Une autre histoire – 19 septembre 1955, coup d’État militaire en Argentine et destitution du colonel Perón

par | 16 septembre 2022 | Culture

Le 19 septembre 1955, voilà exactement 67 ans, en Argentine, le général président Juan Domingo Perón est destitué à la faveur d’un coup d’État militaire. Tout commence le 17 octobre 1945, 10 ans plus tôt. C’est le début d’une aventure politique foudroyante qui va nourrir un mythe durable.

Dans la situation troublée de la Seconde Guerre mondiale, un coup d’État militaire survient à Buenos Aires le 4 juin 1943. Parmi ses participants, le colonel Juan Domingo Perón. Il rejette le marxisme et l’antagonisme de classes au profit du dialogue patrons-ouvriers, et prône un État fort pour assurer les intérêts des plus démunis.

Habilement, il choisit au gouvernement le ministère du Travail qui va lui permettre de cultiver sa popularité. Il cumule un peu plus tard le ministère de la Guerre et la vice-présidence de la République.

Le pays s’est considérablement enrichi pendant la Seconde Guerre mondiale en alimentant les belligérants avec ses énormes ressources en céréales et en viande. L’État, grâce à des recettes fiscales importantes, a les moyens de mener une politique sociale audacieuse et Perón ne va pas s’en priver…

À l’occasion d’un bal de charité organisé pour secourir les victimes d’un tremblement de terre, le ministre-colonel, veuf de 50 ans, fait la connaissance d’une demi-mondaine de 25 ans, Eva Duarte, danseuse de cabaret, actrice et animatrice de radio.

Usant de la radio, elle va mettre son immense talent d’oratrice au service de Perón ou plutôt se servir de lui pour se hisser au sommet du pouvoir et de la gloire, devenant de son vivant même une légende.

Perón devient rapidement très populaire. Comme son ambition suscite l’inquiétude de ses collègues modérés, ceux-ci le déposent le 9 octobre 1945 et le font incarcérer sur l’île de Martin Garcia, dans le Rio de la Plata, en face de Buenos Aires. Il n’y restera que huit jours…

Sa maîtresse, dans ses émission radiophoniques, prend activement sa défense. Elle émeut son auditoire composé de travailleurs modestes et, avec un culot exceptionnel, les appelle à se mobiliser en masse pour sa libération sur la célèbre Place de Mai, devant le palais présidentiel.

Deux millions d’Argentins répondent à son appel le 17 octobre et sous leur pression, le gouvernement ne peut rien faire d’autre que de libérer Perón. Mort de peur, celui-ci est tiré par sa maîtresse sur un balcon. Il est acclamé par les manifestants.

Après avoir bourgeoisement épousé sa maîtresse, Perón est élu haut la main à la présidence de la République par les parlementaires le 26 février 1946.

En matière économique, il est partisan d’une intervention modérée de l’État dans un cadre protectionniste.

La nouvelle présidente, qui est désormais appelée affectueusement Evita, devient à la fois une madone et une star. La fondation Eva Duarte Perón, à laquelle chaque Argentin est tenu de contribuer par le versement de deux journées de salaire par an, distribue des aides au prolétariat urbain, principal soutien du couple présidentiel.

Perón, de son côté, nationalise la banque et les assurances, ainsi que les chemins de fer et les grands domaines. Il lance une ambitieuse politique industrielle. Il impose aux entrepreneurs de fortes augmentations de salaire et multiplie les emplois publics dans l’administration.

Tout cela en frappant d’impôts et de taxes les propriétaires terriens qui assurent la prospérité du pays par leurs exportations agricoles !

Bien que porté à la conciliation et au compromis, Perón ne peut éviter l’affrontement et la polarisation. Il est vrai que le culte de la personnalité, fortement promu par Evita, attise la haine de ses adversaires. Celle-ci se nourrit aussi de la forte redistribution des richesses effectuée par le gouvernement de Perón ainsi que la promotion sociale et politique des individus des classes jusque là défavorisées. Après Perón, la politique ne sera plus jamais le domaine réservé des élites en Argentine.

L’État argentin s’attribue le monopole du commerce extérieur. Il achète aux céréaliers et aux éleveurs leur production à un prix arbitrairement très bas et profite des cours mondiaux très élevés dans le monde d’après-guerre pour réaliser de très confortables plus-values. Celles-ci financent pour une part la politique sociale du gouvernement et d’autre part nourrissent une corruption à grande échelle.

Eva elle-même, son mari et leur entourage accumulent des fortunes considérables en prélevant des pots-de-vin sur les contrats publics. Perón consolide son pouvoir et sa popularité en combinant la politique sociale avec un anti-américanisme toujours très en faveur au sein des masses.

La doctrine péroniste, appelée « justicialisme », va assurer une popularité inouïe à Perón et plus encore à sa jeune épouse. Mais elle va très vite aussi détruire les fondements de l’économie nationale, l’agriculture et l’élevage, pressurés au profit du secteur industriel et des administrations publiques.

Il est finalement renversé par le coup d’État du Général Leopardi le 19 septembre 1955.

Si le « péronisme » a été parfois associé au fascisme et au bonapartisme, il n’en est pas moins toujours resté démocratique et républicain. L’accès au pouvoir de ce mouvement populaire et proche de la doctrine sociale de l’Église s’est produit par le biais d’élections libres. Jamais il n’a désavoué le pouvoir législatif et son combat fut et demeure celui de la justice sociale.

Ce ne fut pas le cas pour les présidents qui suivront

…… mais c’est une autre histoire !

Version audio à écouter sur Radio Pays d’Hérault ICI

Partager sur

En Bref

< Retour à l'accueil

L'agenda Culturel

L'agenda Militant

Lettre d'informations En Vie à Béziers

Pour recevoir notre lettre hebdomadaire

La Revue de presse

Dessins et photos d'actualités

Le mot du maire de Béziers

En vie à Béziers Adhésion et/ou dons !

Le coin des lecteurs

Victoires populaires

Le temps de la colère a sonné. Nous faisons partie des 7 Français·es sur 10 favorables à un blocage total du pays le 10 septembre*. Après 8 années de pouvoir calamiteuses, le budget 2026 proposé par Bayrou est une insulte aux travailleuses, travailleurs et aux plus...

CAFÉ CITOYEN

AU CAFÉ CITOYEN PROPAGANDE ET RÉALITÉ       L’actualité nous dicte parfois le sujet du café citoyen. Celui du samedi 06 septembre débattra donc sur le surendettement de l’État français et sur l’embrouillamini du conflit israélo-palestinien. Sur ces 2...

Café associatif Barnabu

Réunion des adhérents vos envies et projets   pour la programmation dela saison 2025/2026  Chers membres, La saison dernière, l’équipe du Barnabu s’est efforcée de vous proposer une programmation dense, diversifiée et de qualité. Comme...

Monsieur le sous-préfet

Jeudi 14 et vendredi 15 août je me suis promené dans le périmètre feria avec quelques amis. Jeudi nous étions trois et six le lendemain. Sur la poitrine nous portions des messages : « Palestine solidarité » ou « Halte au génocide » ou encore « La Palestine appartient...

Au bout du fil de la presse libre

Défendons la presse libre

L’association a bénéficié en 2018 et 2019 du fonds de soutien aux médias d’information sociale de proximité / Ministère de la culture

Nombre de visites

Nombre de visites

1028837
Total Users : 1028837

mardi 2 septembre 2025, 21:18

Robert Martin