« Il ne s’agit pas de saborder le navire bourgeois, mais d’y entrer pour en chasser les éléments parasites . . . Le problème qui se pose aujourd’hui est celui de la restauration. Les grandes grèves sont toutes destinées à échouer, comme à Turin, comme en France et ailleurs. Il existe une limite infranchissable. Les fascistes ne doivent pas modifier leur ligne de conduite. De toute façon, on est toujours réactionnaire par rapport à quelqu’un ».

Mussolini, discours au congrès national des Faisceaux de combat, Milan, 25 mai 1920

Depuis des semaines, Mussolini annonce dans les colonnes du Popolo d’Italia que « l’heure de l’insurrection est proche », des chiffres enthousiasmants sont communiqués, mais la vérité, c’est qu’on ne compte que 600 adhérents à Milan, 300 à Crémone, seulement 300 dans la capitale, une centaine à Bologne, Parme, Pavie, Vérone, 40 à Mantoue, Oneglia et Caulonia, 20 à Piadena, Recco et ainsi de suite.

Au total, il n’y a que 2375 fascistes inscrits et titulaires d’une carte en Italie.

Telle est la base à laquelle on peut se fier. Quelque chose toutefois a changé. Si les chiffres se ressemblent, les visages ne sont plus les mêmes. La phalange des aventuriers, déplacés et combattants démobilisés tient la position : le ressentiment des vétérans est tenace. Mais les syndicalistes révolutionnaires de la gauche interventionniste ont abandonné, les républicains sont partis en début d’année, les nationalistes idéalistes ont gagné Fiume en janvier.

Ces hommes ont été remplacés par des commerçants, des fonctionnaires, des cadres de bas niveau, par les vestons dignes et usés de la petite bourgeoisie appauvrie par l’inflation galopante.

Il y a eu une transfusion de sang.

Au congrès, Mussolini s’exprime peu avant minuit devant un auditoire décimé et abattu par la laborieuse digestion des protéines animales. Les fascistes, comme le souhaitent les industriels, doivent soutenir une limitation libérale de l’État aux fonctions de soldat, policier, juge et percepteur. Il convient de favoriser la collaboration des secteurs productifs du prolétariat et de la bourgeoisie. Il importe de ne pas saborder le navire bourgeois, mais de monter à bord et de prendre possession de la salle des machines. Enfin, il faut abandonner toute question institutionnelle préalable.

Les fascistes penchent depuis toujours pour la république, néanmoins, si c’est nécessaire, ils conserveront la monarchie.

Minuit est passé, les rares membres de l’auditoire encore éveillés entendent Mussolini le blasphémateur romagnol, qui n’a même pas fait baptiser ses enfants, affirmer que le Vatican représente quatre cents millions d’hommes éparpillés à travers le monde et qu’une politique intelligente se doit d’utiliser cette force colossale.

Vingt minutes à peine se sont écoulées, et il ne reste presque plus rien du programme initial.

Après minuit, le virage à droite est accompli.

Le lendemain matin, les travaux du deuxième congrès national fasciste s’achèvent. Seuls dix des dix-neuf membres du premier Comité central ont été réélus. Les neufs restants sont tous de droite.

 

( Extraits de lecture du livre d’Antonio Scurati ‘’ M l’enfant du siècle ‘’ aux éditions Les Arènes )

 

Chaque mardi en exclusivité sur EVAB, vous avez rendez-vous avec la série ‘’M’’ qui va vous faire revivre les évènements qui ont fondé le fascisme en Italie, le siècle dernier.

 

 

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