Pour Berlin, un des points non négociables de la collaboration d’État à État était la sécurité des troupes d’occupation en zone nord, donc le strict maintien de l’ordre dans la zone occupée. De ce point de vue, Vichy offrait quelques garanties aux dignitaires du Reich.

Avant de finir en 1944 en régime policier, Vichy est dès le début un régime autoritaire gouverné par un obsédé du maintien de l’ordre.

Voici quelques exemples pour s’en convaincre :

- Vichy procède à 70 000 internements arbitraires, 13 500 personnes furent condamnées à la prison ou aux travaux forcés pour des raisons politiques.

- Après le meurtre d’un aspirant à Paris le 21 août 1941, les autorités militaires allemandes demandent au gouvernement français d’exercer des représailles sur des otages. Vichy répond positivement par une loi antidatée du 14 août 1941 qui institue une « section spéciale » auprès de chaque tribunal militaire et cour d’appel. Ces « sections spéciales » jugeront en comparution immédiate, à huis clos, sans recours ni pourvoi. L’action publique pouvait être engagée pour des faits antérieurs à la promulgation de la loi, ce qui est contraire au droit français.                                                                                                                                                                                                                                         Six jours après la demande allemande, le 27 août 1941, trois militants communistes qui purgeaient des peines mineures sont rejugés sur le champ, condamnés à mort et guillotinés le  lendemain.                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                Le maréchal Pétain fait transmettre sa satisfaction. Ce sont les Allemands qui refusent que l’exécution eût lieu en public, sur la place de la concorde à Paris.

- Après l’exécution du Feldkommandant de Nantes et d’un conseiller militaire à Bordeaux, les autorités allemandes décident d’exécuter 98 otages, dont 27 à Châteaubriant.                                                                                                    Le ministre de l’Intérieur de Vichy, Pucheu, donne son avis sur les choix à faire pour établir la liste des condamnés. Cet excès de zèle confirme les responsables de la SS dans la fiabilité de la police française pour maintenir l’ordre de l’occupant.

- Dès septembre 1941 l’État français met en place les Groupes Mobiles de Réserve (G.M.R) en zone sud. Forts de 13 000 hommes cette force opérationnelle est autorisée par l’occupant en zone nord en novembre 1942. Ces forces françaises spécialisées se focalisent sur les menées antinationales et collaborent avec l’occupant. D’août 1941 à août 1944 elles arrêtent 4750 communistes ou présumés tels. Des prisonniers au nombre de 655 sont remis au Sicherheitdienst ,le SD, le service de sécurité du parti nazi.

- René Bousquet est nommé à la tête de la police nationale en avril 1942. Il va considérablement renforcer les forces de police. Celles qui étaient municipales avait été étatisées en avril 1941 dans les agglomérations de plus de 10 000 habitants. Des brigades spéciales sont créées contre toute forme de résistance. Des services spécialisés s’occupent de la « question juive », des sociétés secrètes, des menées antinationales.

- Quand débuta la négociation sur les rafles le même Bousquet proposa à la SS que la police française arrête les Juifs étrangers en zone sud moyennant un accroissement des moyens policiers. Il obtient satisfaction.

- Un « protocole » est signé le 8 août 1942 il est amendé le 16 avril 1943, l’État français et le Reich allemand s’entendent sur un mode opératoire. Dans les affaires où les Français s’attaquent à la machine de guerre du Reich, ils sont livrés après interrogatoire aux services de sécurité allemands.

Entre 1940 et 1943 l’occupant a eu besoin de la collaboration policière de l’État français pour protéger ses troupes et pour mener à bien son projet de « solution finale ». Il en retire une grande satisfaction.

A partir de 1943 l’occupant se plaint du manque d’efficacité des forces de police française, qui rechigneraient à arrêter encore plus de Juifs et de résistants non communistes.

La suite est une fuite en avant vers la mise en place d’un régime policier, nous y reviendrons.

Ces faits annulent si besoin était la ligne de défense des Pétainistes et des nostalgiques de l’extrême droite que l’on pourrait résumer ainsi : De Gaulle luttait à l’extérieur et Pétain luttait à l’intérieur.

S’il est avéré que De Gaulle a lutté à l’extérieur et que différentes formes de résistances ont lutté à l’intérieur, le régime de Vichy a pour son part collaboré à l’intérieur.

On peut même rajouter qu’il a volontairement collaboré avec l’occupant nazi.

 

Cette contribution est issue de notes de lectures du livre de Jean- Pierre Azéma : « Vichy-Paris les collaborations » publié aux éditions Archipoche en 2020

 

 

 

 

 

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