyant. Les xénophobes s’en prennent à une politique de naturalisation trop laxiste (comme Stavisky). L’Action française royaliste, les ligues populistes de droite dénoncent à l’envi la décadence de la IIIe République. Les communistes s’y joignent également mais de façon différente. Les premiers donnent volontiers en exemple le régime fasciste de Mussolini, les seconds le régime communiste de Staline.

Tous conspuent la démocratie parlementaire et les « Deux cents familles » capitalistes qui gouvernent la Banque de France.

L’indignation populaire entraîne la chute du gouvernement radical-socialiste. Édouard Daladier remplace Camille Chautemps à la présidence du Conseil. Il destitue aussitôt le préfet de police Chiappe, suspect de sympathie avec les ligues de droite.

C’est l’indignation à droite comme à gauche où chacun soupçonne le gouvernement de vouloir étouffer les suites du scandale Stavisky. Car le mystère qui entoure la mort d’Alexandre Stavisky et les complicités dont il a bénéficié ne sera peut-être jamais éclairci, trop de pistes ayant été brouillées, peut-être volontairement.

Le 6 février 1934, une grande manifestation va tourner à la tragédie, à l’émeute, à un affrontement sanglant entre manifestants des deux bords et avec la police dont la répression est féroce. Cette journée est généralement considérée comme le prélude au Front populaire

…. mais c’est une autre histoire !

Version audio avec illustration musicale sur Radio Pays d’Hérault, à écouter ICI

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