C'est à 15 heures au parc de la Gare du Nord, avenue Clemenceau à Béziers que le Colbac a donné rendez-vous aux militants anti-corridas pour une manifestation en pleine Feria. Il fait soleil et chaud, très chaud.

En attendant le départ de la manifestation, les gens se regroupent autour des quelques rares coins d'ombre. Le camion sono est déjà là, les voitures de la police municipale aussi. Les drapeaux, les panneaux et les banderoles sont prêts. Une bonne centaine de personnes déjà présentes et dans cette foule, on reconnaît les habitués héraultais de ce combat, mais aussi des personnes venues d'un peu toute la France à l'appel des associations anti-corridas et  des organisations animalistes. J'aperçois aussi des élu.e.s ceints de leur écharpe tricolore. Je demande à Sandra Regol, députée EELV du Bas-Rhin pourquoi elle est présente à Béziers aujourd'hui : (extraits de l'entretien)

Sandra Regol : On est au parc de la gare du Nord car c'est le début du ralliement d'une manifestation qui va partir dans pas longtemps contre la corrida pour rappeler que la corrida ce n'est pas la culture occitane, qu'on est fier de notre culture et de rappeler que ceci n'a rien à y faire.

Robert Ménard parle de tradition  et d'identité, que lui répondez-vous ?

Sandra Regol : Je constate que vous avez vu  vous aussi son clip publicitaire sur Cnews ! On a de très belles traditions, Béziers est une ville magnifique et il est fort dommage que la seule raison pour laquelle on paye de la publicité avec de l'argent public soit pour dire de venir voir la lente mise à mort des taureaux comme si aujourd'hui, au 21ème siècle, alors que sondage après sondage, les Français refusent la corrida et trouvent que c'est barbare, et que les arènes ont du mal à se remplir, on continue à maintenir ce mythe d'une tradition, peut-être réelle dans une partie de l'Espagne.

La tradition c'est quelque chose de très mouvant. Cela dépend où vous remontez. La tradition très bourgeoise, très élitiste du 19ème siècle importe la corrida en France. Est-ce que c'est une tradition  ou bien la tradition ce sont les danses occitanes, les courses camarguaises ? Il me semble que la culture occitane car Robert Ménard veut parler, il doit parler de culture occitane, c'est tout sauf la mise à mort, sauf la torture ! La fête c'est la célébration des animaux, c'est remplacer des animaux par des effigies notamment sur les Mardi-Gras. Défendons nos traditions mais les nôtres sont joyeuses, belles et surtout contre la torture.

 Une autre élue EELV,   Caroline Roose, députée européenne est aussi présente. je lui demande si  L'Europe s'occupe  du problème de la corrida.

Bien sûr indirectement à travers le bien être animal. Nous allons faire en sorte d'ailleurs que la législation sur ces questions soit à l'ordre du jour en cette fin d'année

L'Europe pourrait-elle l'interdire ?

Oui,   mais aurions-nous une majorité pour voter une telle résolution ? C'est toute la question.

 Juste avant de partir en manifestation, je croise Aymeric Caron, député LFI de Paris qui accepte, lui aussi,  de répondre au micro d'En Vie à Béziers »  (extraits)

 

Aymeric Caron, on sait à Béziers que c'est vous qui avez déposé une proposition de loi demandant l'abolition de la corrida. Elle n'a pas été présentée en séance. Que s'est-il passé ?

 Aymeric Caron : En fait cette proposition avait été défendue dans le cadre de ce qu'on appelle la niche parlementaire. C'est une journée qui est laissée dans l'année aux groupes de l'opposition à l’Assemblée Nationale pour proposer leurs propres textes. Le problème c'est que ça commence à 9h et se termine à minuit. Lorsque est venu le moment d'étudier ma proposition, on s'est rendu compte qu'il y avait des centaines et des centaines d'amendements farfelus déposés pour ralentir les débats et empêcher que le texte puisse être voté avant minuit. On a donc été obligé de retirer le texte  pour donner une chance à un autre texte d'être adopté.

 On parle surtout de souffrance animale quand on parle de la corrida, de barbarie, de torture et de cruauté on parle moins des enfants. Quel spectacle pour des enfants ?

Aymeric Caron : Le spectacle de la corrida pendant les quelques minutes où on va torturer très consciencieusement un animal avant de le mettre à mort, de manière très douloureuse, déjà pour une grande majorité des adultes, c'est insupportable. Je trouve en effet que confronter un enfant à ce genre d'images, ce n'est pas à encourager. Quand, en plus il s'agit non seulement de permettre à des enfants d'assister à des corridas mais de se former à la meilleure manière de massacrer un animal, c'est complètement anachronique, ce n'est pas digne d'une société évoluée. On explique à des enfants très jeunes comment il faut faire pour bien planter tel instrument de torture, comment il faut faire pour affaiblir le taureau, pour le faire saigner. 

