Retirada : avant les barbelés, la solidarité (12e et dernier épisode) Perpignan

par | 13 janvier 2024 | Enquête

À aucun moment de l’exode, Perpignan ne sera concernée par le flux massif des républicains espagnols. Tout est organisé pour que la capitale de la Catalogne-nord soit tenue à l’écart de la déferlante.

Tout au long de la Retirada, la hantise de la sécurité sera plus perceptible ici qu’ailleurs. En février 1939, à Perpignan, le gouvernement choisit délibérément de satisfaire une partie de l’opinion nationale qui évoque carrément : « une invasion ».

L’essentiel est pour ces mêmes autorités nationales que la ville ne soit pas « assiégée » tout en lui faisant jouer un rôle de verrou et de tour de contrôle.

Les pouvoirs publics ne peuvent pas éviter les arrivées isolées ou par petits groupes. La ville a donc besoin d’un camp. Les locaux des anciens haras ont l’avantage d’offrir de l’espace, un toit et d’être situés assez près de la gare pour y évacuer femmes et enfants vers les départements de l’intérieur.

Si la plèbe est écartée, Perpignan va connaître une concentration de diplomates et de personnalités politiques, peu commune. Le repli des ambassades et des légations étrangères s’effectue par Perpignan.

L’arrivée massive d’attachés d’ambassades, de chargés d’affaires, de consuls rend l’hébergement difficile. Les hôtels affichent complet, en particulier les plus grands. La préfecture de Perpignan est au cœur de cette activité étatique.

Aux diplomates vient s’ajouter tout ce que l’Espagne républicaine et la Generalitat de Catalunya comptent de hautes personnalités. Le journal local « L’Indépendant » en dresse fièrement la liste.

Munies de passeports et de visas, les élites n’ont pas trouvé d’obstacle, hormis les embarras aux postes-frontière, pour passer en France

Évidemment celui des anonymes sera plus malaisé.

Il ne suffisait pas de rentrer sur le territoire français encore fallait-il obtenir les papiers pour légaliser sa situation. Plusieurs bureaux organisés par le gouvernement républicain assistaient les réfugiés pour toutes les questions de passeport et autres problèmes.

Malgré cette dichotomie entre élite et peuple Perpignan reste une ville solidaire. Le Centro espagnol organise chaque jour la préparation et la consommation de milliers de repas collectifs. Les partis, syndicats, associations organisent avec leurs adhérents la prise en charge de réfugiés.

Dès les premiers jours de la Retirada est créé un Comité d’accueil où se retrouvent les partis de gauche, syndicats, mouvements et associations. Le maire le docteur Baudru en est désigné le président d’honneur.

De leur côté les associations catholiques : Comité national, Enfance catalane, Dames de la charité, collecte des dons financiers et matériels.

Le Syndicat des Instituteurs est mobilisé depuis 1937.

Une des particularités de la solidarité citoyenne à Perpignan est qu’elle s’organise fortement par affinité politique, culturelle, régionale.

Pour ce qui concerne le camp de haras, tous les groupes de réfugiés qui arrivent sans réseaux préalables y sont dirigés. Les femmes et les enfants occupent un bâtiment spécial et n’y séjournent guère plus de 24 heures. Ils sont ensuite dirigés vers d’autres départements de l’intérieur.

Le 12 février par exemple, 1340 personnes partent de la gare de Perpignan vers Besançon.

Dans un rapport au ministre de l’Intérieur, le préfet Raoul Didkowski avoue qu’il est particulièrement difficile d’accueillir les 12 000 blessés qui se pressent aux postes-frontière.

Des centres sanitaires sont improvisés ici et là pour faire face à l’urgence mais le seul hôpital qui existe est celui de Perpignan.

Pour éviter de le saturer, l’école primaire Lamartine redevient l’Hôpital Saint-Louis, elle est équipée de 500 lits. À l’infirmerie du camp des haras, des médecins espagnols donnent les premiers soins.

L’autre solution pour décongestionner les hôpitaux perpignanais est l’évacuation des malades vers les centres sanitaires voisins de l’intérieur.

Béziers est ainsi équipé de 700 lits pour recevoir les malades et blessés.

Le gouvernement de la République espagnole en exil évoque en 1947 le chiffre de 752 décès de ses ressortissants à Perpignan.

Mais il semble qu’une étude complète sur les morts de la Retirada reste à faire.

Ces chroniques sont des extraits de lecture du livre de Serge Barba « De la frontière aux barbelés, les chemins de la Retirada 1939 » paru aux éditions Trabucaïre en 2017. Je vous en recommande vivement la lecture complète.

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