Nous aurions tort de croire que la menace fasciste ne peut venir que d’une reconstitution de milices organisées semblables aux SA ou aux SS de l’Allemagne nazie. En France, en 2025, l’extrême droite a tué deux fois en l’espace de 3 semaines. Elle a tué une première fois Aboubacar Cissé, un Malien de 22 ans dans le Gard. Elle a tué une deuxième fois Hichem Miraoui, un Tunisien de 45 ans dans le Var. Dans ces deux meurtres, ce sont des personnes isolées qui sont passées à l’acte.
Pourtant, dès 2017, les services de renseignements français ont alerté leur autorité de tutelle sur le risque de voir un noyau dur de l’ultradroite passer à l’action.
Un an plus tard, les mêmes services indiquaient que l’extrême droite violente investissait dans l’achat d’armes et la confection d’explosifs et qu’elle recrutait dans les rangs des militaires et des policiers.
En 2019, les services de renseignements estiment à 350 personnes les membres de l’ultradroite qui possèdent légalement une ou plusieurs armes à feu et qui peuvent passer à l’acte.
En 2021, un rapport du parquet général de Paris révélé par Mediapart dresse l’ampleur de la menace dans un pavé de 56 pages.
Darmanin et Retailleau connaissent donc depuis longtemps la menace terroriste d’ultradroite. Ils sont informés depuis plusieurs années par leurs services de renseignements.
S’ils ne la traitent pas, c’est qu’ils préfèrent traiter la menace djihadiste, plus porteuse pour eux électoralement.
Pourtant le tabou de donner la mort peut facilement tomber chez les militants d’extrême droite.
À chaque fois, la dynamique qui amène à commettre un crime raciste est la même : fatigués de côtoyer une extrême droite belliciste par la parole, des individus isolés décident de passer à l’action.
Comme dans le djihadisme ces individus sont souvent seuls au moment de commettre leur crime.
Avant de passer à l’acte, ils ont tous fréquenté un réseau militant, baigné dans une prose haineuse où les appels à l’action sont sous-entendus.
Les cibles principales de ces fous du drapeau tricolore sont les personnes racisées, les juifs, la communauté LGBTQI+, la république, les femmes.
Dans ces grandes catégories, les populations arabes restent leurs cibles favorites.
Abreuvés d’un discours sur l’imminence d’une guerre civile interraciale, ils décident de passer à l’acte en prenant les devants. Pour eux, l’État a failli à sa mission de protéger la population et il faut se substituer à lui.
L’autre mouvance est celle des « survivalistes blancs ». Tétanisés par la perspective d’un effondrement sociétal, ils prennent eux aussi les devants dans ce qu’ils nomment « une guerre de civilisation ».
À partir d’une vision défensive, ils élaborent une dimension sacrificielle pour une cause supérieure qu’ils n’hésitent pas à nommer « djihad blanc » ou « Eurocalifat ».
Dans une sorte de relation en miroir, ultradroite et djihadisme ont une même aspiration à la violence. Ils veulent tous les deux imposer un projet de société par la force et la violence au nom d’une supposée « pureté » existentielle.
Ainsi, avant de passer à l’acte le meurtrier d’Hichem Miraoui écrivait : « Il n’y a pas d’allégeance à Al-Qaïda ou à qui que ce soit. C’est l’allégeance au bleu, blanc, rouge, voilà ».
C’est bien parce que nous savons que partout et depuis toujours l’extrême droite tue, qu’il faut imposer aux ministres actuels de l’Intérieur et de la Justice que les rapports fournis par leurs services ne soient pas enterrés à des fins strictement électorales.