Imaginer affaiblir l’extrême droite par un coup de barre à droite, cesser toute attaque contre elle pour multiplier les attaques frontales contre la gauche, balayer tous les scrupules constitutionnels, tout cela a déjà été fait par l’extrême centre et la droite extrême dans les années 1930 en Allemagne. Finalement, cette dérive a donné tout le pouvoir aux nazis.
Celles et ceux qui ont suivi cette série issue du livre de Johann Chapoutot doivent se poser la même question : quand on constate les mêmes similitudes entre deux séquences historiques, est-ce que l’on peut parler de répétition ?
Il est bien entendu difficile de répondre à une telle question, mais il est largement possible d’alimenter le débat par la liste des mesures prises par les gouvernements Hindenburg afin de les comparer aux mesures prises par les gouvernements Macron :
- Une politique d’austérité, dogmatique qui aggrave la crise et la misère
- Un pouvoir exécutif qui fait adopter des mesures de destruction du modèle social à coups de 48-2
- Une gauche sociale-démocrate qui soutient cette politique, afin (dit-elle) d’éviter le pire
- Un régime politique qui se présidentialise et concentre des pouvoirs exorbitants
- Le règne de la courtisanerie et des incompétents placés comme « conseillers »
- Une dissolution ratée, une seconde qui amène les nazis au pouvoir
- Une défaite cuisante aux législatives, le refus de tenir compte du résultat
- La condamnation des « extrêmes », en rajoutant que certains sont plus extrêmes que d’autres
- L’affirmation que ceux qui défendent la nation, les valeurs, l’ordre, la propriété, sont toujours préférables à la gauche
- Un magnat, milliardaire des médias, qui consacre sa fortune à la résurrection nationale
- Des paniques morales que l’on est bien en peine de définir, mais qui résument toutes les peurs
- Une dissolution, une défaite et le refus de tenir compte du résultat
- Un gouvernement chargé des affaires courantes qui s’éternise
- L’incapacité du président à nommer un nouveau chef du gouvernement
- Des mois de réflexion pour rester au pouvoir au sommet de l’État
- Une politique « pro-business », faite de subventions et de crédit d’impôts
- Un patronat qui applaudit et qui en réclame toujours plus
- Des projets de réforme de la Constitution dans le sens d’un renforcement du pouvoir exécutif
- Des médias qui bavassent sur l’humeur du président
- Des libéraux autoritaires qui envisagent le recours à la force et qui souhaitent faire alliance avec l’extrême droite, laquelle recule, car elle en veut trop. Ces libéraux autoritaires font finalement le pari insensé de lui confier le pouvoir,
Hindenburg ne peut pas être critiqué pour avoir prémédité le don du pouvoir à Hitler, il doit en revanche être critiqué pour avoir scellé le succès des nazis par son dilettantisme. Cette profonde bêtise politique était aussi alimentée par une estime de soi au-dessus de la moyenne.
Si nous ne voulons pas que l’histoire se répète, la première des choses à faire c’est d’en mesurer les conséquences. C’est ce qu’a fait brillamment Johann Chapoutot dans son livre : « Les irresponsables. Qui a porté Hitler au pouvoir ? », il est publié aux éditions Gallimard, édité en février 2025, il est vendu au prix de 21 euros. Je vous en conseille vivement la lecture et l’achat.