« Le 15 avril les socialistes maximalistes milanais ont révélé leur âme philistine et pusillanime à la lumière du soleil. Pas un geste de revanche n’a été ébauché ni tenté. »                                         

Benito Mussolini, il popolo d'Italia, 16 avril 1919

Aujourd’hui, le silence règne. Milan retient son souffle.

À minuit, les cheminots et les équipes de nuit des employés du gaz n’ont pas repris le travail. Les lignes au nord du centre-ville ne marchent plus. Les services publics sont suspendus. Les centaines d’usines qui accueillent l’immense population de la cité la plus industrialisée d’Italie sont au point mort. Sans exception. Pas un seul ouvrier ne s’est présenté à son poste.

La masse prolétaire est concentrée dans la banlieue, mais cette fois la grève s’est étendue au centre. Les magasins, les établissements du corso Vittorio Emanuele, de la Piazza del Duomo, de la galerie Victor-Emanuel II, sont fermés. Il en va de même dans chaque quartier. Les banques sont surveillées par la police ou par l’armée, mais elles sont fermées.                        

Les administrations municipales sont fermées. Les chambres de commerce sont fermées.

Deux jours plus tôt le 13 avril 1919 au matin, un meeting socialiste qui se tenait via Garigliano s’est conclu, après un affrontement avec la police par de nombreux blessés et un mort.

En novembre l’année précédente à Munich Kurt Eisner a transformé la Bavière en République socialiste. Les socialistes et les communistes luttent pour le pouvoir. Ils ont décrété la constitution d’une « République soviétique bavaroise ».

Quelques jours plus tôt, le 21 mars à Budapest, Sandor Garbai et Béla Kun ont proclamé la république soviétique Hongroise.

Depuis des mois chaque jour est une veillée.

À Milan, des dizaines de milliers de prolétaires, le matin de ce 15 avril 1919, écoutent les discours enflammés de leurs tribuns.

En début d’après-midi, sans le moindre projet, une avant-garde composée de quelques milliers de manifestants se dirige via Orefici en direction du Dôme.

Piazza del Duomo un cordon de militaires barre l’accès de la place.

Un instant les deux factions se font face. Le cordon de carabiniers se scinde. Des officiers en uniforme et des « Arditi » des faisceaux de combat avancent revolver au poing.

Le sang coule sur la piazza del Duomo.

Un orateur perché sur un socle poursuit son discours. Un « Arditi » dégaine son poignard rejoint le communiste et le poignarde.

Le siège milanais de ‘’L’Avanti’’ le quotidien socialiste italien est situé via San Damanio près de la Piazza del Duomo.

En fin d’après-midi des contre-manifestants menés par les « Arditi » enfoncent sans difficulté le cordon de soldats censés protéger l’imprimerie de ‘’L’Avanti’’.

Le saccage commence. Méthodique, efficace. Ils fracassent tout, aspergent les pièces de liquide inflammable, brûlent des livres reliés, renversent tables et bureaux, détruisent machines à écrire et rotatives.

Une demi-heure plus tard, le bâtiment est en flammes. Dans la via San Damiano, la police assiste au spectacle de l’incendie aux côtés de ceux-là mêmes qui l’ont déclenché.

Elle interdit aux pompiers d’intervenir afin de laisser au bûcher le temps de se consumer.

 

(Extraits de lecture du livre d’Antonio Scurati « M l’enfant du siècle » édition Les Arènes).

Chaque mardi, en exclusivité sur EVAB, vous avez rendez-vous avec la série "M" qui va vous faire revivre les évènements qui ont fondé le fascisme en Italie, le siècle dernier.

 

 

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