Dossier Asturies 1934 : Histoire d’une photo symbolique … (3)

par | 18 octobre 2024 | Enquête

L’appel à la grève générale est donc lancé par  télégramme depuis Madrid dans la nuit du 4 au 5 octobre.  Dans la province de Palencia, Barruelo de Santullan  et Guardo furent les foyers insurrectionnels les plus importants.

A Barruelo, la journée du 5 octobre est travaillée presque normalement. Seul un défilé incessant de mineurs dans la Maison du Peuple laisse penser que quelque chose se prépare.

En fin de journée, les ouvriers mineurs prennent alors les armes stockées depuis de longues semaines en prévision d’un conflit plus dur : pistolets, fusils, couteaux et bombes incendiaires. Ils se constituent en patrouilles et partent à l’assaut du village pour sa prise de contrôle. Coupures des communications : ni téléphone ni télégraphe ! La grève générale se transforme en révolution !


A Barruelo, la garde civile est avertie des troubles en cours. Deux patrouilles sortent de la caserne, l’une pour surveiller le passage à niveau, l’autre le centre du village. Surpris par les mineurs, ils se réfugient dans la Mairie. Ils sont  quatre gardes civils plus un fonctionnaire,  garde municipal. Après les échanges de tirs, la demande de reddition est refusée par les militaires. Les insurgés décident alors de mettre le feu à la Mairie.  Les quatre militaires réussissent à s’enfuir et à regagner la caserne, sains  et saufs, un seul sera blessé. Le garde municipal, lui, meurt asphyxié dans l’incendie. Ce jour-là, l’ensemble des archives de la mairie sera brûlé et, aujourd’hui encore, on ne peut retrouver aucun document antérieur à cette date, je peux en témoigner !

C’est ensuite l’attaque de la caserne de la garde Civile elle-même.

L’effectif de la caserne compte une vingtaine d’hommes sans compter leurs familles qui logent à l’intérieur: un lieutenant, deux sous-officiers et dix-sept gardes civils.

La caserne est encerclée. Toute la nuit, on assiste à des échanges de tirs. Mais les révolutionnaires ne peuvent entrer et décident là-aussi d’y mettre le feu. Ils placent une bombe incendiaire devant la porte mais elle fait peu de dégâts. La caserne restera inviolée dans l’attente de sa libération par l’armée.

L’église de San Tomas est également incendiée comme le seront, celle de  Brañosera et celle de  Salcedillo, petit commune voisine. Mon grand-père et ses collègues présents sur la photo y ont pris toute leur part.

Au matin du 6 octobre, à Barruelo, c’est le collège mariste qui est visé. Les religieux prennent la fuite et regagnent Aguilar de Campo, commune voisine. Le Frère Bernardo, directeur du collège, trouve la mort dans des circonstances toujours pas élucidées. Évidemment la presse de droite, catholique, accuse les révolutionnaires d’assassinats.

Mais ce 6 octobre c’est aussi l’arrivée des renforts militaires. Une compagnie du Bataillon cycliste de Palencia avec 60 militaires arrive à Barruelo. Les révolutionnaires s’organisent pour résister en plusieurs endroits. Ils se regroupent au passage à niveau et barrent  la route avec une locomotive à l’entrée du village sur la route de Aguilar de Campo.

L’armée décide d’attaquer sur 3 fronts. Lors des attaques six mineurs sont tués ainsi que deux militaires et en particulier le lieutenant colonel de la garde civile Saenz Esquerra.

D’autres renforts arrivent de Logroño et finalement les militaires atteignent la caserne vers 17 heures. Barruelo a été repris !

Un centaine de rebelles sont faits prisonniers, les autres se cachent ou s’enfuient dans les montagnes alentour, du côté justement de Brañosera.

La chasse aux révolutionnaires est ouverte dans le bassin minier. En plus des militaires sur le terrain qui ratissent les villages et la montagne à la recherche des fugitifs, c’est aussi l’aviation qui se met en chasse. Il faut à tout prix retrouver les fuyards.

Pour éviter les bombardements, certains villageois de Brañosera hissent le drapeau blanc sur le toit de leurs maisons pour indiquer qu’aucun révolutionnaire ne s’y est caché.

Le 8 octobre,  l’armée réussira à capturer près de cent trente révolutionnaires dont les trente-trois présents sur la photo. Ceux-ci sont conduits à pied jusque devant la mairie de Brañosera où les attendent des camions. Direction Barruelo d’abord puis Burgos pour y être incarcérés.

Avant leur transfert à Burgos, les familles ont pu se rendre à la prison de Barruelo pour voir et ravitailler les prisonniers. Ma grand-mère et ma mère font le voyage pour aller voir Delfin Fernandez, leur mari et père.

Les prisonniers sont interrogés, parfois très durement. En témoignent les lettres écrites plus tard en 1935 par des prisonniers à Burgos qui racontent ces quelques jours. Ils y décrivent les brutalités de la garde civil et les mauvais traitements pour les faire avouer. Parmi eux, il faut noter la mort suite aux violences infligées par la Guardia Civil du maire socialiste de Barruelo, Francisco Dapena qui avait pris part à l’insurrection.

Évidemment le syndicat des mineurs est dissous et seule une structure clandestine se maintiendra.

(Suite et fin de l’enquête lundi prochain)

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