Une autre histoire –   31 juillet 1914 : Assassinat de Jean Jaurès

par | 27 juillet 2025 | Histoire

Le 31 juillet 1914, voilà exactement 109 ans, Jean Jaurès est tué d’un coup de revolver dans le café du Croissant, à Paris. L’assassin du leader socialiste est un déséquilibré de 29 ans, du nom de Raoul Villain, qui lui reproche d’être opposé à la mobilisation générale et à la guerre imminente contre l’Allemagne.

On est à la veille de la Première Guerre mondiale. Jaurès, fondateur et directeur de « L’Humanité », est farouchement opposé à ce conflit qui se prépare. Il déclare « la guerre à la guerre » et est considéré comme un traître par les « revanchards », nationalistes et monarchistes.

Il reçoit des menaces de mort. Une semaine auparavant, Léon Daudet écrit dans « L’Action Française » : « En aucun cas nous ne souhaitons inviter quiconque à commettre un assassinat ; toutefois, que Jean Jaurès agisse avec prudence. »Jaurès n’a pas spécialement ses habitudes dans ce restaurant situé à deux pas de son journal, l’Humanité, dans lequel il dîne avec des amis le soir de son assassinat.

Pourtant, c’est ici que le journaliste et homme politique prendra son dernier repas. Il s’installe dos à la rue, derrière le rideau qui protège la fenêtre. A 21 h 40, un journaliste s’approche pour lui montrer une photo. Jaurès se penche pour regarder. A ce moment, Raoul Villain, caché derrière un rideau au fond de la salle, tire et l’abat d’une balle dans la tête. « Ils ont tué Jaurès ! » crie une femme.Son meurtre met un terme aux efforts désespérés qu’il avait entrepris depuis l’attentat de Sarajevo au mois de juin et surtout depuis la rupture des relations diplomatiques entre l’Autriche et la Serbie pour empêcher la déflagration militaire en Europe.

Les Etats européens se trouvent progressivement entraînés par le jeu des alliances dans une nouvelle crise internationale. Jaurès sent monter cette tension, prend conscience de la gravité des menaces  et tentera jusqu’au bout de s’y opposer jusqu’à sa mort même si le pessimisme le gagne.A 52 ans, Jean Jaurès est la principale personnalité du mouvement socialiste français. Il est entré en politique en 1885 comme député républicain, admirateur de Gambetta et soutien du gouvernement de Jules Ferry.

Très attaché à la défense de la patrie, il est cependant convaincu que les guerres sont provoquées par le choc des intérêts capitalistes et qu’il est du devoir de la classe ouvrière de s’y opposer y compris en utilisant l’arme de la grève générale.A l’appel « Plutôt l’insurrection que la guerre ! » il rajoute « oui mais simultanément et internationalement organisée ».

Le journal « Le Temps » l’accuse de soutenir la thèse abominable qui conduirait à désarmer la nation, au moment où elle est en péril.Depuis de longs mois, voire des années, la presse nationaliste et les représentants des Ligues « patriotes » (comme Léon Daudet ou Charles Maurras) s’étaient déchaînés contre les déclarations pacifistes de Jaurès, mais aussi son internationalisme, et le désignaient comme l’homme à abattre, en raison également de son engagement passé en faveur d’Alfred Dreyfus.Maurice de Waleffre écrit dans L’Écho de Paris du 17 juillet 1914 : « Dites-moi, à la veille d’une guerre, le général qui commanderait […] de coller au mur le citoyen Jaurès et de lui mettre à bout portant le plomb qui lui manque dans la cervelle, pensez-vous que ce général n’aurait pas fait son plus élémentaire devoir ? »

Les déclarations de ce type abondent dans les semaines précédents sa mort. Mais les outrances écrites ne font que dissimuler une montée progressive du nationalisme dans l’opinion, ce que Jaurès et les socialistes semblent n’avoir pas voulu reconnaître.

Conscient des menaces qui pesaient sur lui à la veille du premier conflit mondial, ce grand humaniste visionnaire a pourtant défendu jusqu’au bout ses convictions. Profondément pacifiste,  son désir de réconciliation entre les peuples est perçu par ses ennemis comme une trahison. Les appels au meurtre furent lancés et entendus. Il est donc assassiné ce 31 juillet 1914 (trois jours avant le début des hostilités), par Raoul Villain un nationaliste, adhérent de la Ligue des jeunes amis de l’Alsace-Lorraine, groupement d’étudiants nationalistes, partisans de la guerre et proche de l’Action française. Quand il est arrêté, il déclare avoir agi en solitaire pour « supprimer un ennemi de son pays »  à la veille de la guerre. Il sera jugé déséquilibré après-guerre et acquitté. Il s’exilera aux Baléares en Espagne où il mourra pendant la guerre civile, tué par des républicains qui l’accusent d’être un espion travaillant pour Franco.

La guerre a finalement éclaté et la gauche française s’y est rallié en soutenant l’Union sacrée. Deux déceptions posthumes pour Jaurès! Les obsèques officielles organisées le 4 aout 1914, premier jour de la guerre, ont été sobres. Dix ans après sa mort, les cendres de Jean Jaurès furent transférées au Panthéon, rejoignant ainsi les grands hommes de la patrie.  La première guerre mondiale s’est transformé en plus grande boucherie du 20ème siècle ! Elle n’aura résolu aucun des problèmes posés et a surtout préparé la suivante !

… mais c’est une autre histoire !

Écouter l’article

Partager sur

En Bref

< Retour à l'accueil

L'agenda Culturel

L'agenda Militant

Lettre d'informations En Vie à Béziers

Pour recevoir notre lettre hebdomadaire

[sibwp_form id=1]

La Revue de presse

Dessins et photos d'actualités

Le mot du maire de Béziers

En vie à Béziers Adhésion et/ou dons !

Le coin des lecteurs

COLLOQUE ASSOCIATION HENRI GUILLEMIN 8 novembre 2025

Voici un colloque avec des participations qui vont être passionnantes ! « Gens de biens / Gens de rien » – Silence aux pauvres Réalités contemporaines du capitalisme ultra libéral 8 novembre 2025ECOLE NORMALE SUPÉRIEURE – salle Dussane45, rue d’Ulm 75005 Paris Le...

LA MÉMOIRE DE THOMAS SANKARA

Le 15 octobre 1987 était assassiné le capitaine Thomas Sankara, élu président du Burkina Fasso quatre ans plus tôt. Un militaire, comme Chavez, lui aussi portant des idées plutôt de "gauche" disons, collectivistes, ce qui est cohérent si on y pense vraiment. Comme...

GUERRE ET PAIX

Pause dans le génocide, libération des otages. Les tyrans pérorent. Les discours de Trump et Netanyahou à la Knesset furent une tragédie qui aurait été comique (façon Brecht et Ionesco) s’il s’agissait d’une pièce et qu’elle n’impliquait pas autant de victimes....

Collectif de lutte contre l’extrême droite, Sète/Bassin de Thau

Préparation du colloque du 6 décembre Tous les intervenants sont d’accord pour venir : Nadia Belaoui de l’ODED (Observatoire départemental contre l’extrême droite), Régis Catinaud (vote sur Sète). Christèle Lagier sur une analyse des votes du RN et des raisons de...

Au bout du fil de la presse libre

Défendons la presse libre

 A lire

L’association a bénéficié en 2018 et 2019 du fonds de soutien aux médias d’information sociale de proximité / Ministère de la culture

Nombre de visites

Nombre de visites

1037064
Total Users : 1037064

mardi 28 octobre 2025, 23:21

Robert Martin