Merde, voilà enfin, le voilà enfin, le mot juste…
Beckett
Depuis le temps que ça dure, on a l’impression que les irresponsables politiques se foutent de nous et de tout. Depuis le temps qu’on proteste, pétitionne, et manifeste sans résultat, on se demande ce qu’on espère encore. Depuis le temps que ça génocide, il arrive même qu’on se dise, au plus profond de nous, secrètement, qu’une guerre est une guerre, qu’il y en a toujours eu, que c’est le cours des choses et qu’après tout on pourrait bien faire comme nos irresponsables qui n’en ont rien à foutre, qu’entre la brosse à dent et la tondeuse à gazon, on pourrait continuer à regarder le spectacle, qu’il en vaut bien un autre, que les cadavres ont de l’allure, qu’ils ne mentent pas, qu’ils disent ce qu’ils sont et rien d’autre.
Nos irresponsables politiques, cet aréopage chargé d’enrichir les plus riches, les valets du capital comme nous disions autrefois, continuent à creuser les fosses communes et à préparer celle des générations futures. Le problème n’est pas tant pour nous – nous avons ce qu’il faut, l’eau coule au robinet, le pétrole alimente nos voitures et le gaz arrive dans nos chaudières – mais pour ceux qui viennent après nous, et qui devront se taper les fascistes qu’on ne parvient plus à nommer ni même à dénombrer tant ils pullulent.
Faudra bien un jour payer l’addition, faudra bien rendre des comptes, dire pourquoi-comment on a fait et laisser faire, pourquoi-comment on a laissé nos irresponsables gérer nos vies et celle des autres. Faudra bien en parler, se demander collectivement pourquoi-comment on les a laissés mentir en notre nom et faire de nous les complices de telles ignominies. Nos enfants et petits-enfants ouvriront de grands yeux devant de telles saloperies, lâchetés, renoncements, devant une telle laideur, une telle veulerie – on hésite dans le choix des mots lequel convient le mieux pour décrire ce que nous sommes devenus quand nous nous entrevoyons dans ce que nous avons détesté le plus, la compromission, la lâcheté, le collaborationnisme, la crapulerie.
La question qui se pose au fond est la suivante : comment se peut-il que nos irresponsables ne voient pas ce que nous voyons ?
De deux choses l’une : ou bien c’est nous qui sommes abusés ou bien c’est eux. Après mure réflexion, il semble bien que nos irresponsables soient les abuseurs : peut-être s’abusent-ils eux-mêmes et sont-ils abusés-abuseurs ? Mais, sans l’ombre d’un doute, ils abusent. Car ils abusent, ils nous abusent, ils nous usent jusqu’au bout, on en voit pas le bout. On serait tenté de dire comme Cicéron : Jusqu’à quand abuserez-vous de notre patience ? Combien de temps votre folie nous défiera-t-elle ?
Ils auront, nos irresponsables, accordé, en notre nom, un soutien inconditionnel à des racistes déclarés. Ils auront, nos irresponsables, calomnié, accusé, tenté d’écraser toute contestation de cette ignominie. Ils auront, nos irresponsables, refusé jusqu’au bout toute reconnaissance d’un préjudice incalculable et toute solution juste. Ils auront nié l’existence d’une situation d’oppression, d’apartheid, de génocide. Ils auront contribué activement, politiquement, militairement au meurtre de centaines de milliers d’innocents au Moyen-Orient. Ils auront invoqué l’axe du mal pour perpétrer des massacres de masse, pour que prospèrent des nababs couverts de pétrodollars, pour que nos banques et nos multinationales dominent le monde et nous garantissent nos jacuzzis, nos vacances aux soleil, nos spritz et nos 4×4. Ils auront réussi à faire de nous des bourreaux ordinaires, anonymes, des nazillons normalisés, sûrs de leur bon droit et de leurs valeurs, spectateurs de massacres d’animaux humains qui méritent leur châtiment.
Les abuseurs ont du talent, c’est incontestable, un réel talent pour pousser le bouchon, faut voir comme et jusqu’où. Faut voir Manu Premier découvrir l’eau chaude et dire que pour être cohérent il faudrait arrêter de livrer des armes. Faut voir Jo Premier gaver d’armes Bibi Premier et dire que c’est un putain de menteur. Et Bibi Premier, soutenu par Arfi Premier, dire que la résolution de l’ONU en novembre 47 c’est du pipo et que Manu Premier est un gros caca. Et l’inénarrable BHL dire que Villepin est antisémite, que Mélenchon est antisémite, que les wokistes sont antisémites, qu’il est entouré d’antisémites, qu’ils sont partout ces gauchislamistes qui osent critiquer les assassins, les racistes et autres néo-nazis.
Nos irresponsables-abuseurs sont des souteneurs, il soutiennent quoi qu’il arrive, ils soutiennent inconditionnellement, ils tiennent en-dessous, ils tiennent les fils, ils les tirent, ils agitent les marionnettes pour amuser les abusés. Ils soutiennent des racistes déclarés, des suprémacistes déclarés, des fascistes déclarés, des génocidaires déclarés, des hors-la-loi déclarés. Tout cela en notre nom. Les souteneurs, qu’on le veuille ou non, qu’on le reconnaisse ou non, ont un talent certain pour nous rendre complices du crime.
Retour à la case départ : faudra bien payer l’addition. Et elle sera salée la douloureuse. Elle l’est déjà, on peut déjà faire quelques comptes, mais, patience, l’essentiel nous attend. Ce qu’il se passe en ce moment, c’est pas de la rigolade, ça pèse son poids d’obus, de bombes, de mitrailles et de missiles, de destructions, de décombres, de gravats, de morts et de morts et de morts et de blessés-handicapés-traumatisés-bousillés, toutes ces vies bousillées, ça pèse et pèsera, lourd, très lourd.
Nos irresponsables-abuseurs-souteneurs sont trafiquants, ils trafiquent tous azimuts, ils trafiquent les marchandises, ils trafiquent les hommes, ils font commerce de la mobilisation générale, ils trafiquent le pognon, ils trafiquent les mots, un mot pour un autre, ça ne les gêne pas, ils disent terroriste pour résistant, ils disent antisémite pour antifasciste, ils disent existentiel pour colonialisme, légal pour terrorisme, sécurité pour vol, défense pour agression, légitime défense pour assassinat, ils disent chez toi c’est chez moi et chez moi tu restes dehors. Les irresponsables-abuseurs-souteneurs-trafiquants sont des faussaires, forts, très forts, très soudés, solidaires, tous ensemble, tous ensemble, tous ensemble.
Nos irresponsables-abuseurs-souteneurs-trafiquants-faussaires ne forment qu’un seul corps à plusieurs têtes, Hydre de Lerne contemporain. Ne reste plus qu’à dénicher un quelconque Hercule pour nous en débarrasser. Ou alors, il faudra s’y mettre tous, tous ensemble, tous ensemble, tous ensemble.
Hervé Loichemol
12-10-2024

























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