Italie, octobre 1922 : dans les coulisses de la marche de Rome (4e et dernier épisode)

par | 7 juillet 2024 | Enquête

31 octobre 1922, après plusieurs jours de paralysie gouvernementale, Mussolini devient le plus jeune président du conseil. Il n’a aucune expérience de gouvernement ou de l’administration publique.

« Voici la situation : une bonne partie du nord de l’Italie est aux mains des fascistes. Tout le centre est occupé par les « chemises noires ». Les autorités politiques, surprises et atterrées, n’ont pas été capables d’affronter le mouvement. Le gouvernement doit être nettement fasciste. Que ce soit bien clair, il faut rejeter toute autre solution. L’inconscience de certains hommes politiques romains oscille entre le grotesque et la fatalité. Qu’ils se décident ! le fascisme veut le pouvoir et il l’aura. »

Éditorial de Benito Mussolini, « Il popolo d’Italia », 29 octobre 1922.

30 octobre 1922, 11 h 5, alors qu’il monte l’escalier du Quirinal afin que le roi lui confie la tâche de gouverner l’Italie, Benito Mussolini, d’origine plébéienne, bohémien de la politique, autodidacte du pouvoir, dépourvu de toute expérience du gouvernement ou de l’administration publique, député depuis seulement seize mois, est à 39 ans le plus jeune Premier ministre de son pays, le plus jeune des chefs de gouvernement du monde entier.

Il porte la « chemise noire », l’uniforme d’un parti armé, sans précédent dans l’Histoire.

Le lendemain, il faut autoriser ses troupes à entrer dans la capitale. Il est impossible de faire autrement.

Maintenant que Mussolini a obtenu ce qu’il souhaite, le roi en personne le prie de congédier les « chemises noires » pour épargner la capitale.

Le « duce » retorque qu’il ne répond pas des réactions si on prive les « chemises noires » du plaisir de défiler.

Il n’est plus possible de renvoyer les « squadristes » sans leur octroyer un misérable et tardif triomphe. La comédie s’est changée en réalité, mais il importe de garder le couteau pointé sur la gorge de l’ennemi.

Le 31 octobre au matin, pendant que le gouvernement prête serment au Quirinal, le cortège des « chemises noires » quitte à 13 heures les bords du Tibre. Le « Duce » passe en revue des milliers de fascistes débraillés, crottés, affamés, le poignard à la ceinture et la matraque à la main.

On les rassemble sur la piazza del Popolo en leur ordonnant de respecter la discipline et en leur interdisant de se livrer aux actions violentes pour lesquelles on les a mobilisés.

On leur enjoint de défiler en colonne le long du corso Umberto jusqu’à l’Autel de la patrie, et, de là, sous les fenêtres du Quirinal.

Au balcon, le roi, serré entre le général Diaz et l’amiral Thaon de Revel, les salue brièvement. Le « Duce » se montre à peine quelques minutes à une fenêtre du palais de la Consulta. La parade dure six heures.

Certes, il y a des insubordinations. Des groupes réfractaires, habitués à la violence par des années de bastonnades et d’expéditions punitives, dévastent le pavillon de Nitti, le bureau du député Bombacci. Argo Secondari, anarchiste et chef des « Arditi del popolo » une formation antifasciste est frappé à la tête de façon répétée.

Ils le laissent sur le carreau avec un traumatisme crânien irréversible.

D’autres tentent de semer la guerre dans le camp ennemi. Ils pénètrent dans les quartiers populaires de Borgo Pio, San Lorenzo, Prenestina et Nomentana, d’où ils avaient été chassés l’année précédente.

Cette fois encore ils sont défaits.

Mussolini dicte à un journaliste du « Corriere della Sera » (ex-journal d’opposition) sa pensée du jour : « Dites la vérité, nous avons fait une révolution unique au monde. À quelle autre époque de l’histoire, dans quel autre pays y a-t-il eu une révolution de ce genre ? Les services publics sont en état de marche, les commerces fonctionnent, les employés sont dans leurs bureaux, les ouvriers dans les ateliers, les paysans dans les champs, les trains roulent normalement. C’est une révolution d’un nouveau style. »

Mussolini s’enivre du fait accompli : il est arrivé au pouvoir et il veut le garder.

Cet article est composé d’extraits de lecture du livre d’Antonio Scurati  » M, l’enfant du siècle » édité aux éditions les Arènes en 2020. Je vous invite vivement à sa lecture.

Scurati, chercheur éminent, est aujourd’hui interdit de télévision par le gouvernement postfasciste italien de Georgia Meloni à cause de ses écrits sur Mussolini.

Après la marche sur Rome, les fascistes sont restés au pouvoir en Italie pendant 23 ans.

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Didier Ribo

Description de l'auteur de l'article - co-fondateur du journal majoritaire de Béziers