Une autre histoire – 28 avril 1912, mort de Jules Bonnot

par | 27 avril 2025 | Histoire

Le 28 avril 1912, voilà exactement 113 ans, Jules Bonnot trouve la mort lors de l’assaut  par la police de la villa de Choisy le Roi où il a trouvé refuge.

Pur produit d’une société où les antagonismes de classe sont posés en des termes d’une violence extrême, le phénomène Bonnot, pour être compris, doit être replacé dans le contexte social de l’époque. Les plus déshérités n’ont aucune perspective de mieux-être et donc l’acte désespéré, aussi inutile que dangereux devient une fin en soi. 

La bourgeoisie a pris la place de l’aristocratie. A son tour, elle risque en ce début du 20ème siècle de se voir contester sa suprématie  par une nouvelle classe montante, celle des travailleurs dont l’anarchisme est l’expression la plus rude mais aussi peut-être la plus sincère.

Le syndicalisme s’organise et son trait le plus caractéristique à cette époque est son antimilitarisme militant. Logiques avec leurs idées, la plupart de ceux qui suivront Jules Bonnot sont des insoumis. Tous ses comparses, avant le vol et le crime, feront leurs armes dans les grèves les plus dures violemment réprimées par la troupe.

L’année 1911 sera fertile en évènements de toutes sortes et surtout avec l’affaire de la rue Ordener. Un petit groupe d’anarchistes illégalistes se regroupent autour de Jules Bonnot. On y trouve Raymond Callemin, dit Raymond la Science, un anarchiste sentimental que la misère révolte et pousse à l’action, Octave Garnier, dit « la bête à tuer », violent et extrémiste mais aussi Eugène Dieudonné. Ces hommes qui vont semer la terreur sont pauvres, nés pauvres. Ils ont souffert de la faim, ont logé dans des taudis, ont manqué du nécessaire. La société les a ignorés quand elle ne les a pas meurtris. Leur offensive contre la bourgeoisie et ses représentants sera sans pitié. Leur fin sera à la mesure de leurs exploits car ils seront guillotinés ou massacrés par la police.

Ils sont prêts à tout tenter, prêt à une action d’éclat, dangereuse et décisive. Le 21 décembre 1911 survient le premier hold-up motorisé de l’Histoire. Commence alors l’épopée de la bande à Bonnot !

 Les malfrats blessent grièvement de deux balles un garçon de recettes de la succursale de la Société Générale, rue Ordener, à Paris. Ils s’emparent de sa sacoche et s’enfuient à bord d’une Delaunay-Belleville de 12 chevaux, ce qui se fait alors de mieux en matière d’automobile. Le véhicule, volé quelques jours plus tôt, est abandonné à Dieppe.

Déception sur le montant du butin, à peine 5000 francs. Le portefeuille qui contenait 20000 francs de billets et de rouleaux d’or est resté entre les mains de l’employé de Banque.

Tous les journaux consacrent à l’affaire des pages entières et la police piétine dans son enquête. Toutes les routes de France sont surveillées, on procède à de multiples arrestations, les suspects sont vite relâchés, l’affolement est général dans les services de police. On finit par identifier Bonnot et ses complices. On diffuse leurs photos.

Bonnot, Garnier et Callemin sont à Paris, perdus, seuls, en quête d’un asile. Ils errent, traqués, prêts à se faire tuer. Leurs têtes sont mises à prix.

Pour tous, l’affaire de la rue Ordener est un fait divers sanglant. C’est du banditisme et rien d’autre. Mais pour beaucoup d’anarchistes, il s’agit là d’un acte politique.

La bande qui s’élargit à André Soudy et René Valet  ne reste pas inactive : armureries pillées, vol de voitures qui tourne mal avec la mort d’un agent de police. Puis l’affaire de Chantilly avec l’attaque à nouveau de la Société Générale qui tourne au drame avec une fusillade en pleine rue.

Le milieu anarchiste est particulièrement surveillé. Les indicateurs, mouchards et autres délateurs sont les bienvenues,  des centaines de dénonciations arrivent sur le bureau de la sûreté. L’étau se resserre !

C’est d’abord l’arrestation d’André Souby, l’homme à la carabine depuis l’affaire de Chantilly, puis de Edouard Carouy  et de Octave Callemin, Raymond la Science, le 7 avril 1912 ! La traque continue mais c’est Jules Bonnot, qui essaie de se faire oublier, que l’on recherche. Le commissaire Juin, sous-chef de la sûreté, sera tué à Ivry par Jules Bonnot alors qu’il est sur le point de l’arrêter dans une auberge tenue par un ami anarchiste.

Nul ne doute de sa capture à plus ou moins longue échéance. La décision de le tuer rallie tous les suffrages. Jamais la police encouragée par le gouvernement ne pense un seul instant à prendre son gibier vivant.

C’est à Choisy le Roi que Jules Dubois, qui possède un garage, accepte d’héberger Bonnot pour quelques jours. Mais les faits et gestes de Dubois, l’anarchiste,  sont surveillés en permanence. Un homme semble se cacher chez lui, c’est sûr, mais qui ?

La police décide d’intervenir ! Fusillade, Dubois est blessé et la police se retire  ! Bonnot se barricade dans une des deux chambres du premier étage. Les curieux arrivent. Quelques gendarmes se joignent aux policiers. La maison est cernée de tous côtés. Les bandits ne peuvent s’échapper car il ne vient à l’idée de personne que Bonnot est seul ! Un siège délirant va s’engager. Bonnot fait face. Le préfet Lépine avec son état-major au grand complet va prendre la direction des opérations. On les tient enfin !

De toute la banlieue, de Paris même, on continue à affluer vers Choisy le Roi. C’est un spectacle à ne pas manquer ! A midi, près de 30000 personnes se massent autour du pavillon, venues assister à l’agonie d’un anarchiste illégaliste. Cette foule est bourreau. Le tragique le dispute au grotesque.

On décide de dynamiter le repaire en  amenant l’explosif dans une charrette jusque devant la maison..

Bonnot se sait perdu. Il rédige une sorte de testament. Une sonnerie de clairon déchire l’air. La mèche est allumée. Double explosion !

Les policiers pénètrent dans la maison, découvrent le cadavre de Dubois, puis monte dans la chambre et découvre Bonnot. Échange de tir. Bonnot est atteint par 6 balles. La dernière tirée à bout portant. Tout est fini ! De la foule hurlante qui veut le déchiqueter, montent des cris de mort. Le corps criblé de balles, agonisant, à demi-paralysé, est jeté dans une voiture. Les sévices redoublent sur un pantin disloqué, moribond où subsiste encore un souffle de vie. Jules Bonnot décédera à l’Hôtel-Dieu ce 28 avril 1912 un quart d’heure après son arrivée !

Il faudra cependant attendre le 14 mai suivant pour que le reste de la « Bande à Bonnot »  c’est à dire Octave Garnier et René Valet soit tués par la police à Nogent-sur-Marne.

Ses trois derniers complices, parmi lesquels Raymond Callemin (Raymond-la-Science), Etienne Monier et d’André Soudy seront guillotinés le 21 avril 1913 devant la prison de la Santé. Étienne Dieudonné, lui, sera gracié .

L’épopée de la bande à Bonnot n’a duré que 5 mois mais sa légende reste immense : une chevauchée éperdue de folie et de crimes, pendant laquelle une poignée d’anarchistes terrorise une société figée dans ses injustices sociales.

On pense à Bonny & Clyde bien sûr ou encore à la fin tragique de Jacques Mesrine…

mais c’est une autre histoire

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