J’avais envie de vous raconter la grosse frayeur que je me suis faite l’autre jour. Au moment de passer le tunnel de la Croix de la Reille (1), là où depuis 2014 on n’a plus le droit de coller des affiches, sauf celles contre la PMA et pro « J’aime Papa », un personnage est sorti soudainement de l’ombre, le genre dandy draculesque qui ne sourit pas pour ne pas vous effrayer avec ses canines qui rayent le parquet. On se serait cru dans un train fantôme. Vous l’avez reconnu j’imagine. Sinon je vous donne un indice : il paraît qu’il veut être président. C’est ce qui avait marqué sur les affiches.

J’ose à peine prononcer son nom. Ou peut-être que je n’ai pas très envie de le prononcer. C’est-à-dire qu’on l’entend un peu beaucoup résonner en ce moment. À croire que les Français ont tous basculé pétainistes. En tout cas on entend beaucoup plus son nom évoqué dans certains médias que celui des candidats déclarés. Grâce à Cnews et le richissime Bolloré on peut par exemple écouter l’intégralité de l’intervention du polémiste venu à Béziers en grandes pompes samedi soir (ça ne dure pas très longtemps je vous rassure, il n’avait pas beaucoup de temps à consacrer à ses chers Biterrois). Il est revenu sur ses obsessions : l’école, l’université et la culture. Faut dire que vendredi est sortie opportunément la tribune de 50 enseignants soutenant Dracula et son projet d’école méritocratique dans le Figaro, signée notamment par un enseignant biterrois connu pour son engagement au RN. Lors de son discours un peu écrit à l’arrache il faut le dire pendant les 50 minutes d’attente des spectateurs, il a critiqué Blanquer, le ministre de l’Éducation, mais je n’ai pas bien compris pourquoi, car j’ai eu l’impression en fait d’entendre les mêmes. Bla bla bla marxiste bla bla bla islamogauchiste blabla décolonialisme bla bla bla LGBT bla bla bla écriture inclusive.

Je me suis demandé comment ses groupies biterrois ont compris des affirmations du type : il faut en finir « avec le catéchisme écologique et antiraciste » répandu par l’école. Si on inverse la proposition il faudrait donc entendre : l’école doit être le lieu d’un catéchisme raciste et anti écologique. Il y a donc vraiment des gens qui ont applaudi un gars qui prône une école raciste et anti écologique. Ces gens, je me dis qu’ils sont soit atteints d’une surdité précoce, ou en état d’hypnose, soit qu’ils n’ont pas appris à lire entre les lignes.

En tout cas ils ne doivent pas trop se balader le long de l’Orb (1) en ce moment au niveau étrangement bas et réaliser que bientôt le Languedoc ressemblera à l’Andalousie beaucoup plus vite qu’ils ne le croient, surtout si l’école ne fait pas prendre conscience aux jeunes générations des enjeux à venir. Qu’il va falloir remplacer la vigne et peut-être même migrer vers des terres moins arides. Aïe Aïe Aïe, migrer.

La seule chose qui m’a fait plaisir en entendant Dracula c’est d’apprendre que Macron appliquait une politique de gauche et que d’ailleurs depuis 50 ans tous les gouvernements à gauche ou à droite - blanc bonnet ou bonnet blanc - auraient appliqué une politique de gauche, trop à l’écoute des - comment a-t-il- dit « ressentiments des petits ». Et moi qui croyais que la gauche était mal en point et que depuis le tournant de 1983 on n’avait eu de cesse de développer une politique ultralibérale et sécuritaire à l’encontre des intérêts des petits.

Je ne sais pas si lors de cette tournée commerciale et idéologique, Dracula joue les rabatteurs pour Marine Le Pen et espère un portefeuille ministériel, ou si en bon identitaire il est en train de lui griller la politesse, de concert ou pas avec son ami Robert. Je ne sais pas si les ultra-conservateurs incarnés par Marion Maréchal Le Pen, la chouchoute de Jean-Marie, sont en train d’essayer de refaire le coup de Trump, ce beau produit médiatique, porté par des milliardaires, des activistes et communicants à la Steve Bannon. Ce que je sais c’est qu’il serait temps qu’on parle de choses sérieuses, celles qui concernent les petits et moins petits : l’inflation, la précarité notamment énergétique, l’accès aux soins, l’égalité des droits. Et ce n’est pas la préférence nationale ni le mépris contre les LGBT qui vont contraindre les puissants de ce monde à redistribuer les richesses et à préserver la planète.

Comme antidote au souffle draculien, je vous conseille plutôt de voir ou revoir Pride, ce film de 2014 de Matthew Warchus qui raconte l’histoire vraie de l’alliance improbable, dans l’Angleterre thatchérienne, constituée par un groupe d’activistes LGBT et un groupe de mineurs en grève. Petits de tous les pays, retrouvez votre fierté et unissez-vous.

(1) Respectivement entrée de Béziers et fleuve héraultais. 

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de cookies nous permettant par exemple de réaliser des statistiques de visites.