Le 25 avril 1974, désobéissant aux ordres du MFA (Mouvement des forces armées) qui demandait aux portugais de rester chez eux, le peuple accompagne les mutins et gravi les rues escarpées de Lisbonne jusqu’à la caserne du Carmo où le dictateur Marcelo Caetano s’est réfugié. La plus longue dictature européenne du vingtième siècle s’effondre dans l’humiliation totale.

Le 24 avril 1974, vers 22 h, le major Otelo Saraiva de Carvalho arrive au poste de commandement des forces armées au nord de Lisbonne. Il retrouve sept autres officiers. Leur plan d’action s’appuie essentiellement sur l’armée de terre. Les fusiliers marins, les parachutistes, les forces spéciales de la marine et de l’armée de l’air, n’adhèrent pas au plan d’action mais ils acceptent de ne pas agir contre le MFA. La force aérienne garantit sa neutralité.

À minuit vingt, l’émission « limite » de Radio Renaissance donne le signal des opérations en diffusant la chanson alors interdite de José Alfonso « Grandola, Vila Morena » (Grandola, ville brune).

À trois heures du matin, les mutins commencent à se déplacer.

À quatre heures du matin, le MFA prend le contrôle de l’aéroport de Lisbonne.

À six heures du matin la colonne du capitaine Salgueiro Maia prend position sur la place du Terreiro do paço, au bord du Tage au centre de Lisbonne.

Quelques heures plus tard se déroule la scène la plus connue du 25 avril. Le général loyaliste Junqueira avance pour empêcher Maia de progresser. Maia s’avance seul un mouchoir blanc à la main pour parlementer. Junqueira ordonne de tirer, un officier refuse d’obtempérer il est aussitôt mis aux arrêts. Junqueira donne le même ordre aux tireurs des chars d’assaut, qui refusent également d’obéir. Isolé Junqueira bat en retraite. Les soldats qui restent rejoignent les troupes de Maia.

Le MFA a publié ce jour-là plus d’une dizaine de communiqués qui demandent à la population de ne pas sortir.

Mais le peuple refuse de ne pas prendre part au renversement de la dictature.

Dans un nouveau communiqué, publié à 10 h 30, « le poste de commandement du MFA constate que la population civile reste sourde aux appels qui lui ont été faits à plusieurs reprises de ne pas sortir ».

En scandant « Victoire ! » et « À bas le fascisme ! », des jeunes se mêlent aux troupes et encerclent la caserne du Carmo où le président du Conseil Caetano et le président de la République Tomas se sont réfugiés.

La scène est entièrement filmée, elle passe en direct sur la RTP (Radio télévision portugaise). Le gouvernement est assiégé par des milliers de civils et de militaires armés.

À 18 h 39 les membres du gouvernement destitué sortent de la caserne où ils se sont réfugiés.

La population en colère se précipite aussitôt vers les autres symboles de la dictature : immeuble de la censure, bureaux du parti unique, l’Action nationale populaire, les installations de la sinistre police politique PIDE, le siège du journal de la dictature « A Epoca », les prisons.

Le lendemain matin, le 26 avril, à 9 h 30 la PIDE se rend sans condition.

Dès le 25 avril, les proches et les amis des prisonniers se dirigent vers les centres de détention. Cédant à la pression du peuple, la Junte de salut national est obligée de libérer tous les prisonniers y compris politiques.

À Porto, la deuxième ville du pays, l’après-midi du 25 avril est marqué par des rassemblements qui célèbrent la chute du régime.

À Coimbra se déroule une gigantesque manifestation à laquelle prennent part militaires, travailleurs, étudiants, paysans.

Le 28 avril, les habitants du quartier populaire de Boavista à Lisbonne, occupent des logements vacants et refusent d’en sortir, en dépit des injonctions des militaires et de la police.

De leur côté les employés de banque commencent à contrôler la sortie des capitaux à partir du 29 avril.

Ce même 29 avril 1974, les employés de bureau occupent leur syndicat et en expulsent la direction. Le lendemain dix mille étudiants se réunissent en assemblée générale, tandis que les ouvriers du bâtiment démettent leur direction syndicale. Une grève commence à la société de transport « Transul ». Le 30 avril toujours, plusieurs syndicats et un cortège de travailleurs se dirigent vers le ministère des Corporations et de la sécurité sociale, rebaptisé ministère du Travail.

En quelques jours, après 48 ans de dictature, les grèves se répandent comme une trainée de poudre. Elles vont être accompagnées de formes d’auto-organisation et de démocratie directe quasi systématiques.

La révolution portugaise est lancée.

(Cet article est issu de la lecture du livre de Raquel Varela « Un peuple en révolution, Portugal 1974 – 1975 » paru aux éditions Agone, édité en 2018, 24 euros, 395pages, je vous en recommande la lecture)

Pour écouter la chanson « Grandola, Vila Morena », voir la version chantée par José Afonso diffusée sur You Tube le 24 avril 2023.

 

 

    

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