Rattrapées au niveau mondial par les effets de la sécheresse et l’épuisement des ressources hydriques, les villes vivent désormais au rythme des coupures d’eau quotidienne partielles ou totales.

  • La Tunisie

« Normalement, en Tunisie, on dîne vers 20 ou 21 h », explique Raja, âgée d’une vingtaine d’années. « Mais dorénavant, on doit manger avant 19 h, sinon il n’y a plus d’eau pour cuisiner ou laver les plats », Raja habite un petit appartement avec ses sœurs et sa mère dans la ville côtière de Sousse.

Depuis plus d’un an, Raja et sa famille sont systématiquement privés d’eau courante en début de soirée, comme le reste de leur quartier. « Avant, on avait ce problème seulement l’été, l’eau ne revient qu’à l’aube, aux alentours de 6 h du matin. », explique la jeune femme.

Sousse, troisième ville la plus peuplée de Tunisie, a aussi été récemment touchée par une coupure d’eau plus importante. « La pire dont je puisse me souvenir », raconte Raja. Durant 3 jours complets, l’eau a été totalement coupée, obligeant la famille à acheter de l’eau en bouteille pour cuisiner et se laver. « Mais on a eu de la chance : dans la rue d’à côté, ça a duré 9 jours », relativise la jeune femme.

« Dans la région du Sahel, c’est-à-dire Sousse, mais aussi Monastir ou Mahdia, ces coupures sont organisées par la SONEDE – Société nationale d’exploitation et de distribution des eaux – pour économiser les ressources hydriques », explique Oumayma Bouachiri, chargée de projet à l’Observatoire Tunisien de l’eau, une association répertoriant les difficultés d’accès à l’eau dans tout le pays.

L’Observatoire a été fondé en 2016, année où « les premières coupures planifiées ont été observées ». La SONEDE chargée d’organiser l’approvisionnement en eau de toutes les communes tunisiennes, a depuis généralisé la pratique.

« À l’époque, ces coupures concernaient surtout les régions du Sud », explique Oumayma.

Mais depuis, la Tunisie est entrée dans la liste des 25 pays les plus exposés au stress hydrique, selon le « World resources institute ».

Selon les données de l’Observatoire tunisien de l’eau, depuis 2023, des grandes villes comme Tunis, Sfax, Sousse ou encore Nabeul sont touchées par des coupures généralisées. « Les barrages qui approvisionnaient ces villes sont de moins en moins remplis, alors que l’urbanisation augmente », dit Oumayma.

Face aux coupures, les habitants des villes s’organisent comme ils le peuvent pour maintenir l’accès à l’eau. « Chez nous, on remplit trois seaux et presque 20 bouteilles chaque matin, quand l’eau revient à 6 h ».

Ces solutions provisoires ne permettent pas d’effacer les conséquences des coupures pour la majorité de la population, notamment lorsque celles-ci durent toute la journée.

  Dans le Sahel, le seul secteur de toute la Tunisie, à ne pas souffrir des coupures d’eau pour préserver l’industrie touristique, les hôtels et autres résidences hôtellières sont tenues d’installer des systèmes d’approvisionnement autonomes.

Dans les quartiers chics des grandes villes, les promoteurs immobiliers incluent les mêmes systèmes d’approvisionnement autonomes : bâches à eau, osmose inverse et systèmes de recyclages.

Néanmoins de profondes disparités subsistent dans les villes et les quartiers.

Au sein de la capitale, Tunis, dans le quartier de haut standing de la Goulette, quand l’eau est coupée la nuit, les propriétaires restent approvisionnés grâce à des réservoirs indépendants.

Au-delà des enjeux de justice sociale, le stress hydrique touchant les villes tunisiennes interroge sur les rapports entre l’administration et les citoyens, la SONEDE coupant l’eau sans informer.

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