C’est pourquoi, en présence de ceux que l’État français opprime,
je ne peux pas ne pas rougir.
Simone Weil
Pourquoi sommes-nous là ?
Parce que nous savons que la guerre n’a pas commencé le 7 octobre, mais il y a plusieurs dizaines d’années.
Nous savons qu’il s’agit d’une entreprise coloniale, caractérisée par un système d’apartheid et ponctuée de déportations et de massacres.
Nous savons que le Hamas détient une centaine d’otages et qu’Israël en détient 100 fois plus depuis 100 fois plus longtemps.
Nous savons que les fascistes de tous bords, évangélistes, islamistes et juifs, se sont accordés pour rendre impossible la création de deux états.
Nous savons que les racistes déclarés et assumés comme Ben Gvir, Smotrich, Ayelet Sahked et tant d’autres comme Nétanyahou, ont encouragé l’assassinat de Rabin et soutenu le Hamas contre l’Autorité Palestinienne.
Nous savons qu’ilsn’ont qu’un objectif, et ne s’en cachent pas, celui d’éliminer les Palestiniens et d’établir un Grand Israël du fleuve à la mer.
Nous savons que les États-Unis, l’Allemagne, l’Angleterre et la France sont complices de crimes de guerre, de crimes contre l’Humanité et sans doute d’un génocide.
Nous savons que les dirigeants de ces pays devront un jour rendre compte de ces exactions devant la justice internationale.
Nous savons que l’antisémitisme est un poison contre lequel nous devons tous lutter, mais que nos dirigeants usent et abusent de ce mot pour disqualifier les opposants à la politique coloniale d’Israël.
Nous savons que nos dirigeants piétinent les principes sur lesquels nous sommes censés vivre, etque cette politique favorise le développement du fascisme partout dans le monde.
Nous savons tout cela, nous le disons depuis très longtemps et nous avons souvent l’impression que cela ne change rien, ne sert à rien.
Pourquoi alors sommes-nous là ?
C’est d’abord une question de justice qui nous réunit, justice pour les Palestiniens qui attendent autre chose que des bombes occidentales accompagnées de mots de consolation et de largage de sacs de farine. Qui demandent que les préjudices subis depuis 80 ans soient simplement reconnus et réparés. Qui ont besoin de nos protestations pour ne pas complètement désespérer de l’Humanité.
Lutter pour la justice en Palestine, c’est lutter pour la justice ici, lutter contre toutes les formes de discrimination et d’exploitation ici. C’est défendre les principes selon lesquels nous prétendons vivre, principes d’hospitalité, d’égalité et de justice sociale. C’estrétablir un peu de vérité et de dignité dans la politique.
Pourquoi sommes-nous là ? Parce que les politiques conduites par celles et ceux que nous avons élus nous rendentresponsables des faits et gestes qu’ils et elles mettent en œuvre en notre nom.Nous sommes là parce que nous refusons de laisser nos responsables politiques soutenirune guerre coloniale en notre nom.Parce que que la politique menée en notre nom doit répondre aux exigences minimum de probité, de cohérence et de justice, autant de principes qui fondent notre rapport à nos représentants politiques. Carils et elles nous représentent. Et nous leur disons que leur représentation est mauvaise, qu’elle ne nous convient pas, que l’image qu’ils nous renvoient est sale, répugnante et que nous la refusons.
Nous ne sommes pas minoritaires. La majorité des pays à travers le monde, et l’immense majorité des habitants de la planète voient, chaque jour, que les dirigeants occidentaux vivent dans un monde parallèle, travestissent la réalité et nous assènent des vérités alternatives. C’est au nom de la majorité que nous crions notre révolte et que nous sauvons l’honneur des pays dans lesquels nous vivons.
Il y a des mots qu’on n’ose plus utiliser, qui semblent un peu ridicules, d’un autre temps, trop vieux, trop grands. Et pourtant, sauver l’honneur d’un pays n’est pas dérisoire. L’honneur n’est pas un mot archaïque qu’il faudrait oublier. C’est la colonne vertébrale d’un citoyen, comme celle d’un pays. C’est une revendication de cohérence et de probité. C’est refuser de se soumettre à tous ceux qui prétendent que l’hospitalité, la solidarité, l’égalité, la liberté, la générosité sont des rêveries qu’ils peuvent piétiner.
Un pays ne peut vivre durablement en contradiction avec les principes qu’il prétend défendre, c’est-à-dire dans le déshonneur.
Les citoyens ne peuvent pas vivre durablement dans une image tordue, inversée d’eux-mêmes, c’est-à-dire dans le déshonneur.
Une démocratie ne peut vivre durablement en soutenant les pires dictatures, les régimes fascistes, les répressions les plus scandaleuses sans être contaminée, pourrie de l’intérieur. C’est-à-dire dans le déshonneur.
Les étudiants qui se révoltent partout dans le monde ne sont pas minoritaires.En défendant les Palestiniens, ils réveillent la meilleure part de nous-mêmes, ils nous libèrent de nos peurs, ils nous défendent et construisent un avenir commun possible.Nous éprouvons de la reconnaissance pour eux et sommes fiers d’être à leur côté. Comme eux, avec eux, nous sommes là pourdéfendre la liberté, l’égalité et la justice pour les Palestiniens et pour tous les opprimés.
Hervé Loichemol – Intervention à la manifestation du 18 mai 2024
Note de la rédaction :
Le hasard des échanges de mail, a fait que nous avons lu un des textes d’Hervé Loichemol sur Gaza.
Fondateur de la compagnie de théâtre FOR qu’il dirige, Hervé Loichemol a été directeur de la Comédie de Genève de 2011 à 2018. Puis, il reprend son métier de metteur en scène et poursuit son engagement avec le spectacle » Le métro pour Gaza » pour le Théâtre de la Liberté de Jénine en Palestine. Metteur en scène et co-dramaturge de la pièce Un métro pour Gaza – inspirée d’une installation de l’artiste plasticien Mohamed AbuSalet éditée en livre chez l’Espace d’un instant, en 2025 – cette création a été jouée en 2022 en Palestine, et en 2024 en Jordanie, en Irak, en Tunisie, en Suisse, en France et en Bosnie-Herzégovine.
Les textes des auteur-es invité-es par la rédaction d’EVAB ne sont pas amendés et n’engagent qu’eux-mêmes.