Le 15 octobre 1917, voilà exactement 108 ans, Mata Hari est fusillée pour espionnage dans les bois du château de Vincennes.
La danseuse néerlandaise va payer de sa vie son inconscience et sa légèreté. Elle était devenue l’espionne la plus célèbre de son temps.
Margaretha Geertruida Zelle, née en 1876, est la fille d’un chapelier néerlandais. L’enfant est éveillée, fine et élancée. Elle a un teint basané inhabituel aux Pays-Bas qui fait qu’on la prend souvent pour une Eurasienne.
Son père, qui lui est très attaché, la gâte beaucoup avant de rencontrer des revers de fortune. La jeune fille étudie pour devenir institutrice, mais elle est renvoyée à la suite d’une liaison avec le directeur qui, de son côté, perd sa place.
À la suite d’une annonce matrimoniale, Margaretha épouse un capitaine nommé MacLeod de dix-neuf ans son aîné, qui se montre bientôt violent et porté sur le rhum. Le capitaine emmène sa jeune femme vivre à Java où elle s’initie à la danse orientale.
La belle Margareta ne supporte ni le climat du pays ni la jalousie de son époux. En 1903, le couple rentre au pays. Mais Margaretha a découvert aux colonies une vie exaltante, ce qui l’amène à divorcer de son capitaine et à regagner Paris afin de s’y faire une nouvelle existence. Dès 1905 elle devient danseuse de charme sous les apparences d’une princesse javanaise dénommée Mata Hari (L’œil de l’Aurore ou Le Soleil) dans des salons parisiens très fermés.
La représentation donnée le soir du 13 mars 1905 par le riche négociant et mécène Émile Guimet pour une brochette de privilégiés consiste en un tableau animé représentant le dieu hindou Shiva aux six bras recevant l’hommage exalté d’une pléiade de princesses. Au cours de ces spectacles, elle laisse tomber un à un les voiles de son costume oriental et ne se trouve finalement vêtue que de somptueux bijoux.
La salle exulte et une spectatrice, l’écrivain Colette, note en experte : «Elle ne dansait guère mais elle savait se dévêtir progressivement et mouvoir un long corps bistre, mince et fier.»
Le spectacle connaît le succès et la troupe se produit bientôt à Madrid, Monte Carlo, Berlin, La Haye, Vienne et même Le Caire. La jeune et troublante artiste collectionne les protecteurs haut placés.
Après l’entrée en guerre des puissances européennes, en août 1914, Mata Hari, qui parle plusieurs langues et vient d’un pays neutre, se permet de voyager librement à travers l’Europe. À Paris, elle mène grand train au Grand Hôtel où les uniformes chamarrés abondent.
Mata Hari se laisse enrôler dans les services secrets allemands sous la désignation de H21 car elle a de graves problèmes financiers. Elle doit utiliser ses brillantes relations mondaines pour connaître les plans d’attaques des alliés et se renseigner sur les futur mouvements de troupes de l’armée française.
Mais un message télégraphié de Hendaye s’avèrent funeste : les services secrets britanniques l’interceptent, le décodent et démasquent l’agent allemand Mata Hari.
L’envoûtante «Eurasienne» fait alors la folie de rentrer en France. Au lieu de l’arrêter, les services d’espionnage français la persuadent de collaborer ce qu’elle accepte.
Quelques temps plus tard, des experts français interceptent un message radio indiquant que les Allemands sont informés que Mata Hari travaille aussi pour les services français. Elle est donc arrêtée et accusée d’espionnage.
Elle était un agent double pour l’Allemagne et pour la France. Mais on se sait toujours pas aujourd’hui quels secrets elle a livrés et à qui.
Le procès de l’ancienne danseuse commence le 24 juillet 1917. La France est en guerre. Les mutineries qui ont éclaté au front quelques semaines auparavant et le mauvais moral des troupes rendent les juges impitoyables.
Sensible à l’atmosphère empoisonnée de l’époque, la Cour déclare Mata Hari coupable d’intelligence avec l’ennemi et la condamne à être passée par les armes.
L’exécution a lieu le 17 octobre au bois de Vincennes. Mata Hari refuse le bandeau qu’on lui propose et se tient crânement près du poteau d’exécution, lançant un dernier baiser aux soldats du peloton. Juste avant d’être fusillée, Mata Hari s’écrie : « Quelle étrange coutume des Français que d’exécuter les gens à l’aube ! »
Personne ne réclame son corps qui est remis au département d’anatomie de la faculté.
Mata Hari, fut-elle simplement une courtisane naïve et vénale manipulée par les services secrets ?
Son procès et son exécution continuent pourtant d’enflammer les esprits et le personnage est depuis entré dans la légende. Greta Garbo, Marlène Dietrich, Jeanne Moreau, Sylvia Kristel et Maruschka Detmers lui ont depuis prêté leur personnalité à la scène, à l’écran ou à la télévision.
Il faut convenir que le mythe de la Belle disposée à trahir sur l’oreiller est aussi vieux que le monde.
Mais c’est une autre histoire
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