C’est toujours intéressant de voyager, d’aller un peu loin de Béziers, qui nous est devenue étouffante.
Un tour en Sicile, un arrêt à Palerme, et la découverte d’une ville qui laisse sa population étendre son linge aux fenêtres, se prélasser sur les pelouses que la municipalité entretient pour qu’elles soient toujours belles pour l’accueillir.
Un monde coloré, des femmes « enrobées » de tissus de couleurs vives, des visages d’un beau brun, des gamins qui font du cerf-volant, des vieux, des jeunes, de la musique à fond dès qu’un groupe se forme.
Dans les rues où se tiennent plusieurs marchés ouverts, des vrais, pas des galeries commerciales pour gens huppés – comme sont devenues nos halles – il y a des mélanges d’odeurs et des voix hautes ; ça crie qu’ici le poisson est frais, là-bas qu’il se frit et se mange sur place. Et on reste manger un bout, boire un Vermentino, pour le plaisir (et le prix !) de retrouver une ambiance perdue.
Comment une ville peut-elle garder son âme à ce point, préserver ce mescolanza di cultura, ce « melting pot » ? Certainement dans l’histoire de celles et ceux qui, au conseil municipal l’ont gérée.
Le maire emblématique de Palerme, Leoluca Orlando, a voulu que sa ville soit terre de culture, terre d’accueil. Il a eu le temps de le faire, élu de 1985 à 2022.
Quoique membre de la Démocratie Chrétienne, il fait la promotion d’une culture civique, son mandat est marqué par la lutte contre la mafia, le développement d’une offre artistique, et remet en cause les clientélismes locaux. Il réussit, au cours de ses mandats, à avoir le soutien du Parti communiste sicilien, ce qui lui vaut, sans doute, une interview dans l’Humanité qui dit de lui :

C’est un exemple pour le monde qui dessine des frontières et érige des murs. Celui ou celle qui foule le sol de Palerme, qu’il arrive de la mer ou des terres, se voit offrir une carte de séjour sans conditions Leoluca Orlando lui donne le statut de citoyen et lui rend son humanité.
C’est pas la même histoire avec Roberto Lagalla, qui devient maire de la ville en 2022 à la tête d’une coalition de centre droit. Son élection est entachée de suspicions à cause des condamnations pour la proximité mafieuse de certains de ses soutiens, de son absence à la cérémonie commémorant l’attentat, dit de Capaci, qui a tué entre autres le juge Falcone, de l’arrestation de deux candidats de sa coalition quelques jours avant le premier tour et son fort score dans des quartiers à forte imprégnation criminelle[
Et pourtant, malgré le CV de Lagalla, le nouveau maire n’a semble t-il pas abandonné l’héritage de son prédecesseur, en tout cas pour l’instant. Les Palermitain-e-s ont, eux, gardé leurs habitudes et y tiennent. C’est une autre façon de résister quand ces habitudes sont joyeuses.
Je me suis dit que des Biterrois qui ont voté Ménard, en voyage en Sicile, ont dû photographier ce linge aux fenêtres, ces gens libres sur les pelouses, ces rues piétonnes transformées en marché et petits restos populaires… en se disant que c’était « exotique » et agréable à regarder !