Le tribunal correctionnel de La Rochelle a condamné, ce mardi, neuf agriculteurs et leurs sociétés à un total de plus d'un million d'euros d'amende. Entre octobre 2020 et mars 2023, ils ont puisé de l'eau pour irriguer leurs cultures dans des bassines du département...
Remplissages illégaux de Mégabassines : le juge pénal met fin à l’impunité et reconnaît un préjudice écologique d’ampleur
Malgré 15 ans de procédure administrative et les annulations à répétition des autorisations environnementales successives, des irrigants ont illégalement utilisé des mégabassines en Charente-Maritime. Ils ont été condamnés ce jour pour délits environnementaux par le Tribunal judiciaire de la Rochelle. Nature Environnement 17, partie civile, a fait entendre la voix de l’intérêt général et le partage juste et équilibrée de la ressource en eau.
5 Mégabassines illégales pourtant exploitées, encore et toujours
Il s’agit d’un des premiers dossiers de réserves de la région : la création de cinq mégabassines par l’Association syndicale autorisée d’irrigation (ASAI) des Roches sur les communes de La Laigne, Cramchaban et La-Grève-Sur-Le-Mignon sur le bassin du Mignon. Ce stockage de 1,5 million de m3 annuels était pensé pour 12 exploitants agricoles afin notamment d’irriguer du maïs.
Ce dossier a présenté dès l’origine de multiples problèmes environnementaux. Nature Environnement 17 l’a donc porté devant le juge administratif qui a annulé les différentes autorisations environnementales accordées par la Préfecture de Charente-Maritime : annulation de la première autorisation en 2009 puis annulation de la seconde en 2018.
Parmi les raisons de ces annulations : étude d’impact lacunaire sur les enjeux biodiversité, assèchement des cours d’eau, prélèvements dans la nappe sans surveillance et sans indicateur et surtout calculs frauduleux du dimensionnement de la taille des réserves. Ce projet aboutissait à prélever encore plus d’eau qu’auparavant sur un bassin déjà surexploité.
Or, en contradiction avec les décisions de justice, les bassines ont été remplies et utilisées pour irriguer en parfaite illégalité. Pour ces faits, l’ASAI des Roches a été condamnée une première fois par le juge administratif pour avoir illégalement exploité les réserves de 2010 à 2015. Pour autant, cela n’a pas freiné les irrigants, puisqu’à la suite de l’annulation de la seconde autorisation en 2018, les bassines ont, de nouveau, été utilisées illégalement.
Une plainte de NE17 au vu de la catastrophe sur la ressource en eau
NE17 a ainsi assisté chaque année aux ruptures d’écoulement hivernaux des cours d’eau et à la détérioration de la zone humide du Marais poitevin. Ses naturalistes y ont documenté le déclin progressif de la biodiversité. Pour remplir leurs portefeuilles, 9 irrigants ont vidé les nappes. Ceci a motivé une plainte de l’association en mars 2023.
Fait notable, les irrigants ont même rempli les bassines à ras bord au cours de l’hiver 2022-2023, en pleine sécheresse hivernale – la première en France – alors même que les remplissages de toutes les autres réserves légales du département étaient prohibés en cette période de crise.
Un jugement correctionnel qui fera date
Allant au-delà des réquisitions, le Tribunal correctionnel de La Rochelle a condamné ce jour 9 irrigants et 9 de leurs sociétés*.
Pour avoir utilisé les bassines aux mépris des décisions de justice, chaque irrigant a été condamné à une amende délictuelle de 20 000€. Chaque société a quant à elle été condamnée à une amende de 100 000€. Le préjudice moral de NE17 a été indemnisé à hauteur de 30 000€.
En outre, pour la première fois en matière de gestion de l’eau, les prévenus ont été condamnés à payer solidairement la somme de 400 000€ au titre de la réparation du préjudice écologique. Comme l’avait sollicité NE17 à l’audience, cette somme sera affectée à l’Agence de l’Eau Loire-Bretagne aux bénéfices d’actions en faveur de l’environnement et de la transition agricole. Ceci confirme que les agissements ont bien porté atteinte à l’environnement. Plus de 4 millions de m³ d’eau ont été illégalement prélevés soit l’équivalent de la consommation annuelle d’une ville comme La Rochelle.
Notre association espère qu’à la suite de ces condamnations, les décisions de justice seront enfin respectées et que l’eau et la biodiversité reviendront sur ce territoire abîmé.
* : Messieurs Thierry BOUCARD, Président de l’ASAI des Roches et ancien Président de la Coordination rurale 17, Denis FAVREAU, Didier FAVREAU, Franckie HERAUD, Laurent HERAUD, François MAROT, Sarel BONNET, Francis PINEAUD, Jean Luc THOMAS ainsi que l’EARL DES ECOLES, l’EARL DU MOULIN, l’EARL LA VENISE VERTE, l’EARL LE CHAMP MURE, l’EARL MAROT, le GAEC LE CHAY, la SCEA AR BO TERRE, la SCEA LA PICHARDIERE, la SCEA LES ACACIAS.
NATURE ENVIRONNEMENT 17