Allemagne années 1930, naissance du libéralisme autoritaire (2)

par | 5 juin 2023 | Enquête

Nous continuons à suivre Grégoire Chamayou dans son analyse du libéralisme autoritaire.

Ayant pris connaissance du discours de Schmitt aux patrons allemands, Heller y répond par un court texte qui compte parmi les plus clairvoyants de la période.

Nous assistons là, analyse-t-il, à l’émergence d’une nouvelle catégorie politique, une synthèse étrange : un « libéralisme autoritaire ».

On avait déjà entendu Schmitt dire : « que l’État actuel était un État faible parce que ‘’pluraliste’’ ». Sans précisions. Or là devant un parterre d’industriels, il est enfin sorti du bois : l’État à venir sera un État fort.

Le président du Reich, lui et uniquement lui est seul responsable devant Dieu. Une conception autocratique de l’autorité politique, qui prétend ne l’assoir que sur elle-même.

Cette autorité autocratique, quelle va être son extension ? Jusqu’où est-elle censée aller ? Les partisans de cet État fort veulent-ils réellement un pouvoir sans limite ? « Non absolument pas », clarifie Heller. Cela, cette « rêverie exaltée », ils la laissent à d’autres sur leur droite. En Allemagne ce seront les nazis.

Heller nous adresse un conseil de méthode : face à un pouvoir autoritaire, ne pas se laisser abuser par l’image totalisante qu’il projette de lui-même. Ne pas postuler qu’il exercerait une emprise absolue, intégrale et uniforme ; être attentif au contraire à ses bornes, à ses manques et à ses disparités.

La bonne question à poser est celle-ci : cet État « autoritaire », envers qui l’est-il au juste, et avec qui ne l’est-il pas ?

La pierre de touche réside dans le rapport que cet État entretient avec « l’ordre économique ». Dès que l’on vient à parler d’économie, l’État autoritaire renonce entièrement à son autorité, et ses porte-paroles soi-disant « conservateurs » ne connaissent plus d’autres mots d’ordre que celui-ci : liberté de l’économie par rapport à l’État !

Loin de procéder à l’abstinence dans les politiques de subventions patronales, cet État procède consciencieusement au démantèlement autoritaire des politiques sociales.

C’est donc un État fort-faible. Fort contre les revendications démocratiques de redistribution sociale, mais faible dans sa relation au marché.

Un État fort avec les faibles et faible avec les forts.

C’est cette asymétrie – celle d’une politique de classe – qui en constitue le cœur.

La stratégie fondamentale du libéralisme autoritaire se résume ainsi : procéder à une « dés-étatisation de de l’économie », à un « retrait de l’État (…) hors de la politique sociale » par le biais d’une « étatisation dictatoriale » du champ politique.

Aujourd’hui en France, quasiment un siècle après cette analyse d’Heller nous pourrions reprendre la même appréciation : l’État libéral autoritaire est fort avec les faibles et faible avec les forts.

Partager sur

En Bref

< Retour à l'accueil

L'agenda Culturel

L'agenda Militant

Lettre d'informations En Vie à Béziers

Pour recevoir notre lettre hebdomadaire

[sibwp_form id=1]

La Revue de presse

Dessins et photos d'actualités

Le mot du maire de Béziers

En vie à Béziers Adhésion et/ou dons !

Le coin des lecteurs

La possibilité d’un autre monde (l’esprit de décembre 95)

Salut,Cette semaine, on revient sur les attaques insidieuses envers ce que l'on appelle, sans distinction, "la culture", mais dont on voit très bien qu'elles visent surtout les initiatives non industrielles, incontrôlables et tout ce qui n'entre pas dans des cases de...

Guerre, quelle guerre ?

Cette année encore, le début du mois de novembre a été marqué par les commémorations de la boucherie de 14-18. Mais à peine les fleurs ont-elles fanées sur les monuments aux morts que le délire guerrier est reparti de plus belle... Au concours Lépine de la propagande...

Au bout du fil de la presse libre

En 2026 Continuons à défendre l'édition libre

Le monde de l’édition française est un monde très concentré. Aujourd’hui, après des décennies d’acquisitions et de rachats, 90% du marché est détenu par 5 conglomérats d'édition, avec 5 milliardaires à leurs têtes. Statistiquement, l'achat d'un livre revient dans 90% des cas à renforcer les empires de Vincent Bolloré (Hachette), Daniel Křetínský (CMI/Editis), Bernard Arnault (LVMH, Madrigall, Lefebvre Sarrut), Francis Esménard (Albin Michel) ou de la famille Michelin-Montagne (Média Participations), dont l'omniprésence oriente l'opinion publique.

Hobo Diffusion promeut l’édition indépendante et critique, et propose une alternative dans un monde du livre monopolisé et dominé par les grands groupes. Hobo Diffusion ne travaille pas avec Amazon.

 

Cette carte, proposée par les éditions Agone et le Monde diplomatique,  expose l’ampleur de la concentration éditoriale tout en rendant visible la myriade de maisons indépendantes qui y échappe.

 

L’association a bénéficié en 2018 et 2019 du fonds de soutien aux médias d’information sociale de proximité / Ministère de la culture

Nombre de visites

Nombre de visites

1047999
Total Users : 1047999

mardi 23 décembre 2025, 15:18

Didier Ribo

Description de l'auteur de l'article - co-fondateur du journal majoritaire de Béziers