(Rediffusion) L’agglomération de Béziers pourrait être dotée d’ici 2030 d’un nouvel équipement permettant de brûler chaque année a minima 45 000 tonnes de plastique. Cette “chaufferie” accueillerait les déchets CSR de l’ensemble des collectivités d’Agde à Bédarieux et de l’Ouest héraultais. Le projet inquiète. (Juin 2023)

Avant son élection en 2014, Robert Ménard était vent debout contre l’implantation dans sa commune d’un incinérateur pour traiter les boues en provenance des stations d’épuration. La veille de sa réélection, l’élu était plus mesuré comme il s’était confié à France Bleu Hérault. Aujourd’hui, le maire et président de l’agglomération de Béziers se dit, à la surprise de plusieurs associations écologistes, favorable à l’implantation d’une chaufferie industrielle à grande échelle pour traiter les déchets non recyclables, notamment, en provenance de tout l’Ouest héraultais. Des associations de protection de l’environnement s’interrogent sur sa position et alertent les Biterrois sur les risques et l’impact sur leur santé.

Le projet pourrait voir le jour d’ici 2030. Cette chaufferie CSR (combustibles solides de récupération), qualifiée d’incinérateur déguisé par ses opposants, devrait brûler d’ici 2030 a minima 45 000 tonnes de déchets par an. Ceux de l’agglomération de Béziers ne suffiraient pas pour rentabiliser l’investissement estimé à 60 millions d’euros. C’est pour cette raison que les collectivités d’Agde à Bédarieux et celles de l’Ouest héraultais sont associées au projet. L’usine serait installée à la sortie de Béziers, route de Bédarieux, sur la zone de Mercorent. Le centre de traitement des ordures ménagères Valorbi dispose d’une réserve foncière de 11 000 mètres carrés.

Une telle structure de traitement des déchets pour être rentable devra traiter un maximum de volume. C’est pourquoi le périmètre initial confié à la société qui obtiendra la délégation de services publics ne peut qu’augmenter. L’enjeu d’une telle implantation c’est qu’à terme Béziers devienne la capitale des poubelles.

L’étude de faisabilité votée à l’unanimité le 12 décembre 2022 par les élus de l’agglomération y compris l’opposition fait polémique.

L’incinération des déchets et des ordures ménagères n’est pas une bonne solution”, 

déplore l’écologique Thierry Antoine, conseiller d’opposition EELV à la mairie de Béziers. D’ailleurs, ce n’est pas un avis personnel, c’est celui de L’ADEME (Agence de la transition écologique). Dans la hiérarchie des traitements des déchets, c’est l’une des plus mauvaises solutions. Donc là on parle en plus d’un projet qui est quand même colossal. C’est 60 millions. On va en prendre pour 25 ans. On aura quasiment tout l’ouest Hérault qui pourra venir brûler des déchets à Béziers. Il faut que les Biterrois soient au courant. Il faut qu’il y ait un débat réel sur la gestion des déchets.

Béziers est aujourd’hui la poubelle de l’Hérault. “J’ai de sérieuses raisons de m’inquiéter” dit le président l’association biterroise contre la pollution pour la santé et l’environnement (ABCPSE).

L’association ABCPSE s’appuie sur des déclarations publiques de scientifiques à propos des dangers que représente un incinérateur, dont celle du professeur Dominique BELPOMME (cancérologue et président de l’ARTAC et dirigeant de l’Institut européen de recherche sur le cancer et l’environnement, ECERI). 

Ce n’est pas parce qu’on va mettre tout un système de filtration en place qu’on va éviter la pollution et les maladies, malheureusement. C’est une idée qu’il faut absolument combattre tout de suite : il n’y a pas de méthode efficace de protection en matière d’environnement et de santé au plan technique. Il n’y a pas de méthode technique efficace pour nous protéger. Les écologistes dénoncent la multiplication des sites de traitements de déchets. La ville est en effet équipée d’un incinérateur au milieu des vignes traitant les boues des stations d’épuration dans la plaine Saint-Pierre ; un site d’enfouissement qui a fait polémique à Saint-Jean-de-Libron. À moins de 15 kilomètres sont aussi concentrés et enfouis les déchets de l’agglomération de Hérault-Méditerranée sur la commune de Montblanc.

