Située tout au fond de la vallée du Vallespir, Prats-de-Mollo était en 1939 un cul-de-sac.

La communication avec Camprodon, ville homologue la plus proche en Catalogne sud, s’effectuait par la route qui monte jusqu’au Col d’Ares distant d’une douzaine de kilomètres.

Côté Catalogne nord, en 1939, la route en construction n’était carrossable que sur 8 km jusqu’au col de la Guille, les 4 derniers km devaient être parcourus à pied.

Côté sud, par contre, la route arrivait jusqu’au Col d’Ares après 17 km d’une pente amorcée à 988 m et terminée à 1513 m.

Dès le 27 janvier, un groupe de carabiniers se présente à l’entrée de Prats. C’est le début d’un exode qui va s’intensifier tout au long des 15 jours durant lesquels les cols pratéens seront ouverts.

Très rapidement arrivent femmes, enfants, vieillards et miliciens. L’afflux est considérable, pour la journée du 29 janvier 1939 le journal local « L’Indépendant » signale l’arrivée de plus de 6 000 réfugiés.

Le souci majeur des autorités municipales de Prats est de nourrir et héberger tout ce monde.

Pendant les premières semaines, c’est la ville de Prats qui assumera seule cette tâche sans l’aide de la sous-préfecture.

Le maire, Joseph Noëll-Floquet, va mobiliser le village. Dès leur arrivée, les réfugiés sont conduits vers les préaux de l’école communale. Là, on leur distribue du lait, du café, du chocolat, du pain. Les instituteurs vont veiller plus particulièrement sur les enfants. Le Comité d’Aide à l’Espagne républicaine, le Secours Populaire, le Secours Catholique sont présents. Les boulangers, épiciers, bouchers du village sont réquisitionnés.

Les soins sont dispensés à l’infirmerie installée au sous-sol de l’école. Ils sont assurés par les docteurs Jeanjean et Rousse, assistés d’infirmières de la Croix-Rouge et de l’Union des Femmes Françaises. Une crèche est improvisée au rez-de-chaussée de la mairie.

L’hébergement est un des plus gros problèmes. Les écoles communales ayant été très rapidement surpeuplées, il faut ouvrir La Verneda, le centre de vacances de la ville de Perpignan. Les garages Guiu et Oland sont réquisitionnés. La salle de cinéma, avec ses fauteuils ôtés, est réservée aux femmes et aux enfants. Le château est dévolu aux hommes valides.

Malgré tout, il n’est pas possible d’héberger tous les réfugiés, d’autant plus qu’au fil des jours les arrivées sont de plus en plus massives.

Après l’ordre d’évacuation de la Catalogne sud donné le 5 février 1939 par les autorités républicaines, la route du Col d’Ares prend des allures dantesques. Ce n’est qu’une longue cohorte d’ambulances, charrettes, camions, motos et voitures accompagnée de piétons chargés de valises et ballots.

Tout en haut du col, faute de pouvoir continuer sur une route praticable les véhiculent sont abandonnés et précipités dans les ravins pour qu’ils ne profitent pas aux franquistes.

La tentative du Génie espagnol de rendre les 4 derniers km carrossable n’est pas autorisée par les autorités françaises.

Cela ne va pas faciliter, dès le 6 février, l’évacuation de l’hôpital de Camprodon. Les blessés sont transportés par des véhicules espagnols jusqu’au Col d’Ares, puis portés dans des brancards par des volontaires français et espagnols dans 50 cm de neige.

Arrivés au col de la Guille ils sont de nouveau convoyés par les véhicules de la population de Prats et des environs.

Avec l’arrivée des dernières unités républicaines, la ville de Pats n’a plus de toit à proposer. Les hommes sont parqués sur des terrains situés sur les rives du Tech. Au Sendreu sont cantonnés 12 000 hommes et camp de San Marti 25 000.

Le 13 février les franquistes occupent le Col d’Ares et mettent fin à tout passage.

Selon les autorités locales, il restait encore 35 000 hommes dans les champs autour de Prats le 19 février.

Le secrétaire de mairie de Prats indique dans le registre du conseil municipal : «  La fuite des Armées républicaines espagnoles et de la population civile, vers la France, marque profondément la vie des habitants de Prats-de-Mollo, un évènement historique sans précédent que nous devons fixer sur le registre des délibérations de notre commune, afin que dans l’avenir, les générations futures puissent se faire une faible idée des misères de la faim dont souffrait le nombre considérable d’hommes, de femmes et d’enfants, estimé approximativement de 90 000 à 100 000 personnes ayant pénétré en France par la frontière de Prats-de-Mollo. »

Ce texte est un extrait de lecture du livre de Serge Barba « De la frontière aux barbelès, les chemins de la Retirada 1939 » édité aux éditions Trabucaïre en 2017. Je vous en recommande vivement la lecture.

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