Dossier Asturies 1934 : Histoire d’une photo symbolique … (4)

par | 18 octobre 2024 | Enquête

Revenons à notre photo de départ. Ces trente-trois mineurs sont donc arrêtés le 8 octobre 1934. Ils sont accusés de rébellion et soupçonnés d’être les auteurs de l’incendie des églises de Brañosera et de Salcedillo. Je n’ai pas relevé d’autres accusations.

On peut légitimement penser que certains d’entre eux  ont participé activement aux évènements de Barruelo. Ils y travaillaient comme mineurs, y étaient syndiqués comme mon grand-père et n’ont pas dû laisser tomber leurs collègues durant les  journées des 5/6 et 7 octobre.

Cette photo a surtout marqué les esprits à cause de cette femme, à la tête du cortège,  qui semble mener la troupe. Elle s’appelle Josefa Pellejo surnommée  » la Pelleja ». Elle porte encore son tablier de cuisine car elle a été dénoncée et arrêtée chez elle. Son frère et son mari sont mineurs. Elle serait retournée dans l’église de Brañosera pour finir de brûler la sacristie. Elle mourra pendant la guerre civile.

Ils arrivent à la prison de Burgos quelques jours après,  le 14 octobre comme le montre la fiche d’incarcération de mon grand père . Il est donc accusé de rébellion par le juge Garcia le 28 décembre 1934 soit près de deux mois plus tard.  Je n’ai pas retrouvé de décision de condamnation. Le procès n’a jamais eu lieu.

Les conditions de détention à Burgos sont particulièrement difficiles d’après les témoignages que j’ai pu retrouver : manque d’hygiène, épidémies, surpopulation, brimades  ….

La victoire du Front Populaire  en Février 1936 permettra la libération le 20 février de tous les prisonniers incarcérés lors des évènements de 1934.

 

Retour au village donc pour ceux qui auront passé près de 16 mois dans les geôles de Burgos, et on imagine la double joie en ce mois de février 1936 : victoire du Front Populaire et retour des prisonniers !

Mon grand-père reprend donc son travail à la mine quelques jours plus tard et ce jusqu’au 18 juillet 1936 où s’arrête son contrat de travail dans les archives : date du coup d’Etat de Franco et début de la guerre civile.

Delfin Fernandez Mediavilla  s’engage dans l’armée Républicaine. Tour à tour, sergent puis sergent chef, lieutenant  puis capitaine de la 3ème compagnie du génie, il sera décoré de la médaille de la valeur par la République mais condamné à mort par contumace par Franco.

Comme tant d’autres, il prendra le long chemin de l’exil qui l’amènera d’abord du côté de Barcelone puis du sud de la France dans les camps de réfugiés (septfond, Argelès). De leur côté, ma grand-mère et ses trois filles atteindront elles-aussi le territoire Français. Ils se retrouveront après des mois de recherche et s’installeront finalement à Decazeville dans l’Aveyron.

Decazeville et ses mines… Il reprendra alors son métier de mineur mais dans les mines françaises cette fois.

Il décèdera le 4 mars 1991 à 86 ans

Lorsque je me suis rendu à Brañosera, j’ai pu constater qu’on se souvient encore de ces évènements. J’ai rencontré les personnes les plus âgées du village. Je leur ai montré la photo, tous la connaissait. Tous m’ont donné spontanément le nom de « la Pelleja  » mais se souviennent surtout des oppositions familiales dans le village, des suspicions et de la haine !

A Burgos, la prison n’existe plus et a été transformée en centre culturel.

Delfin Fernandez Mediavilla, n’est que l’un de ces mineurs qui n’ont pas hésité à prendre les armes pour défendre le bien commun et les valeurs du socialisme. Leur idéal d’une vie meilleure, d’une société plus juste, ils l’ont porté au bout de leurs fusils pendant quelques jours. Certains l’ont payé de leurs vies, d’autres par la prison.  Ils n’étaient pas au bout de leurs peines : en 1936 la droite catholique n’a pas supporté que se poursuive une nouvelle fois une expérience qui verrait les citoyens et la gauche socialiste au pouvoir. Et là ils l’ont payé ou par la mort ou par l’exil !

Mon grand-père m’a peu raconté les années de la guerre civile encore moins les journées d’octobre 1934. Beaucoup de mes questions restent encore aujourd’hui sans réponse…mais il reste cette photo comme un témoignage posthume qui m’a permis de remonter le fil du temps, de lui rendre hommage et de répondre à quelques unes des questions sur cette période !!!

Pour conclure, je voudrais vous faire part de deux autres clins d’œil de l’histoire :

– A 500 kms de Brañosera, le 27 octobre 1934, mon autre grand-père, Cipriano Martin Gimeno, maire adjoint de Montalban (province de Teruel) et responsable syndical, était destitué de son poste suite aux évènements insurrectionnels…
– Les villes de Decazeville où travailla mon grand père maternel à la mine de 1939 à sa retraite et Utrillas (près de Montalban), où travailla à la mine mon grand père paternel jusqu’à son exil vers la France en 1939 sont jumelées depuis 2003, sans lien aucun avec mes deux aïeux qui ne se sont rencontrés qu’une fois à l’occasion du mariage de mes parents en 1950.
Encore un hasard de l’histoire ? Peut-être une nouvelle enquête ?

(Fin de l’enquête)

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