Portraits de la France néolibérale (4) Nicolas, 41 ans, guichetier au Crédit municipal

par | 27 avril 2024 | Enquête

La force du libéralisme, c’est de faire croire qu’il peut-être un ascenseur social. Mais les chiffres sont têtus, pour quelques « success story » combien de déçus ?

En introduction à la projection du film « Sans emploi, mais pas sans travail » qui sera diffusé par EVAB le samedi 11 mai 2024 à 18 h 00 à la Cimade, je vous propose une série de portraits de premier et dernier de cordée. Cette fois-ci, nous rencontrons Nicolas.

Nicolas, 41 ans guichetier au Crédit municipal

Avant d’entrer au Crédit municipal, j’étais dans l’armée, sur une frégate. Un jour, il y a eu bagarre à la cantine, j’ai blessé quelqu’un et ils m’ont renvoyé.

J’avais un enfant et pas de travail : ma tante travaillait au Crédit municipal et elle m’a dit qu’ils cherchaient quelqu’un.

Ça devait être provisoire ; finalement, ça fait 16 ans que j’y suis. Pendant longtemps j’ai bossé dans une petite agence. Je faisais tout : la personne arrivait au guichet, je discutais avec elle de ses problèmes, elle me donnait ses bijoux à engager, je les expertisais et puis je décaissais l’argent.

J’avais un travail humain, social. Je connaissais tout le monde dans le quartier et dès qu’on pouvait aider, on le faisait.

Un jour, on a fait grève pour demander une revalorisation. Dans les agences, en plus de tout le reste, on faisait la « prisée ». Normalement c’est une activité externalisée, on payait une entreprise de commissaire-priseur à ne rien faire. On dénonçait aussi le fait que le Crédit municipal s’enrichisse sur le dos des plus pauvres. À Marseille, on a plusieurs millions d’euros de bijoux et de tableaux dans nos coffres. On est à 13 % de taux d’intérêt, deux fois plus qu’à Paris : on flirte avec le taux d’usure. On est presque sur du revolving alors qu’on ne prend aucun risque.

En plus, la direction nous demandait de fractionner au maximum les engagements – faire 4 lots de 1000 euros plutôt qu’un à 4000- ça fait quatre frais de garde au lieu d’un, mais aussi et surtout parce que les gages inférieurs ou égaux à 1500 euros ont un taux d’intérêt deux fois plus élevé que ceux de plus de 1500 euros.

Comme on n’a rien lâché parce qu’on est têtus, ils ont fermé trois agences en prétextant qu’elles n’étaient plus rentables et en nous accusant d’avoir scié la branche sur laquelle on était assis.

Maintenant, je me retrouve au siège. On est 46 à travailler là-bas. La moitié sont des cadres placés par la mairie, des enfants ou des neveux d’élus. On voudrait tous partir parce que nos conditions de travail ne sont pas dignes. C’est scandaleux, c’est scandaleux.

Comme ils ont fermé des agences, il y a un énorme report de clientèle. Les usagers peuvent faire 3 heures de queue sous le soleil ou la pluie, chaque jour il y a des bagarres.

Nous il faut envoyer, le volume de travail est devenu insupportable. C’est du travail à la chaîne, complètement déshumanisé. Avant je faisais 15 engagements par jour ; maintenant, j’en fais 80 ou 100. Pour les usagers comme pour les employés c’est un fonctionnement animal.

Comme tous les monopoles, les monts-de-piété ont vocation à disparaître. Y a qu’à voir ce qu’ils ont fait avec la Française des jeux. En Belgique, les Cash Converter peuvent faire des prêts sur gages, en Angleterre, n’importe qui peut monter une échoppe. C’est la fin de quelque chose. Comme les dockers sur les quais des ports.

( Cette série de portraits est issue du livre « Le nouveau Monde, tableau de la France néolibérale » paru aux éditions Amsterdam en 2021, 1043 pages, 29 euros. Ce texte est un extrait de lecture. Je vous conseille l’achat de cette photographie du « Nouveau Monde » capitaliste )

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Didier Ribo

Description de l'auteur de l'article - co-fondateur du journal majoritaire de Béziers