Le 10 décembre 1957, voilà exactement 68 ans , Albert Camus se voit remettre le Prix Nobel de littérature à Stockholm pour l’ensemble de son oeuvre, notamment deux romans : L’étranger et La peste, et un essai philosophique sur l’absurdité de la condition humaine : Le mythe de Sisyphe.
Né à Mondovi, petit village du Constantinois, le 7 Novembre 1913, nous fêtons cette année le 100ème anniversaire de sa naissance. C’est à Alger, dans le quartier populaire de Belcourt, qu’Albert Camus passe son enfance et son adolescence sous le double signe qu’il n’oubliera jamais, de la pauvreté matérielle et de l’éclat du soleil méditerranéen.
Le jeune Albert , tout naturellement, se destine, comme son frère aîné, à quitter l’école pour travailler et ramener un salaire à la maison.
Mais un miracle survient en la personne de son instituteur en classe de certificat d’études qui remarque les dispositions exceptionnelles de l’enfant et convainc sa mère et sa grand-mère de l’inscrire à un concours en vue d’obtenir une bourse et de poursuivre sa scolarité. Ainsi Albert Camus pourra-t-il entrer au lycée Bugeaud.

Le lycéen entre en khâgne puis en faculté de philosophie mais la tuberculose, qu’il a contractée en 1930, l’empêche de passer l’agrégation de philosophie en 1937. Il doit renoncer à devenir professeur. Qu’à cela ne tienne, sa rencontre à l’université avec le philosophe Jean Grenier l’a révélé à lui-même et décidé à entamer une carrière littéraire.
Camus milite activement au sein des mouvements qui luttent contre le fascisme, pour la paix et pour l’avènement d’une culture populaire. D’un bref passage au Parti Communiste, il gardera la défiance de l’endoctrinement et la conviction que la morale ne doit jamais céder à la stratégie politique. Son engagement se manifeste, plus durablement sous la forme d’activités théâtrales. De même, Camus qui revendique son statut d’intellectuel mais qui se veut également en prise directe avec le réel trouve dans le journalisme (dans les colonnes de l’Alger Républicain puis de Soir Républicain), un autre mode d’action et d’expression.
Quand arrive la guerre, en 1939, Albert Camus, réformé à cause de sa maladie, termine une pièce de théâtre, Caligula. Il n’a que 27 ans, pas de diplôme mais déjà une vision très précise de son avenir littéraire
Établi en 1940 en métropole il noue d’utiles relations dans les milieux littéraires avec Louis Aragon, mais aussi Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre. Entré en résistance en 1943, il participe à la direction du journal Combat et se fait connaître du grand public. La Peste, un roman allégorique sur l’oppression, consacre sa réputation d’écrivain en 1947.
L’étranger et Le mythe de Sisyphe, qui seront publiés pendant l’Occupation, en 1942, ainsi que Le malentendu en 1944 explorent les fondements, les manifestations et les conséquences de l’absurde de la condition humaine.
Cette absurdité consacre le divorce entre l’homme mortel et le monde éternel ! La vie vaut-elle ou non d’être vécue ? mais cette absurdité conduit à la révolte qui trouvera son point d’orgue dans cette déclaration fondatrice de l’Homme révolté publié en 1951 : « Je me révolte donc nous sommes ! »
C’est alors la rupture définitive d’avec les cénacles intellectuels provoquée par Jean-Paul Sartre. Camus pense qu’au nom d’une justice abstraite, la révolution supprime la liberté pour aboutir au nihilisme, à la terreur, à l’univers du procès.
Mouton noir de la gent intellectuelle, le fossé se creuse lorsque Camus se voit remettre le Prix Nobel de littérature le 10 décembre 1957, pour l’ensemble de son oeuvre. A noter que Sartre 7 ans plus tard refusera ce même prix !
On est alors en pleine guerre d’Algérie. Camus ne soutient pas l’indépendance de l’Algérie même s’il n’est pas partisan du statut-quo. À Stockholm, pressé de questions par les journalistes, l’écrivain déclare : «En ce moment, on lance des bombes dans les tramways d’Alger. Ma mère peut se trouver dans un de ces tramways. Si c’est cela la justice, je préfère ma mère». Ce cri du coeur lui sera beaucoup reproché et sera repris par ses adversaires du quartier de Saint-Germain-des-Prés en une formule brutale : «S’il faut choisir entre la justice et ma mère, je choisis ma mère» (il eut été plus juste de préciser : «cette justice-là» c’est à dire la violence).

Il affirme alors : mon œuvre est devant moi …..et annonce préparer un roman qui devait revenir à ses sources, la pauvreté et la lumière….
Le 4 janvier 1960, le monde des lettres apprenait, consterné, la mort brutale de l’écrivain à 46 ans dans un accident de la route. Il laisse orphelins tous les esprits libres qui attendaient de Camus qu’il dresse des contre-feux à la pensée «progressiste» de l’époque. On récupèrera dans la voiture de sport une sacoche contenant les premières épreuves d’un roman autobiographique ambitieux, Le Premier Homme.
Mort prématurée, mort absurde d’un homme de coeur qui avait théorisé l’absurdité de la condition humaine et combattait aussi l’absurdité d’un conflit cruel qui ravageait sa terre natale, l’Algérie…
La pensée et l’oeuvre de Camus s’illustrent dans le refus de tout dogmatisme, de tout système qui emprisonne ou mutile l’être humain dont la misère et la grandeur alimentent ses doutes et ses certitudes. Mais aussi exigence morale, passion et lucidité et fidèle à une certaine éthique. Il passa son temps à se défendre contre des attaques venues de toute part (Michel Onfray précise) (: chrétiens qui le trouvent athée, athées qui l’estiment trop chrétien, gens de gauche qui l’imaginent à droite, gens de droite qui le savent de gauche, ratés qui n’en peuvent plus de sa réussite, plumitifs minables qui carburent au ressentiment, habituels médiocres lanceurs de polémiques dont l’écho dû à la renommée de celui qu’ils attaquent leur laisse croire qu’ils sont quelque chose. Camus a accumulé contre lui, à la manière d’un fétiche vaudou, toute la médiocrité de l’époque, mais peut-être aussi toute la médiocrité de la nature humaine…()
Aujourd’hui, il aurait 112 ans et et le film lL’Étranger réalisé par François Ozon d »après son roman est sortie le 29 octobre 2025 dernier

Traduit dans le monde entier, Camus continue par la richesse de sa réflexion à être présent dans la sensibilité et la conscience contemporaine.
De son côté, Jean Paul Sartre dont on a fêté le 120 anniversaire de la naissance en 2005 connaît aujourd’hui le purgatoire dans la débâcle idéologique qui a suivi la chute du mur de Berlin.
Mais c’est une autre histoire !

























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