Bien avant les exactions du 7 octobre provoquées par le Hamas, le sionisme a planifié dans le temps le nettoyage ethnique de la Palestine. L’histoire de cette planification est racontée dans cette nouvelle série hebdomadaire.
À la fin des années 1930, les dirigeants sionistes envisagent une conquête de la Palestine par la force.
Avec l’aide d’officiers britanniques sympathisants et de vastes ressources financières, ils mettent en place la principale organisation paramilitaire de la communauté juive de Palestine : la Haganah.
Son nom en hébreu signifie littéralement « Défense ».
La Haganah devient vite le bras armé de l’Agence juive, l’organisation dirigeante du sionisme en Palestine.
Elle élabore puis met en œuvre des plans pour la conquête militaire de l’ensemble de la Palestine et le nettoyage ethnique de sa population indigène.
La révolte arabe de 1936 (voir épisode précédent) donne aux membres de la Haganah l’occasion de mettre en pratique les tactiques militaires enseignées par les militaires britanniques. Celles-ci consistent à mettre en œuvre des opérations de représailles dans les campagnes palestiniennes.
L’objectif central était alors d’intimider les villages palestiniens proches des implantations juives.
Les troupes de la Haganah étaient même intégrées comme forces auxiliaires par l’armée britannique pendant la révolte arabe de 1936 et pendant la Seconde Guerre mondiale.
L’autre activité de la Haganah consistait à infiltrer les quelque 1200 villages palestiniens que compte alors la Palestine.
Un jeune historien de l’université hébraïque (Ben-Zion Luria) fit remarquer qu’il serait utile d’avoir un registre détaillé de tous les villages arabes. Il proposa que la réalisation de cet inventaire soit confiée au Fonds national juif (FNJ).
Fondé en 1901, le FNJ était l’outil principal pour coloniser la Palestine. C’est lui qui achetait les terres palestiniennes et y implantait des immigrants juifs.
À chaque rachat de terre, le FNJ demandait l’éviction des métayers palestiniens.
Parallèlement, la constitution des « dossiers de village » devint une priorité nationale de la colonisation sioniste à la fin des années 1930.
Les dossiers étaient complets, ils contenaient des détails très précis sur la situation topographique des villages, ses voies d’accès, la qualité de ses terres, ses ressources en eau, ses principales sources de revenus, sa composition sociopolitique, ses affiliations religieuses, les noms de ses mukhtars, ses relations avec les autres villages, l’âge de de ses habitants de sexe masculin.
Une partie importante de ces dossiers était consacrée au degré « d’hostilité » à l’égard du projet sioniste. Il y avait ainsi une liste de tous les Palestiniens qui s’étaient engagés dans la révolte de 1936.
Ceux qui étaient accusés d’avoir tué des Juifs faisaient l’objet d’un fichage particulier. Eux, leurs familles et leurs villages furent victimes des pires atrocités lors de la révolte de 1948 (nous y reviendrons ultérieurement).
Les dossiers d’après 1943 comprennent de nombreuses indications détaillées : les équipements liés à l’élevage, les terres cultivées, le nombre d’arbres et la qualité de chaque verger, la surface moyenne de terre par famille, le nombre de voitures, de commerces, de travailleurs, d’artisans.
Vers la fin des années 1940 sont rajoutées des indications très précises sur chaque clan et ses affiliations politiques, sur la stratification sociale entre notables et simples paysans, sur les noms des fonctionnaires dans l’administration.
Vers la fin du mandat britannique, le FNJ s’oriente vers les renseignements militaires, le nombre de gardes, la quantité et la qualité des armes dont disposent les villageois.
La mise à jour finale des dossiers de village a lieu en 1947. Elle consiste à établir la liste de personnes à « rechercher ».
En 1948, lors de la seconde révolte, ces dossiers seront utilisés dans les opérations de recherche et d’arrestation. Les hommes qui figuraient sur ces listes étaient alors identifiés et exécutés.
Un homme devient le véritable architecte de l’État sioniste : c’est Ben Gourion
Cette série sur le nettoyage ethnique de la Palestine est réalisée à partir d’extraits de lecture du livre d’Ilan Papé « le nettoyage ethnique de la Palestine », édité aux éditions « la fabrique », 370 pages, 20 euros. Je vous en recommande vivement l’achat et la lecture. Le quatrième épisode de cette série, la semaine prochaine portera sur l’architecte de l’État sioniste, Ben Gourion.
P.S : ce qui est écrit dans ce livre est issu d’archives officielles qui ne peuvent être contestées