Le pacte de la Moncloa est signé en 1977 par différentes forces politiques espagnoles. Son objectif est de mener une « transition démocratique » par le haut, à froid, sans mobilisation sociale.

Ce pacte faustien est conclu entre 4 personnages qu’à priori tout oppose, sauf la soif du pouvoir. En introduction au film « Amis sous la cendre » qui sera projeté le 6 avril 2024 à 18 h à la Cimade, nous vous proposons une série de portraits des principaux protagonistes du pacte de la Moncloa : après celui d’Adolfo Suàrez, place à Juan Carlos ex-roi d’Espagne.

Juan Carlos : la royauté est soluble dans le capitalisme.

Le parcours de Juan Carlos est celui d’un intrigant qui dès son plus jeune âge et jusqu’à la fin de sa vie aura agi sans principes et sans scrupules. C’est pourtant à cet aventurier que les responsables des 2 principaux partis de gauche (PSOE et PCE) ont confié les clés du camion de la « transition démocratique ».

Juan Carlos nait à Rome en 1938, où sa famille est exilée. Son grand-père, le roi Alphonse XIII, parti pour l’exil après la victoire des républicains, contraint ses deux fils ainés à renoncer à sa succession. Son troisième fils, l’infant Juan (le père de Juan Carlos), devient à 20 ans l’héritier du trône.

Une animosité réciproque entre l’infant Juan et Franco amène le dictateur à désigner en 1949, Juan Carlos alors âgé de 11 ans comme futur roi.

Le 29 mars 1956, Juan Carlos tue accidentellement son frère cadet d’une balle de pistolet dans le front. Les rumeurs et hypothèses abondent pour expliquer ce drame, le pistolet ayant été offert quelques semaines auparavant par Franco.

Pendant la dictature en 1969, Franco crée le titre de prince d’Espagne pour adouber son protégé, Juan Carlos.

Durant les périodes de maladie de Franco en 1974 et 1975, Juan Carlos est nommé chef de l’État par intérim. Deux jours après la mort du dictateur il est nommé roi d’Espagne.

Malgré une répression sanglante, les grèves et manifestations se multiplient dans tout le pays.

Face à la résistance armée des indépendantistes de l’ETA, des communistes révolutionnaires du FRAP, des libertaires du GRAPO, le roi d’Espagne comprend qu’il ne peut pas lier son sort aux nostalgiques purs et durs du franquisme.

Programmé par le franquisme pour être un régent docile, Juan Carlos prend conscience que s’il veut sauver son trône, il doit jouer sa propre partition.

C’est ce qu’il fait en s’associant à Adolfo Suárez.

Les deux hommes se connaissent depuis leur rencontre à Ségovie en 1968. Ils ont tous les deux la particularité d’avoir été formatés par le franquisme pour être des pions dociles et de nourrir parallèlement de grandes ambitions personnelles.

Juan Carlos et Adolfo Suárez comprennent que s’ils ne compromettent pas les partis de gauche dans un processus de « transition démocratique », ils vont se retrouver sur un siège éjectable. 

La loi pour la réforme politique adoptée par le parlement le 18 novembre 1976 et par référendum le 15 décembre 1976, scelle le pacte faustien qui est signé entre les héritiers du franquisme et ceux de la république.

L’Espagne a été un pays sans constitution de 1936 à 1978. Pour participer aux règles démocratiques bourgeoises, le PSOE et le PCE acceptent le retour de la monarchie et l’abandon du drapeau républicain.

Le 31 juillet 1978, la nouvelle constitution est adoptée avec 94,2 % de votes favorables au parlement et 94,5 % au Sénat.

Côté citoyen, plus d’un tiers de la population ne prend pas part au référendum du 6 décembre 1978, ce qui dans les circonstances politiques du moment est énorme.

Dès lors, le roi Juan Carlos règne comme un monarque constitutionnel.

Durant la tentative de coup d’État du 23 février 1981, le roi tergiverse pendant 6 longues heures pour savoir s’il rejoint, ou pas, le camp des putschistes. Il se range du côté de la légalité après avoir vérifié que la tentative de putsch était mal engagée.

À la suite de scandales politiques et financiers, Juan Carlos abdique en faveur de son fils Felipe le 2 juin 2014.

Dans un communiqué, le nouveau roi Felipe V annonce en mars 2020 qu’il renonce à l’héritage de son père. Celui-ci, selon le « New York Times » détiendrait une fortune de 1,8 milliard de dollars. Ces comptes pour partie basés au Panama auraient été alimentés par des pots-de-vin durant les années de son règne.

Le 3 août 2020, sous le coup d’une enquête du « tribunal suprême », Juan Carlos quitte précipitamment l’Espagne pour les Émirats arabes unis.

Le 2 mars 2022, la justice espagnole classe sans suite toutes les enquêtes visant l’ancien monarque. Elle ouvre la voie à son retour après deux ans d’exil.

Le 19 mai 2022 ? l’ex-monarque corrompu revient dans son ancien royaume sans avoir été inquiété par la justice pour ses malversations.

Ce retour est cautionné par les mêmes partis qui, il y 47 ans ont signé le pacte de la Moncloa.

 

 

 

 

 

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