La répression policière à Sainte Soline n’est pas un cas à part. Il y a eu des précédents qui ont tous montré que le capitalisme était prêt à tuer pour défendre des projets inutiles. Revenir sur ces luttes passées pour comprendre le présent, c’est ce que je vous propose dans cette nouvelle série.

En mars 1974, le Premier ministre, Pierre Messmer présente le projet dit « Superphénix ». La décision de construire cette centrale nucléaire n’a fait l’objet d’aucun débat à l’Assemblée nationale.

En avril 1976, le gouvernement Jacques Chirac décide de construire le surgénérateur Superphénix sur le site de Malville, dans la commune de Creys-et-Pusignieu en Isère.

Lors du démarrage du chantier, en juillet 1976, les premières manifestations réunissent entre 15 000 et 20 000 personnes. Une centaine de « Comités Malville » sont créés partout en France sur le principe de la non-violence. La lutte déborde sur les pays voisins, Suisse et Allemagne.

Début 1977 une marche est projetée pour l’été. Le 14 juillet 1977, 150 000 personnes manifestent contre le projet de centrale nucléaire de Lemoniz à Bilbao dans le Pays basque espagnol.

Le 28 juillet 1977, le préfet de l’Isère, René Jannin (ex-préfet de police à Alger pendant la guerre d’Algérie) déclare dans une conférence de presse : « Pour la deuxième fois dans l’histoire de France, la mairie de Morestel est occupée par les boches ». Il fait allusion aux antinucléaires allemands. Dans la même conférence de presse, il rajoute : « S’il le faut, je ferai ouvrir le feu sur les contestataires ».

Le 30 juillet 1977, 5 000 CRS, gendarmes, gardes mobiles, parachutistes, brigade anti-émeute sont déployés sur et autour du chantier. Les uniformes sont noirs et ne portent aucun insigne permettant d’identifier les policiers en cas de « bavures ».

Le 31 juillet 1977, entre 40 000 et 90 000 manifestants marchent contre Superphénix.

Il est interdit d’approcher du site de la centrale nucléaire. La circulation est interdite 5 km autour du chantier.

Le matin du 31 juillet 1977, trois cortèges convergent sous la pluie vers la zone interdite.

Des milliers de manifestants sont dans les champs, d’autres bloqués sur les routes. Dans le ciel un hélicoptère tourne sans arrêt. Quelques dizaines de manifestants attaquent le site. Ils sont suivis à distance par des milliers d’autres. La quasi-totalité d’entre eux a les mains nues.

La police arrose littéralement les manifestants de grenades offensives.

Le préfet de l’Isère annonce qu’un Allemand est mort d’une crise cardiaque. Le rapport d’autopsie va dire que Vital Michalon (31 ans, originaire de Die) est mort à cause de l’effet de souffle de la grenade offensive qui a explosé sur ses poumons. La grenade avait été tirée à tir tendu, Vital était visé.

Du côté des forces de l’ordre on recense 5 blessés, dont deux grièvement. L’un d’entre eux a eu la main arrachée par l’explosion d’une grenade offensive qu’il venait de dégoupiller, mais qu’il avait tardé à lancer.

Du côté des manifestants on recense une centaine de blessés, dont deux mutilés.

L’exploitation de la centrale nucléaire de Creys-Malville n’a jamais été efficiente, la technologie utilisée (surgénérateur) n’étant pas réellement opérationnelle. La centrale a été fermée en 1998. Elle est en cours de démantèlement (cela devrait être terminé en cette année 2023).

Le projet inutile de Creys-Malville aura coûté plus de 10 milliards. Exactement l’argent qui manquerait pour les retraites.

Le projet inutile de Creys-Malville aura coûté une vie et des traumatismes autant physiques que psychologiques.

Nous avions raison de nous mobiliser contre « Superphénix », nous avons raison de nous mobiliser contre les « Mégabassines » et contre tous les projets inutiles.

Chaque semaine sur EVAB je vous propose de retrouver la saga de l’abandon des grands projets inutiles. Le prochain épisode sur la centrale nucléaire de Plogoff sera mis en ligne le 22 mai 2023.

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