Une équipe d’amoureux de la forêt du Haut Languedoc, inquiète des projets industriels qui la menacent, a lancé une revue pour parler de cette richesse en danger. Baptisée Frondaison, avec le sous-titre « Il n’y a pas de fronde sans raison », elle se veut ouverte à tous ceux qui voudront apporter leurs textes qu’ils soient techniques, politiques ou poétiques.
Avec leur accord nous publierons, au fil des semaines, certains d’entre eux.
Le témoignage d’Helga, habitante du hameau de Reclot – Tarn
Et voilà notre Montagne, notre si belle Montagne Noire, immuable repère verdoyant peuplé de forêts inspirantes, de petits morceaux de paradis, de points de vue magnifiques et de coins à champignons qu’on nous jalouse par delà les autoroutes, aujourd’hui gardée de près et à vue par un nouvel arrivant qui peu à peu s’enracine à son pied.
La scierie Ex Engelvin Ex Neofor située au 400 route de la scierie, sur la commune de Labruguière intègre le Groupe SIAT en 2020. Avec un investissement de 10 000 000 € l’entreprise prévoit dès son arrivée la modernisation de la scierie existante, et la création d’un bâtiment de 1600m2 dédié à la fabrication de liteaux.
L’avancement des travaux et la perspective de voir leur qualité de vie réduite en copeaux soulève très vite l’inquiétude des riverains qui s’organisent en association. L’ombre menaçante de l’éventuel rachat par le Groupe SIAT de l’intégralité de la zone UX jouxtant la scierie ne fait qu’accroître les craintes des habitants du hameau du Reclot et des alentours, déjà impactés à l’époque par la reprise des activités sur le site et qui ne voient pas forcément d’un très bon œil l’installation d’une scierie industrielle aux ambitions nationales sinon européennes sous leurs fenêtres.
93 tonnes de produits biocides sont aujourd’hui stockées sur cette extension inaugurée en 2023, et 300m2 de bois de résineux y sont usinés quotidiennement. “ On ne leur fera pas de procès d’intentions, et on fera confiance aux autorités publiques pour revoir leurs barèmes de contrôles si besoin, mais si on considère le projet SIAT TARN comme un calque du Site SIAT d’URMATT en Alsace et sa rivière Bruche polluée aux produits biocides, on sera forcément amenés à s’inquiéter pour nos cours d’eau à nous.
On est déjà déçus par la vue, gênés par le bruit et le trafic routier, inquiets pour les forêts alentours et notre filière bois locale, si en plus on nous pollue notre eau, alors il nous restera quoi ?” Nous confie un habitant du Reclot.
Entretien avec le collectif de veille sur les projets du groupe Siat à St Agnan
Vous êtes contre les projets de modernisation de la scierie de St Agnan (Le Bez) ?
On nous a refusé un droit de réponse lorsque nous avions été qualifiés d’opposants à ces projets dans les colonnes du quotidien régional. Redisons-le ici : nous sommes favorables à la modernisation des unités industrielles de Siat dans le Tarn, sous réserve…
Le moins qu’on puisse dire, en effet, c’est que vous êtes très réservés !
Nous alertons les élus, les autorités, les habitants, sur un certain nombre de risques. N’oubliez pas qu’il y a eu 3 échecs industriels en 25 ans sur le site de St Agnan.
Oui, mais cette fois il s’agit d’une entreprise solide et renommée !
La puissance financière et la compétence technique ne suffisent pas à rendre un projet « vertueux ». Nous avons apporté suffisamment de preuves officielles montrant que cette entreprise n’est pas toujours réglo sur la sécurité, la pollution des eaux… A peine arrivée ici, elle « oublie » de se mettre en règle*.
Ce projet permettra une meilleure valorisation des forêts d’Occitanie.
Sur la capacité de la forêt occitane à répondre aux besoins ambitieux de ces projets, nous avons quelques doutes sérieux que les autorités responsables n’ont pas démentis à ce jour :
« Toutes les estimations basées sur les données 2019 sont sujettes à caution »**, précisément celles qu’utilise l’industriel !
Mais la création d’emploi, tout de même !
Si la ressource forestière ne peut pas répondre, comment garantir une activité durable et que deviendront les emplois ? Les ambitions de cette entreprise risquent de mettre en danger tout un secteur d’activité.***
Mais alors que proposez-vous ?
Nous demandons que ces projets soient ajustés aux réalités sociales, économiques et environnementales. Un projet industriel alternatif mieux dimensionné, adapté à son environnement et plus durable, est possible. Nous en parlerons prochainement avec les autorités.
* Arrêté préfectoral de mise en demeure du 14 octobre 2024 (augmentation non déclarée du stock de bois et de produits toxiques pour les milieux aquatiques.
** Direction régionale de l’alimentation, l’agriculture et de la forêt (DRAAF Occitanie) rencontrée le 15 mai 2024
*** On est passé de plus de 5.200 scieries en 1980 à 1.500 aujourd’hui en raison de la mondialisation et de la concentration industrielle : les 5 % des grosses scieries totalisent 54% de la production française.
Contact : frondaison81@proton.me