 Un zeste de religiosité accompagne désormais la Féria depuis l'arrivée de Robert Ménard sous la forme d'une messe célébrée dans les arènes en ouverture de la Féria.

 Aymeric Caron : Ce n'est pas très surprenant car la corrida est justifiée par des arguments qui sont de l'ordre de la tradition, de la croyance, quelque chose de très passéiste. On est dans quelque chose de quasi mystique, on voit bien que les aficionados quand on leur parle des souffrances du taureau, ils répondent « vous ne pouvez pas comprendre la culture du taureau » « ce qui nous unit à l'animal ». Il existe une religiosité de la part des aficionados dans la manière d'envisager leur activité. Cela permet de la justifier aussi. Il n'est pas du tout surprenant que Ménard lie cela  très concrètement à la religion chrétienne. A mon sens, c'est complètement à rebours de cette fameuse religion puisque on a un pape aujourd'hui qui lui milite pour les droits des animaux et contre les souffrances animales.  Une très mauvaise lecture de la religion catholique !

 La manifestation démarre vers 15h30 avec, en tête de cortège, 40 militant.e.s qui portent chacun un panneau avec les photos des taureaux qui ont été ou seront massacrés durant cette Féria ; le cortège s'élance vers le centre ville de Béziers, destination la Mairie où aura lieu une prise de parole.

Tout au long du cortège, les animatrices, sur le camion sono, lancent les slogans repris par les manifestants  « Basta, corrida » ou bien «  Arrêtez de vous planquer derrière la tradition, corrida c'est la honte, abolition » « Plus de mort, plus de torture, plus de martyr, NON ! » ou encore « La torture ce n'est pas la culture » j'en oublie tant ils étaient nombreux !

Le Centre Ville est plein de monde. Les gens s'arrêtent pour regarder, quelquefois intrigués, souvent pas trop au courant de ces mouvements anti-corridas. Ce sont des touristes qui sont venus faire la fête, pas forcément participer aux corridas. Ils parlent de liberté, de coutumes, ils ne sont pas venus pour la corrida mais pour faire la fête tout simplement. D'autres sont plus vindicatifs, index levé, sifflant les manifestants, lançant invectives et insultes. On entend des « Ils nous emmerdent ! » « c'est la tradition » « ils nous cassent les couilles » et autres « rentrez chez vous ! ». Quand je les interroge, je les sens nerveux, hargneux, intolérants, pas loin d'avoir envie d'exprimer leurs propos violents d'une façon plus physique.

A la Mairie, premier arrêt et regroupement sous les fenêtres de la municipalité. L'ensemble des organisations appelant à cette manifestation et les élu.e.s présent.e.s s'expriment pour expliquer leur participation à Béziers ce dimanche 13 août et leur soutien au combat pour l'abolition de la corrida.

Le cortège repart pour se rendre devant le Théâtre Municipal, sur les Allées Paul Riquet, noires de monde. L'arrivée du cortège, dans un brouhaha incroyable qui mêle slogans revendicatifs, musique des peñas, invectives diverses est un spectacle sonore et visuel ahurissant. On ne sait pas trop comment cela va se terminer. Les CRS et la Police Nationale protège la manifestation.

 C'est Sophie Maffre Baugé, présidente du Colbac  qui prend alors la parole au nom de son association en s'adressant directement aux passants, pour rappeler le sens du combat anti-corrida. Elle parle de torture et de barbarie, de souffrance et de peur, de sang et de mort. Comment considérer, dit-elle, que cela puisse être beau et être applaudi ! Elle balaie les arguments de tradition (voir interview ci-dessous) pour parler au contraire d'humanité et de civilisation.

Juchée sur un escabeau, la comédienne Chloé François a ému l'audience en lisant un texte avec émotion et conviction, malgré le brouhaha ambiant.

Ensuite la marche est repartie vers les arènes, mais a été bloquée comme à l'accoutumée par un cordon de sécurité. En effet, les manifs anti corrida sont interdites dans un rayon de 500 mètres autour des arènes…

 

Il est près de 20h lorsque se clôture cette manifestation !

Le combat du Colbac et des associations animalistes et anti corrida finiront par rendre caduque cette exception de la loi sur la cruauté envers les animaux qui permet dans les régions taurines du Sud de la France d'organiser ce genre de spectacle indigne qui  nous déshonore toutes et tous.

La tradition taurine s'exerce  aussi  avec les courses landaises ou camarguaises. Il n'est donc pas obligatoire de faire couler du sang pour jouer avec les taureaux et prendre du plaisir !  D'autres traditions, autres que taurines, bien plus bienveillantes, bien plus respectueuses, bien plus dignes de l'humanité se perpétuent à travers le pays. Elles témoignent non pas de nos instincts les plus vils et les plus bas mais au contraire de la transmission des valeurs bien plus nobles que la barbarie et la torture.

A lire également Edito, ITW Colbac, Une autre histoire, Coup de gueule

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de cookies nous permettant par exemple de réaliser des statistiques de visites.