Ma réflexion : “TINA” (There is no alternative), c’était la phrase de Thatcher qui a fait en son temps beaucoup de dégâts sociaux en Grande-Bretagne. 

Les promesses de “non pollution” n’ont pas manqué au cours de ces 50 dernières années, qu’il s’agisse des déchets nucléaires pour lesquels on allait bien trouver une solution sous peu, disaient nos gouvernants en 1960, ou du glyphosate qui empoisonne les campagnes et les agriculteurs pour ne citer que ces 2 polluants. Mais il y en a des dizaines qui contaminent rivières et océans. Sans parler des médicaments tueurs, objets de procès qui durent 30 ans. 

Résultats : en 2023, 433 136 nouveaux cas de cancers devraient être détectés. 57 % concernent les hommes (245 610 cas) et 43 % les femmes (187 526 cas). Les nouveaux cas de cancers sont deux fois plus nombreux qu’en 1990, en progression de 98 % chez les hommes et de 104 % chez les femmes. 79 % concernent des jeunes.

Mais les autorités ne retiennent actuellement que le tabagisme comme source sûre et entretiennent le doute sur les effets des particules fines, de l’ozone, du dioxyde de soufre, des métaux lourds.

Répétons-le, il n’existe pas de nouveau modèle d’incinérateur non polluant :

Environ 4/5 des résidus solides sont utilisés sous la forme de sous-couches routières, et l’essentiel des ferrailles et autres métaux issus de déchets est récupéré et recyclé. Mais rien ne permet de supprimer les émanations de dioxine et oxydes d’azote. L’eau déversée les canalise et les transporte, mais ne les supprime pas. À cela, s’ajoutera le ballet incessant des camions qui viendront quotidiennement décharger leurs déchets. Nous avons déjà une qualité de l’air très dégradée par les pollutions de l’autoroute.

Pour ce qui concerne la réduction des déchets, il y a des alternatives à développer. La première et la plus efficace serait d’en réduire la production. Par exemple, proscrire les produits jetables, supprimer les emballages et sur-emballages* inutiles et nuisibles, les tonnes de papier, supports de publicité. Refuser l’offre pléthorique de “biens” de consommation inutiles : fringues et gadgets en provenance d’Asie. Ensuite, comme solutions de traitement, il y a le tri qui peut être amélioré, la consigne, le vrac, le compost, le recyclage. Pour l’instant les initiatives dans ce domaine restent anecdotiques. Car cela remet en question l’ensemble de notre système auquel il ne faut pas toucher ! 

Qui aura le courage de s’y atteler ?

 Les alertes et mises en garde se multiplient (extraits) :

  • Le Centre national d’information indépendante sur les déchets (Cniid) indique que chaque année, cinq millions de tonnes d’emballages ménagers sont mises sur le marché français. Leur fabrication entraîne la consommation d’une quantité énorme de matières premières et d’énergie, pour une durée d’utilisation souvent très réduite. Une fois séparés du produit qu’ils protègent, les emballages jetables deviennent des déchets que la collectivité doit prendre en charge. Un ménage français jette ainsi en moyenne dix emballages par jour. Ils entrent pour près de 30 % en poids et 50 % en volume dans la quantité totale des ordures ménagères. 
  • La fondation Toxico Watch, une ONG néerlandaise référente dans l’analyse toxicologique des polluants émis par les incinérateurs analyse les épines d’arbres résineux, les mousses et les œufs produits dans des poulaillers à proximité de l’incinérateur. Au mois de février 2023, le laboratoire a rendu son rapport.
  • L’Agence agence régionale de santé recommande à titre conservatoire de ne pas consommer les œufs des poulaillers domestiques en Île-de-France (avril 2023)
  • Zero Waste France estime que l’incinération de nos déchets produit environ 3 millions de tonnes de mâchefers écoulés sous forme de remblais routiers, et 470 000 tonnes de résidus d’épuration des fumées à éliminer en installations spécifiques (anciennes mines, décharges pour déchets dangereux…).
  • L’Organisation mondiale de la santé précise : Les émanations de dioxine et oxydes d’azote peuvent provoquer des problèmes au niveau de la procréation, du développement, léser le système immunitaire, interférer avec le système hormonal. Même à des doses infimes, elles sont dangereuses.