(A relire) « Devinant dans l’État, ne fût-ce que pour des raisons traditionnalistes, un minimum de capacité de résistance en cas superposition violente du fascisme, nous n’avons jamais cru et nous ne croyons pas à la marche sur Rome »

« Un conflit qui n’aura pas lieu », éditorial anonyme du quotidien socialiste Avanti ! 15-16 octobre 1922

Rome le 30 octobre 1922 à 11 h 05, alors qu’il monte l’escalier du Quirinal afin que le roi lui confie la tâche de gouverner l’Italie, Benito Mussolini, d’origine plébéienne, bohémien de la politique, autodidacte du pouvoir, dépourvu de toute expérience du gouvernement ou de l’administration publique, élu député depuis seulement seize mois, est à trente-neuf ans le plus jeune des chefs de gouvernement du monde entier, il porte la chemise noire, l’uniforme d’un parti armé sans précédent dans l’Histoire.

Le lendemain, il a fallu autoriser ses troupes à entrer dans la ville. Maintenant que Mussolini a obtenu ce qu’il souhaite, le roi en personne l’a prié de les congédier pour préserver la capitale. Mais le Duce a retorqué qu’il ne répondrait pas de leurs réactions si on les privait du plaisir de défiler.

Ainsi, le 31 octobre au matin, pendant que le gouvernement prêtait serment au Quirinal, le cortège fasciste a quitté à 13 heures les bords du Tibre. Le Duce a passé en revue des milliers de fascistes débraillés, crottés, affamés, le poignard et le revolver à la ceinture et la matraque à la main.

On les a rassemblés sur la piazza del Popolo en leur ordonnant de respecter la discipline, et en leur interdisant de se livrer à des actions violentes pour lesquelles on les avait mobilisés.

Au balcon, le roi les a brièvement salués. Le Duce s’est montré à peine quelques minutes. La parade a duré six heures.

Il y a eu des insubordinations. Des groupes réfractaires à la politique, habitués à la violence par des années de bastonnades et d’expéditions punitives, ont dévasté le pavillon de Nitti, le bureau du député Bombacci, frappé à la tête Secondari le laissant sur le carreau avec un traumatisme crânien irréversible.

D’autres, ont tenté de semer la guerre dans le camp ennemi, pénétrant dans les quartiers populaires de Borgo Pio, San Lorenzo, Prenestina et Nomentana, d’où ils avaient été chassés l’année précédente.

Cette fois encore ils ont été défaits.

Moins de 15 jours se sont écoulés depuis la formation du premier gouvernement Mussolini.

Il y a eu au cours de ces 15 jours dans la seule Rome dix-neuf morts et vingt blessés graves, et pourtant la marche sur Rome est sur le point d’être oubliée

Toute l’attention est concentrée sur un seul homme. On attend bizarrement que cet animal nocturne, surgi des ténèbres, mette fin à la nuit.

 

( Extraits de lecture du livre d’Antonio Scurati ‘’M’’ l’enfant du siècle aux éditions Les Arènes )

 

Ce dernier épisode clôt, avec l’accession au pouvoir de Mussolini, la série ‘’M’’ qui vous a fait revivre les évènements qui ont fondé le fascisme, en Italie, au siècle dernier.

L’histoire du fascisme Italien ne s’arrête pas, bien sûr, au 30 octobre 1922. Elle va même se dérouler sur plus de vingt années supplémentaires.

Celles et ceux qui veulent comprendre ce qu’à été le fascisme institutionnalisé peuvent lire le tome 2, « ‘’M’’ l’homme de la providence », éditions Les Arènes, paru en 2020 et 2021. Scurati y reprend la progression des métastases du régime fasciste au sein de l’État Italien jusqu’en 1932.                                                                                                                                          

Dans le tome 3, « ‘’M’’ les derniers jours de l’Europe », à paraître en France aux éditions Les Arènes en mars 2023, Scurati reprend le récit en 1938. L’ouvrage retrace l’alignement de la Rome fasciste sur l’Allemagne nazie, la mise en œuvre des lois raciales contre les juifs italiens et, jusqu’en 1940 la marche de l’Italie vers la guerre aux côtés du IIIe Reich.

Certes, les résonances historiques à un siècle d’écart ( victoire de Giorgia Meloni dans les urnes et insurrection brouillonne qui a mené Mussolini au pouvoir ), ne peuvent être assimilées.

Pourtant, le succès des livres de Scurati pose la question de l’amnésie supposée vis-à-vis du fascisme.

A l’inverse, l’accueil réservé à ‘’M’’, tome après tome, révèle, une soif mémorielle, un désir d’envisager le fascisme dans tout ce qu’il à pu être.

La mise en évidence de la nature fluctuante et opportuniste du fascisme par Scurati m’a incité à vous proposer cette série de 23 épisodes sur le site d’EVAB.

J’espère qu’elle participera à la connaissance et à la promotion nécessaire de l’antifascisme.

 

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